Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 22-22.469
- ECLI:FR:CCASS:2024:C100077
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 14 février 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 07 juin 2022- Président
- Mme Champalaune (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 février 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 77 F-D
Pourvoi n° C 22-22.469
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 FÉVRIER 2024
La société Garnier-[F], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [F], agissant en qualité de liquidatrice judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 4], société civile immobilière, a formé le pourvoi n° C 22-22.469 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Garnier-[F], ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R] et de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, faisant fonction de doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2022), une sentence arbitrale a condamné la société Coredif à payer à la société civile immobilière [Adresse 4] (la SCI) diverses sommes au titre de malfaçons affectant des travaux immobiliers. Cette sentence ayant été annulée au motif qu'elle avait été signée postérieurement à l'expiration du délai d'arbitrage et la cour d'appel, statuant au fond, ayant fixé à une somme inférieure à celle retenue par la sentence la créance de la SCI, celle-ci a assigné M. [R] en tant qu'arbitre et la société MMA Iard assurances mutuelles, son assureur, en responsabilité et indemnisation de son préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la totalité des sommes allouées par la sentence annulée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La Société Garnier-[F], en la personne de Mme [F], en qualité de liquidatrice judiciaire de la SCI, fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de celle-ci au titre de la perte de chance et du préjudice moral, alors « que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que le préjudice de perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger que la SCI [Adresse 4] ne justifiait pas d'un préjudice réparable de perte de chance de bénéficier de la somme allouée par la sentence annulée du 13 septembre 2010, qu'"à la suite de l'annulation de celle-ci, elle a eu la possibilité de soumettre à la Cour d'appel l'intégralité de ses prétentions", cependant que sans la faute commise par l'arbitre, cette sentence, n'étant susceptible d'aucun appel, n'aurait pu faire l'objet d'aucune infirmation, de sorte que son annulation constituait bien la disparition d'une éventualité favorable pour la SCI Route de Magny, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, ensemble l'article 1489 du Code de procédure civile et le principe de réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le préjudice tiré de l'annulation d'une sentence arbitrale en raison d'une faute imputable à l'arbitre dans l'accomplissement de sa mission contractuelle ne peut conduire, à supposer qu'il puisse être qualifié de perte de chance, à la condamnation de l'arbitre au paiement de dommages et intérêts d'un montant équivalent aux condamnations annulées.
4. Ayant d'abord relevé que la SCI sollicitait, à titre de réparation d'un préjudice de perte de chance, le bénéfice de la totalité de la somme allouée par la sentence annulée, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des autres motifs, qu'en dépit de l'annulation de la sentence en raison de la faute de l'arbitre ayant signé la sentence après l'expiration du délai conventionnel, une telle demande ne pouvait en tout état de cause prospérer dès lors que l'indemnisation de la perte de chance ne peut correspondre qu'à une fraction du préjudice subi qui aurait pu être évité.
5. Ayant ensuite énoncé que la diminution des dommages et intérêts alloués à la SCI par rapport à ceux fixés dans la sentence ne résultait pas de la faute de l'arbitre mais de l'appréciation souveraine des juges ayant eu à statuer au fond sur le litige et devant lesquels la SCI avait pu faire valoir ses droits, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir de ces énonciations que le préjudice dont la réparation était sollicité ne pouvait être qualifié de perte de chance, a pu en déduire, qu'en l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice entier subi, la demande en réparation n'était pas fondée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garnier-[F], en la personne de Mme [F], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société [Adresse 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garnier-[F], en la personne de Mme [F], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société [Adresse 4] et la condamne à payer à M. [R] et la société MMA Iard assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100077
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 février 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 77 F-D
Pourvoi n° C 22-22.469
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 FÉVRIER 2024
La société Garnier-[F], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [F], agissant en qualité de liquidatrice judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 4], société civile immobilière, a formé le pourvoi n° C 22-22.469 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Garnier-[F], ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R] et de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, faisant fonction de doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2022), une sentence arbitrale a condamné la société Coredif à payer à la société civile immobilière [Adresse 4] (la SCI) diverses sommes au titre de malfaçons affectant des travaux immobiliers. Cette sentence ayant été annulée au motif qu'elle avait été signée postérieurement à l'expiration du délai d'arbitrage et la cour d'appel, statuant au fond, ayant fixé à une somme inférieure à celle retenue par la sentence la créance de la SCI, celle-ci a assigné M. [R] en tant qu'arbitre et la société MMA Iard assurances mutuelles, son assureur, en responsabilité et indemnisation de son préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la totalité des sommes allouées par la sentence annulée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La Société Garnier-[F], en la personne de Mme [F], en qualité de liquidatrice judiciaire de la SCI, fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de celle-ci au titre de la perte de chance et du préjudice moral, alors « que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que le préjudice de perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger que la SCI [Adresse 4] ne justifiait pas d'un préjudice réparable de perte de chance de bénéficier de la somme allouée par la sentence annulée du 13 septembre 2010, qu'"à la suite de l'annulation de celle-ci, elle a eu la possibilité de soumettre à la Cour d'appel l'intégralité de ses prétentions", cependant que sans la faute commise par l'arbitre, cette sentence, n'étant susceptible d'aucun appel, n'aurait pu faire l'objet d'aucune infirmation, de sorte que son annulation constituait bien la disparition d'une éventualité favorable pour la SCI Route de Magny, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, ensemble l'article 1489 du Code de procédure civile et le principe de réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le préjudice tiré de l'annulation d'une sentence arbitrale en raison d'une faute imputable à l'arbitre dans l'accomplissement de sa mission contractuelle ne peut conduire, à supposer qu'il puisse être qualifié de perte de chance, à la condamnation de l'arbitre au paiement de dommages et intérêts d'un montant équivalent aux condamnations annulées.
4. Ayant d'abord relevé que la SCI sollicitait, à titre de réparation d'un préjudice de perte de chance, le bénéfice de la totalité de la somme allouée par la sentence annulée, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des autres motifs, qu'en dépit de l'annulation de la sentence en raison de la faute de l'arbitre ayant signé la sentence après l'expiration du délai conventionnel, une telle demande ne pouvait en tout état de cause prospérer dès lors que l'indemnisation de la perte de chance ne peut correspondre qu'à une fraction du préjudice subi qui aurait pu être évité.
5. Ayant ensuite énoncé que la diminution des dommages et intérêts alloués à la SCI par rapport à ceux fixés dans la sentence ne résultait pas de la faute de l'arbitre mais de l'appréciation souveraine des juges ayant eu à statuer au fond sur le litige et devant lesquels la SCI avait pu faire valoir ses droits, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir de ces énonciations que le préjudice dont la réparation était sollicité ne pouvait être qualifié de perte de chance, a pu en déduire, qu'en l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice entier subi, la demande en réparation n'était pas fondée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garnier-[F], en la personne de Mme [F], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société [Adresse 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garnier-[F], en la personne de Mme [F], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société [Adresse 4] et la condamne à payer à M. [R] et la société MMA Iard assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.
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