dimanche 26 avril 2020

Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 18 mars 2020
N° de pourvoi: 18-22.335
Non publié au bulletin Cassation

M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Le Bret-Desaché, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mars 2020




Cassation


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 215 F-D

Pourvoi n° Z 18-22.335




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MARS 2020

La société Parco innovation, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-22.335 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BCGE, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Europlastiques, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Parco innovation, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Europlastiques, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 juin 2018) et les productions, la société Europlastiques, fabriquant d'emballages en matières plastiques, s'est adressée, en février 2015, à la société Parco innovation, intermédiaire en matériels d'occasion, afin de vendre quatre silos d'occasion au prix convenu entre les parties de 21 000 euros.

2. La société Parco innovation s'est rapprochée de la société BCGE, qui s'est montrée intéressée par l'achat de ces silos au prix de 35 000 euros. La société Parco innovation lui a adressé un devis et, après réception de sa commande, le 24 février 2015, l'a invitée à prendre contact avec la société Europlastiques, dont elle lui a alors communiqué le nom et les coordonnées, afin de convenir de la date d'enlèvement.

3. La société Parco innovation a, alors, passé commande des silos à la société Europlastiques, qui l'a acceptée le 10 mars 2015.

4. Le 2 avril 2015, la société BCGE a notifié à la société Parco innovation l'annulation de sa commande et le 7 avril 2015, la société Europlastiques est, à son tour, revenue sur son accord pour vendre les silos.

5. Estimant que la vente des silos était parfaite, la société Parco innovation a assigné les sociétés Europlastiques et BCGE en paiement de dommages-intérêts au titre de sa perte commerciale et pour résistance abusive.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Parco innovation fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts dirigées contre les sociétés Europlastiques et BCGE alors « que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en ayant énoncé que la société Europlastiques faisait valoir que le contrat de mandat ne s'était pas formé entre elle et la société Parco innovation, quand les parties avaient seulement débattu de la question de savoir si une vente parfaite s'était formée entre les sociétés Europlastiques et BCGE, la cour d'appel, qui a déplacé le débat sur un plan qui n'avait pas été envisagé par les parties, a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

8. Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».

9. L'article 5 du même code dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

10. Pour rejeter les demandes de dommages-intérêts formées par la société Parco innovation, l'arrêt retient que le contrat de mandat par lequel la société Europlastiques a demandé à la société Parco innovation de rechercher un acquéreur de quatre silos d'occasion au prix de 21 000 euros ne s'est pas formé, faute d'accord sur les modalités de paiement du prix, considérées par la société Europlastiques comme une condition substantielle de son consentement.

11. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions d'appel, les parties n'avaient débattu que de la question de savoir si une vente parfaite s'était formée, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La société Parco innovation fait le même grief à l'arrêt alors « que les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen sans inviter les parties à s'en expliquer ; qu'en ayant relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'une convention de prête-nom et des règles de la dissimulation, que les parties n'avaient jamais évoquées, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et méconnu le principe du contradictoire, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

13. Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

14. Selon l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi.

15. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Parco innovation contre la société BCGE, l'arrêt retient que cette dernière ne pouvait ignorer la qualité de mandataire de la société Parco innovation, du fait de son activité d'intermédiaire de commerce, et déduit de l'absence de mention, dans l'acte de vente conclu entre ces deux sociétés, de cette qualité de mandataire de la société Europlastiques que la société Parco innovation a agi en vertu d'une convention de prête-nom obéissant aux règles de la dissimulation.

16. En statuant ainsi, par un moyen relevé d'office, tiré de l'existence d'une convention de prête-nom et des règles de la dissimulation, que les parties n'avaient jamais évoquées dans leurs conclusions, sans les avoir invitées, au préalable, à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne les sociétés Europlastiques et BCGE aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Europlastiques et condamne les sociétés Europlastiques et BCGE à payer à la société Parco innovation la somme globale de 3 000 euros ;

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