mardi 19 mars 2024

Vente immobilière et dol

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mars 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 137 F-D

Pourvoi n° A 20-17.790







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024

1°/ Mme [J] [U], veuve [X],

2°/ Mme [P] [X],

toutes deux domiciliées [Adresse 1],

3°/ M. [W] [X], domicilié [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° A 20-17.790 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant à Mme [R] [L], divorcée [T], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de Mmes [X] et de M. [W] [X], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [L] après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2020) et les productions, par acte notarié du 1er octobre 2007, Mme [U] veuve [X], Mme [P] [X] et M. [W] [X] (les vendeurs) ont vendu à Mme [L] et M. [T] (les acquéreurs) une maison d'habitation, au prix de 325 000 euros.

2. Les acquéreurs ont obtenu la désignation d'un expert judiciaire, après avoir constaté l'apparition de fissures sur l'immeuble.

3. Mme [L], devenue seule propriétaire du bien à la suite de son divorce, a assigné les vendeurs en garantie des vices cachés aux fins de réduction du prix de vente et d'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à Mme [L] la somme de 202 267, 20 euros au titre de la réduction du prix, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt, et celle de 7 800 euros à titre de dommages et intérêts, alors :

« 1°/ que l'acquéreur exerçant l'action en garantie des vices cachés doit rapporter la preuve de l'existence des vices qu'il allègue et celle de leur caractère caché ; que pour condamner les vendeurs au titre de la garantie des vices cachés, l'arrêt retient qu'ils ne pouvaient soutenir que les fissures présentes sur la façade de la maison étaient apparentes dès lors qu'elles avaient été rebouchées et masquées par un ravalement et que la présence
d'anciennes fissures sous l'enduit ne permettait pas d'établir que des acquéreurs non professionnels pouvaient connaître l'ampleur des fissures préexistantes à la vente ; qu'en mettant ainsi à la charge des vendeurs la preuve du caractère apparent des vices allégués, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et violé les articles 1641 et 1353 du code civil ;

2°/ que, dans leurs conclusions délaissées, les vendeurs faisaient valoir que Mme [L] avait connaissance des fissures présentes sur la façade de la maison dès lors que les clés lui avaient été remises près de deux mois avant la date de l'acte de vente pour lui permettre de débuter ses travaux, qu'elle avait connaissance de la nature des sols dès lors que l'acte de vente indiquait expressément « le vendeur déclare qu'il existe sur la commune de
Noisy-le-Grand un plan de prévention des risques naturels prescrit de mouvement de terrain dus au retrait gonflement des argiles ainsi qu'un plan de prévention des risques naturels prévisible prescrit d'inondation de la Marne », ce que Mme [L], qui avait longtemps vécu dans le quartier et dont le père, présent à ses côtés lors de la procédure, dirigeait une société d'immobilier et de gestion immobilière dont le siège se situait à 200 m de la maison acquise par sa fille, n'ignorait pas ; qu'en retenant que les travaux entrepris sur la façade de la maison par les vendeurs excluaient qu'ils puissent soutenir que les fissures étaient apparentes lors de la vente, sans répondre à ces conclusions déterminantes desquelles il résultait que Mme [L] avait connaissance, lors de celle-ci, tant de la présence de fissures que du risque lié à la nature des sols, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ subsidiairement, que seule la mauvaise foi du vendeur profane permet d'écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés stipulée à son profit dans l'acte de vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever que les travaux de rebouchage des fissures et de ravalement réalisés par les vendeurs montraient que ces derniers avaient clairement cherché à masquer les fissures ou à en minimiser l'ampleur, le seul fait d'avoir entrepris ces travaux suffisant à établir leur mauvaise foi ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, comme le faisaient valoir les vendeurs, les travaux litigieux, réalisés de manière non professionnelle avec l'aide d'un voisin bricoleur, ne démontraient pas seulement leur volonté d'améliorer les conditions de la vente du bien, exclusive de manoeuvres destinées à tromper l'acquéreur sur l'état de celui-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu, s'appropriant les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, que l'immeuble présentait un nombre important de fissures anciennes non rouvertes et d'autres évolutives sur la partie nord-ouest de la construction, au droit d'une zone concernée par des reprises en sous-sol réalisées en 1980 par les vendeurs eux-mêmes, sans étude géotechnique préalable ni étude structurelle du bâtiment, et que ces fissures avaient été aggravées par la période de sécheresse de 2003 et la nature argileuse des sols.

6. Elle a relevé que les vendeurs avaient fait procéder, avant la vente de l'immeuble, à des travaux de colmatage de ces fissures et de pose d'un enduit sur les façades et retenu, d'une part, que le fait que d'anciennes fissures aient pu être visibles sous l'enduit ne permettait pas d'établir que le vice était apparent et que des acquéreurs non professionnels pouvaient de ce fait connaître l'ampleur des désordres préexistants à la vente, d'autre part, que les vendeurs, qui connaissaient les problèmes de structure de l'immeuble depuis 1980 ainsi que l'ampleur des fissurations réapparues en 2003, avaient, par ces travaux de colmatage, cherché à les dissimuler.

7. C'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions prétendument délaissées, ni à procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, en a souverainement déduit que l'acquéreur démontrait le caractère caché des vices lors de la vente et que les vendeurs étaient de mauvaise foi, de sorte que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés devait être écartée.

8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [J] [U] veuve [X], Mme [P] [X] et M. [W] [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] [U] veuve [X], Mme [P] [X] et M. [W] [X] et les condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300137

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