Note Zalewski-Sicard, GP 2021, n° 34, p. 67.
Note B. Bury, GP 2021, n° 36, p. 61.
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-13.204, 20-14.321
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300464
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 27 mai 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, du 14 janvier 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 464 FS-P
Pourvois n°
R 20-13.204
E 20-14.321 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021
1°/ Mme [U] [J], épouse [B],
2°/ M. [X] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé les pourvois n° R 20-13.204, E 20-14.321 contre un arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant respectivement :
1°/ à la société AST Groupe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société Crédit foncier de France a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme et M. [B], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société AST groupe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. M Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 20-13.204 et n° E 20-14.321 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 janvier 2020), M. et Mme [B] ont conclu avec la société AST groupe un contrat de construction d'une maison individuelle, l'opération immobilière étant financée par un emprunt souscrit auprès de la société Crédit foncier de France (le CFF).
3. M. et Mme [B] ont assigné la société AST groupe et le CFF en annulation et, subsidiairement, en résiliation des contrats de construction et de prêt et en indemnisation de leurs préjudices, avant de modifier leurs prétentions, en cours d'instance, en sollicitant, à titre principal, la constatation de l'anéantissement du contrat de construction par l'exercice de leur droit de rétractation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors « que l'exercice par le maître de l'ouvrage de sa faculté de rétractation ne le prive pas de la possibilité d'exercer une action en responsabilité délictuelle fondée sur la faute commise par son cocontractant lors de la conclusion du contrat ; qu'en retenant, pour écarter l'action en responsabilité des époux [B], fondée sur la faute que la société AST groupe avait commise en leur faisant conclure un contrat de construction de maison individuelle qui méconnaissait plusieurs dispositions d'ordre public, que « l'anéantissement du contrat ne résulte pas d'éventuelles irrégularités dans la formation du contrat mais seulement dans la volonté des acquéreurs de rétracter leur consentement », la cour d'appel a violé les articles 1178 et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé que les deux fautes invoquées par les maîtres de l'ouvrage au soutien de leur demande en réparation d'un préjudice moral et de jouissance étaient, d'une part, l'inachèvement de la maison à la date de livraison prévue par le contrat, d'autre part, les irrégularités ayant affecté la convention et les ayant privés de la possibilité d'exercer la faculté de rétractation prévue par la loi.
7. Elle a retenu à bon droit, en premier lieu, que les maîtres de l'ouvrage ne pouvaient se prévaloir des conséquences dommageables du non-respect du délai prévu par le contrat anéanti par l'exercice de leur droit de rétractation, dont ils n'avaient pas été privés, en second lieu, que l'anéantissement de celui-ci ne résultait pas du fait du constructeur mais du seul exercice de ce droit, de sorte que leurs demandes ne pouvaient être accueillies.
8. Le grief n'est donc pas fondé.
Sur le moyen unique du pourvoi incident
Enoncé du moyen
9. Le CFF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre du constructeur, alors « que commet une faute engageant sa responsabilité le constructeur de maison individuelle qui, en méconnaissance des règles d'ordre public prévues par l'article L. 271-1 du code de la construction et de la construction, ne notifie pas à chacun des époux maîtres de l'ouvrage le contrat de construction, ce défaut de remise de l'acte à chacun des époux ayant pour conséquence d'empêcher le délai légal de rétractation de courir et ainsi, de proroger indéfiniment le délai de rétractation dont disposent les maîtres de l'ouvrage ; qu'en ce cas, le prêteur qui a financé la construction et qui subit l'anéantissement du contrat de prêt en conséquence de l'exercice différé de cette faculté de rétractation est fondé à engager la responsabilité du constructeur aux fins de le voir condamné à garantir la restitution des fonds prêtés et à l'indemniser du préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de construction de maison individuelle conclu par les époux [B] avec la société AST groupe avait été notifié par cette dernière aux époux [B] par un courrier unique dont l'accusé de réception du 6 juin 2015 portant la signature de l'épouse mais pas celle de M. [B], ce dont elle a déduit que du fait de cette notification irrégulière, le délai de rétractation n'avait pas couru et que les époux [B] avaient valablement pu exercer leur droit de rétractation par voie de conclusions signifiées dans le cadre de l'instance engagée en 2017 devant le tribunal de grande instance de Besançon ; que pour rejeter les demandes du CCF dirigées contre la société AST groupe, la cour d'appel a retenu que l'anéantissement du contrat principal n'était pas le fait du constructeur mais celui des maîtres de l'ouvrage qui avaient choisi de se rétracter, sans qu'il soit établi que cette rétractation avait été causée par la faute du constructeur ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, desquelles il résultait que la société AST groupe avait commis une faute en ne respectant pas les règles formelles de notification aux maîtres de l'ouvrage du contrat de construction, permettant ainsi à ces derniers d'exercer leur droit de rétractation sans être tenu par un quelconque délai, leur rétractation ayant entraîné l'anéantissement des contrats de prêt accordés par le CCF, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel, devant laquelle le CFF n'a pas invoqué la faute de la société AST groupe tirée du non-respect des règles de notification du contrat de construction qui l'aurait exposé à l'annulation tardive du contrat de prêt, a relevé que l'anéantissement du contrat principal résultait de la rétractation du consentement des acquéreurs et non d'une faute du constructeur.
