Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 9 avril 2015
N° de pourvoi: 14-14.434
Non publié au bulletin Rejet
Mme Flise (président), président
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Odent et Poulet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mars 2014), que la société Ugitech a acquis en 2001 de la société Compagnie engrenages et réducteurs Messian Durand (société CMD), un matériel sidérurgique fourni par la société Robydro Hera ; qu'ayant constaté une dégradation de son fonctionnement, elle a assigné en référé ces sociétés et leurs assureurs et obtenu, en 2009, la désignation en qualité d'expert de M. X... dont la mission a été étendue à deux reprises ; que la société Ugitech a sollicité la récusation de l'expert et son remplacement devant le juge chargé du contrôle de l'expertise qui l'a déclarée recevable mais non fondée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Ugitech fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de récusation de l'expert, alors selon le moyen :
1°/ que l'expert doit être récusé toutes les fois que les circonstances dans lesquelles il intervient sont de nature à faire douter de son impartialité ; que la société Ugitech indiquait à l'appui de sa demande de récusation de l'expert X..., que ce dernier avait systématiquement refusé d'aborder la question de la conception du Bogiflex, élément incontournable de sa mission telle que découlant de l'ordonnance l'ayant désigné, et conception à laquelle la société Ugitech imputait les désordres ; qu'elle ajoutait que l'expert X... avait même considéré que la conception de l'engin n'était pas discutée par les parties, en dépit de la dizaine de dires de la société Ugitech consacrés à cette question ; qu'en retenant que cette critique s'analysait en une contestation de la méthodologie et des conclusions de l'expert, de sorte qu'elle ne relevait que du juge du fond, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'il lui était demandé, s'il ne résultait pas de la conduite des opérations par l'expert, refusant systématiquement d'aborder la question pourtant essentielle de la conception du Bogiflex, un parti-pris de celui-ci en faveur du fabricant concepteur au détriment de l'acheteur, a privé sa décision de base légale au regard des articles 234 et 341 du code de procédure civile, L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, ensemble de l'article 6§1 convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que pour exclure que M. X..., ayant enseigné au CNAM, et la société CMD, dont l'un des salariés avait soutenu, sous l'égide du CNAM, un mémoire validant la conception du Bogiflex, aient pu avoir un intérêt commun à éviter que cette conception soit remise en cause, la cour d'appel a retenu que le salarié n'avait pas soutenu son mémoire au CNAM de Paris, mais à celui de Bourges ; que cette circonstance n'était invoquée par aucune des parties ; que la cour d'appel a ce faisant méconnu l'objet du litige et violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que la société Ugitech indiquait encore que les droits d'auteurs du CNAM sur le mémoire portaient sur un équipement dont la marque déposée ¿ utilisée dans le titre du mémoire ¿ était la propriété de la société CMD ; qu'il en résultait l'existence d'un lien entre le CNAM, et l'expert X..., et la société CMD, sur lequel la cour d'appel ne s'est pas expliquée ; que ce faisant la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énuméré les agissements de l'expert susceptibles, selon la société Ugitech, de faire douter de son impartialité, l'arrêt retient que ces doléances doivent s'analyser en critiques relatives tant à la méthode choisie par l'expert qu'à la teneur de ses premières conclusions, dont aucune n'est définitive dans un dossier qui apparaît d'une particulière complexité, et relèvent de la compétence du juge du fond et qu'aucun élément sérieux n'est fourni quant à l'allégeance de l'expert au Conservatoire national des arts et métiers, établissement qui a validé en 1990 le mémoire d'un ancien salarié de la société CMD ayant pour sujet le fonctionnement du matériel litigieux ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est souverainement que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'a pas méconnu l'objet du litige en faisant état du lieu de soutenance du mémoire, a retenu qu'aucun élément n'était de nature à faire peser sur l'expert un doute légitime sur son impartialité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Ugitech fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remplacement de l'expert, alors, selon le moyen :
1°/ que pour rejeter la demande de récusation de l'expert, la cour d'appel a retenu qu'il n'avait pas méconnu son devoir de conseil ; qu'en se fondant au regard d'une obligation de conseil, au demeurant inexistante, sans rechercher s'il n'avait pas manqué à son devoir de conscience, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile ;
2°/ qu'ayant constaté que M. X... s'était prévalu du titre de professeur du CNAM, qu'il n'avait jamais eu, et s'était domicilié sans droit au CNAM après avoir pris sa retraite ce qui avait contraint ce dernier à réagir, la cour d'appel devait rechercher s'il ne résultait pas de ce comportement un manquement de l'expert à son devoir de conscience ; qu'en se bornant à renvoyer sur cette question au procureur, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'usurpation de titre qu'elle a constatée ne caractérisait pas un manquement de M. X... à son devoir de conscience, a privé sa décision de base légale au regard des articles 235 et 237 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant rappelé que la société Ugitech sollicitait le remplacement de l'expert pour manquements de celui-ci à son devoir de conscience et analysé les éléments produits à l'appui de cette demande, c'est par une erreur de plume que la cour d'appel, pour les écarter, a retenu que l'usage par l'expert de certains titres tel qu'allégué ne caractérisait nullement un manquement au devoir de conseil de l'expert de nature à justifier son remplacement, au lieu de ce qu'il ne caractérisait nullement un manquement au devoir de conscience de l'expert ; que cette erreur purement matérielle ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation ;
Et attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à renvoyer la question à l'autorité de contrôle des experts, a, motivant sa décision, souverainement retenu que les manquements reprochés au technicien ne justifiaient pas son remplacement ;
D'où il suit que le moyen inopérant en sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ugitech aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ugitech ; condamne la société Ugitech à verser d'une part la somme de 3 000 euros à la société Compagnie engrenages et réducteurs Messian Durand et d'autre part la même somme à la société HDI Gerling Industrie Versicherung ;
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jeudi 30 avril 2015
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