mercredi 1 avril 2020

Le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit préciser le fondement juridique de sa décision

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 19-10.681
Non publié au bulletin Cassation

M. Pireyre (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mars 2020




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 275 F-D

Pourvoi n° C 19-10.681




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

La société AFG avocats, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-10.681 contre l'ordonnance rendue le 11 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Acanthe développement, société à responsabilité limitée,

2°/ à la société Vénus, société en nom collectif,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société AFG avocats, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (Paris, 11 janvier 2019), la SCP Fisselier, devenue la SCP AFG Avocats (la SCP), qui exerçait la profession d'avoué près la cour d'appel de Paris, a représenté les sociétés Acanthe Développement et Vénus dans un litige ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 février 2014, qui a condamné solidairement ces deux sociétés aux dépens d'appel.

2. Le 27 janvier 2015, le directeur des services de greffes judiciaires de la cour d'appel de Paris a arrêté l'état de frais dû à la SCP à la somme de 162 019,07 euros.

3. Sur recours, le premier président de la cour d'appel de Paris, par ordonnance du 11 avril 2016, a taxé les dépens dus à la SCP à la somme de 65 107,07 euros.

4. Par arrêt du 26 avril 2017 (pourvoi n° 14-13554), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 27 février 2014.

5. Sur pourvoi de la SCP formé contre l'ordonnance du premier président du 11 avril 2016 et par arrêt du 29 juin 2017 (pourvoi n° 16-18735), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l'article 625 alinéa 2 du code de procédure civile, a dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi et a constaté l'annulation de cette ordonnance par voie de conséquence, à la suite de la cassation préalable de l'arrêt de la cour d'appel du 27 février 2014.

6. Les sociétés Acanthe développement et Vénus ont entrepris des mesures d'exécution pour obtenir restitution des sommes payées en application de l'ordonnance annulée.

7. Par ordonnance du 11 janvier 2019, le premier président de la cour d'appel, saisi par la SCP d'une demande de rejet des contestations des sociétés Acanthe développement et Vénus et de taxation conforme à son état de frais, a dit la SCP est irrecevable en sa demande.
Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La SCP fait grief à l'ordonnance de dire qu'elle est irrecevable en sa demande reçue le 6 septembre 2018 alors «que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en retenant que sa demande était irrecevable, sans préciser quelle était la fin de non-recevoir dont il faisait application, le premier président, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 12, alinéa 1er, du code de procédure civile :

9. Le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit préciser le fondement juridique.

10. Pour dire irrecevable la demande de la SCP de rejet des contestations des sociétés Acanthe développement et Vénus et de taxation conforme à son état de frais, le premier président retient que lorsque l'avoué a effectivement agi devant sa juridiction sur le fondement du mandat ad litem, la cassation de l'arrêt ayant statué sur la charge des dépens ne change rien et le client reste tenu à l'égard du mandataire, que dans un tel cas, l'ordonnance de taxe du premier président n'est d'ailleurs pas davantage annulable par voie de conséquence à la suite de la cassation de l'arrêt ayant statué sur la charge des dépens, puisque le fondement pris du mandat ad litem subsiste indépendamment de l'obligation aux dépens, que toutefois, en l'espèce, il ne peut se tirer aucune conséquence des énonciations de l'ordonnance de taxe annulée du 11 avril 2016, que la SCP ne justifie en rien avoir saisi le premier président, avant l'ordonnance de taxe annulée, d'une demande fondée sur le mandat ad litem dans les instances introduites par les contestations des deux sociétés et par conséquent, faute de s'être prévalue à temps du principe du mandat ad litem, la SCP ne peut pas soutenir que la procédure de taxe antérieure à l'ordonnance annulée pourrait être reprise et poursuivie sur un tel nouveau fondement.

11. En statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, le premier président, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 11 janvier 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet, en conséquence, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

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