11. Elle en a déduit à bon doit que les demandes de la banque à l'encontre de celui-ci ne pouvaient être accueillies.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
13. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de démolition de l'ouvrage, alors « que la charge de la preuve du caractère disproportionné de la démolition, consécutive à l'annulation du contrat de construction de maison individuelle, pèse sur le constructeur ; qu'en retenant, pour écarter la demande de démolition des époux [B], qu'ils n'"établissent pas que (le défaut d'altimétrie entachant l'ouvrage) rend la maison impropre à sa destination ni qu'il présente autrement la gravité imposant la démolition de celle-ci, ne démontrant nullement l'impossibilité d'y remédier, tant sur le plan administratif (...) que sur le plan technique", cependant qu'il appartenait au constructeur de rapporter la preuve de ce que le défaut d'altimétrie de la maison était techniquement et administrativement régularisable si bien que la demande de démolition était disproportionnée à la gravité de ce désordre, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1153 du code civil, ensemble l'article 1178 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
14. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
15. En cas d'anéantissement du contrat, le juge, saisi d'une demande de remise en état du terrain au titre des restitutions réciproques, doit rechercher si la démolition de l'ouvrage réalisé constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectent (3e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n°14-23.612, Bull. 2015, III, n° 97).
16. Dans ce cas, il incombe au constructeur de rapporter la preuve des faits de nature à établir le caractère disproportionné de la sanction.
17. Pour rejeter la demande en démolition, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage ne démontrent pas que le défaut d'altimétrie affectant la construction rend celle-ci impropre à sa destination ni qu'il serait impossible d'y remédier, tant sur le plan administratif par l'obtention d'un permis de construire modificatif, que sur le plan technique par l'installation d'une pompe de relevage des eaux usées.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de démolition de l'ouvrage, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société AST groupe aux dépens ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 464 FS-P
Pourvois n°
R 20-13.204
E 20-14.321 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021
1°/ Mme [U] [J], épouse [B],
2°/ M. [X] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé les pourvois n° R 20-13.204, E 20-14.321 contre un arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant respectivement :
1°/ à la société AST Groupe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société Crédit foncier de France a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme et M. [B], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société AST groupe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. M Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 20-13.204 et n° E 20-14.321 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 janvier 2020), M. et Mme [B] ont conclu avec la société AST groupe un contrat de construction d'une maison individuelle, l'opération immobilière étant financée par un emprunt souscrit auprès de la société Crédit foncier de France (le CFF).
3. M. et Mme [B] ont assigné la société AST groupe et le CFF en annulation et, subsidiairement, en résiliation des contrats de construction et de prêt et en indemnisation de leurs préjudices, avant de modifier leurs prétentions, en cours d'instance, en sollicitant, à titre principal, la constatation de l'anéantissement du contrat de construction par l'exercice de leur droit de rétractation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors « que l'exercice par le maître de l'ouvrage de sa faculté de rétractation ne le prive pas de la possibilité d'exercer une action en responsabilité délictuelle fondée sur la faute commise par son cocontractant lors de la conclusion du contrat ; qu'en retenant, pour écarter l'action en responsabilité des époux [B], fondée sur la faute que la société AST groupe avait commise en leur faisant conclure un contrat de construction de maison individuelle qui méconnaissait plusieurs dispositions d'ordre public, que « l'anéantissement du contrat ne résulte pas d'éventuelles irrégularités dans la formation du contrat mais seulement dans la volonté des acquéreurs de rétracter leur consentement », la cour d'appel a violé les articles 1178 et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé que les deux fautes invoquées par les maîtres de l'ouvrage au soutien de leur demande en réparation d'un préjudice moral et de jouissance étaient, d'une part, l'inachèvement de la maison à la date de livraison prévue par le contrat, d'autre part, les irrégularités ayant affecté la convention et les ayant privés de la possibilité d'exercer la faculté de rétractation prévue par la loi.
