lundi 6 avril 2020

En se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'assureur avait posé, lors de la conclusion du contrat, une question précise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 19-11.721
Non publié au bulletin Cassation

M. Pireyre (président), président
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mars 2020




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 276 F-D

Pourvoi n° G 19-11.721







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

M. K... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-11.721 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2017 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Swisslife prévoyance et santé, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. R..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 octobre 2017), M. R..., artisan électricien, a souscrit le 6 juin 2008, auprès de la société Swisslife prévoyance et santé (l'assureur) deux contrats prenant effet au 1er septembre 2008, à savoir le contrat « Swiss Life Relais remboursement frais généraux » et le contrat « Relais maintien des revenus » prévoyant le versement d'indemnités en cas d'incapacité de travail.

2. Par acte du 28 avril 2011, M. R... a assigné l'assureur en exécution de ses garanties devant le tribunal de grande instance de Douai.

3. L'assureur s'est opposé aux demandes d'indemnisation de M. R... et a sollicité reconventionnellement le prononcé de la nullité des contrats.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. M. R... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de le débouter de l'ensemble de ses demandes, de prononcer la nullité des contrats « Swisslife Relais remboursement frais généraux » et « Relais maintien des revenus » conclus le 6 juin 2008 auprès de l'assureur, de dire que les primes d'assurances versées demeurent acquises à l'assureur et de le condamner à payer à l'assureur la somme de 18 424 euros correspondant aux indemnités versées pour les deux contrats, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt alors :

« 1°/ que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; qu'en l'espèce, M. R..., assuré, faisait valoir que la compagnie Swisslife, assureur, ne définissait pas dans son questionnaire comportant la question « Pratiquez-vous un sport ? Si oui, lequel ? », ce qu'elle entendait par le terme sport de sorte qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de sa réponse négative ; qu'en affirmant, pour décider que M. R... avait intentionnellement effectué une fausse déclaration de nature à modifier le risque lors de la souscription du contrat en répondant par la négative à cette question, que le stock-car, course sur circuit fermé, doit nécessairement être qualifié, par l'effort physique et la concentration requis, de sport automobile, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la compagnie Swisslife avait posé une question précise à M. R... sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-2 2°, L. 112-3 et L. 113-8 du code des assurances.

2°/ que la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle du risque ne peut être prononcée qu'à la condition que l'omission ait été faite par l'assuré de mauvaise foi, laquelle est exclue lorsqu'il lui est reproché une omission de déclarer un élément du risque qui n'a pas fait l'objet d'une question précise par l'assureur ; qu'en l'espèce, M. R..., assuré, faisait valoir que la compagnie Swisslife, assureur, ne définissait pas dans son questionnaire comportant la question « Pratiquez-vous un sport ? Si oui, lequel ? », ce qu'elle entendait par le terme sport de sorte qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de sa réponse négative ; qu'en décidant que M. R... avait intentionnellement effectué une fausse déclaration de nature de nature à modifier le risque lors de la souscription du contrat en répondant par la négative à cette question, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la compagnie Swisslife avait posé une question précise à M. R... sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-2 2°, L. 112-3 et L. 113-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 113-2, 2°, L. 112-3 et L. 113-8 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge. Il résulte des deux autres que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions.

6. Pour annuler les contrats d'assurance, l'arrêt, après avoir relevé que l'assuré a complété un questionnaire présenté par l'assureur en répondant par la négative à la question suivante : « Pratiquez-vous un sport ? Si oui, lequel ? », retient d'abord que, sur le point de savoir si le "stock-car" est un sport au sens du questionnaire de santé litigieux, ces courses sur circuit fermé doivent nécessairement être qualifiées, par l'effort physique et la concentration requis, de sport automobile présentant par ailleurs un danger accru pour le pilote puisque les voitures peuvent être en contact les unes avec les autres de manière violente.

7. L'arrêt relève ensuite qu'il est établi que l'assuré pratiquait régulièrement ce sport automobile lors de la souscription du contrat, de sorte que celui-ci a nécessairement eu conscience de la fausseté du contenu de sa déclaration de santé et a, en toute connaissance de cause, donné à l'assureur une information erronée sur son absence de pratique d'un sport.

8. Il en déduit que l'assuré a intentionnellement effectué une fausse déclaration de nature à modifier le risque lors de la souscription de son contrat d'assurance auprès de l'assureur.

9. En se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'assureur avait posé, lors de la conclusion du contrat, une question précise impliquant la révélation d'une pratique telle que le « stock-car », la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne la société Swisslife prévoyance et santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Swisslife prévoyance et santé à payer à M. R... une somme de 3 000 euros ;

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