vendredi 3 février 2017

Nullité de la vente immobilière pour erreur sur les qualités substantielles du bien

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 25 janvier 2017
N° de pourvoi: 15-17.517 15-20.449
Non publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° 15-17.517 et 15-20.449, qui sont connexes ;

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... et le Crédit immobilier de France (la banque) ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte authentique du 1er octobre 2008, reçu par M. X... (le notaire), M. Y... (le vendeur) a vendu à M. Z... un bien immobilier comprenant une maison à usage d'habitation à rénover et une parcelle de terre, moyennant le prix de 130 000 euros financé par un prêt consenti par la banque ; que, le 31 juillet 2009, M. Z... a déposé une déclaration préalable de travaux à la suite d'un procès-verbal d'infraction dressé le 13 juillet précédent, lui reprochant d'avoir entrepris des travaux, notamment de dépose de la toiture, sans autorisation administrative ; qu'un tribunal administratif a, par jugement du 16 juin 2011, devenu irrévocable, rejeté le recours de M. Z... contre l'arrêté du maire du 14 août 2009 s'opposant aux travaux, au motif que l'immeuble ayant perdu depuis de nombreuses années sa destination d'habitation en raison de son état de délabrement avancé, les travaux envisagés auraient pour effet de créer un nouveau logement en méconnaissance des dispositions de l'article ND1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ; que M. Z... a assigné le vendeur en annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles du bien, la banque en annulation du prêt, et le notaire en responsabilité civile professionnelle pour manquement à son devoir de conseil ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° N 15-20.449 :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles du bien, après avoir énoncé que la juridiction administrative avait statué au vu de la ruine de l'immeuble révélée par le procès-verbal d'infraction du 21 juillet 2009, soit après l'intervention de M. Z..., la cour d'appel a retenu que si, après dépôt d'une déclaration préalable de travaux, celui-ci avait limité la rénovation au ravalement des façades et des volets ainsi qu'à l'aménagement intérieur, comme mentionné dans l'acte authentique, le bâtiment, à l'état de ruine du fait de la dépose de la toiture et du crépi des murs, n'aurait pas perdu sa destination d'habitation qu'il avait lors de la signature de l'acte authentique, de sorte que le consentement de l'acquéreur n'avait pas été vicié ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le bien n'avait pas perdu sa destination d'habitation depuis de nombreuses années en raison de son état de vétusté ainsi que de l'absence de raccordement aux réseaux publics et de tout système d'assainissement individuel, ce que la juridiction administrative avait retenu, de sorte que les travaux entrepris par M. Z... n'avaient fait qu'aggraver l'état de ruine déjà caractérisé du bâtiment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° A 15-17.517 :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour retenir une faute à l'encontre du notaire, l'arrêt énonce que celui-ci, tenu d'éclairer les parties sur les caractéristiques de la zone du plan d'occupation des sols, aurait dû attirer l'attention de M. Z... sur les droits et obligations qui en découlaient quant à la nature des travaux envisagés, lesquels devaient demeurer dans la limite de ceux relevant d'une déclaration préalable et ne pouvaient s'étendre à la démolition du clos et du couvert, afin de ne pas se trouver dans la situation de la création d'un nouveau logement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. Z... reprochait exclusivement au notaire de ne pas avoir vérifié si le bien acquis avait conservé sa qualité d'immeuble à usage d'habitation et pouvait, au regard du plan d'occupation des sols, faire l'objet d'une réhabilitation, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

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