7. Elle a retenu à bon droit, en premier lieu, que les maîtres de l'ouvrage ne pouvaient se prévaloir des conséquences dommageables du non-respect du délai prévu par le contrat anéanti par l'exercice de leur droit de rétractation, dont ils n'avaient pas été privés, en second lieu, que l'anéantissement de celui-ci ne résultait pas du fait du constructeur mais du seul exercice de ce droit, de sorte que leurs demandes ne pouvaient être accueillies.
8. Le grief n'est donc pas fondé.
Sur le moyen unique du pourvoi incident
Enoncé du moyen
9. Le CFF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre du constructeur, alors « que commet une faute engageant sa responsabilité le constructeur de maison individuelle qui, en méconnaissance des règles d'ordre public prévues par l'article L. 271-1 du code de la construction et de la construction, ne notifie pas à chacun des époux maîtres de l'ouvrage le contrat de construction, ce défaut de remise de l'acte à chacun des époux ayant pour conséquence d'empêcher le délai légal de rétractation de courir et ainsi, de proroger indéfiniment le délai de rétractation dont disposent les maîtres de l'ouvrage ; qu'en ce cas, le prêteur qui a financé la construction et qui subit l'anéantissement du contrat de prêt en conséquence de l'exercice différé de cette faculté de rétractation est fondé à engager la responsabilité du constructeur aux fins de le voir condamné à garantir la restitution des fonds prêtés et à l'indemniser du préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de construction de maison individuelle conclu par les époux [B] avec la société AST groupe avait été notifié par cette dernière aux époux [B] par un courrier unique dont l'accusé de réception du 6 juin 2015 portant la signature de l'épouse mais pas celle de M. [B], ce dont elle a déduit que du fait de cette notification irrégulière, le délai de rétractation n'avait pas couru et que les époux [B] avaient valablement pu exercer leur droit de rétractation par voie de conclusions signifiées dans le cadre de l'instance engagée en 2017 devant le tribunal de grande instance de Besançon ; que pour rejeter les demandes du CCF dirigées contre la société AST groupe, la cour d'appel a retenu que l'anéantissement du contrat principal n'était pas le fait du constructeur mais celui des maîtres de l'ouvrage qui avaient choisi de se rétracter, sans qu'il soit établi que cette rétractation avait été causée par la faute du constructeur ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, desquelles il résultait que la société AST groupe avait commis une faute en ne respectant pas les règles formelles de notification aux maîtres de l'ouvrage du contrat de construction, permettant ainsi à ces derniers d'exercer leur droit de rétractation sans être tenu par un quelconque délai, leur rétractation ayant entraîné l'anéantissement des contrats de prêt accordés par le CCF, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel, devant laquelle le CFF n'a pas invoqué la faute de la société AST groupe tirée du non-respect des règles de notification du contrat de construction qui l'aurait exposé à l'annulation tardive du contrat de prêt, a relevé que l'anéantissement du contrat principal résultait de la rétractation du consentement des acquéreurs et non d'une faute du constructeur.
11. Elle en a déduit à bon doit que les demandes de la banque à l'encontre de celui-ci ne pouvaient être accueillies.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
13. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de démolition de l'ouvrage, alors « que la charge de la preuve du caractère disproportionné de la démolition, consécutive à l'annulation du contrat de construction de maison individuelle, pèse sur le constructeur ; qu'en retenant, pour écarter la demande de démolition des époux [B], qu'ils n'"établissent pas que (le défaut d'altimétrie entachant l'ouvrage) rend la maison impropre à sa destination ni qu'il présente autrement la gravité imposant la démolition de celle-ci, ne démontrant nullement l'impossibilité d'y remédier, tant sur le plan administratif (...) que sur le plan technique", cependant qu'il appartenait au constructeur de rapporter la preuve de ce que le défaut d'altimétrie de la maison était techniquement et administrativement régularisable si bien que la demande de démolition était disproportionnée à la gravité de ce désordre, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1153 du code civil, ensemble l'article 1178 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
14. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
15. En cas d'anéantissement du contrat, le juge, saisi d'une demande de remise en état du terrain au titre des restitutions réciproques, doit rechercher si la démolition de l'ouvrage réalisé constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectent (3e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n°14-23.612, Bull. 2015, III, n° 97).
16. Dans ce cas, il incombe au constructeur de rapporter la preuve des faits de nature à établir le caractère disproportionné de la sanction.
17. Pour rejeter la demande en démolition, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage ne démontrent pas que le défaut d'altimétrie affectant la construction rend celle-ci impropre à sa destination ni qu'il serait impossible d'y remédier, tant sur le plan administratif par l'obtention d'un permis de construire modificatif, que sur le plan technique par l'installation d'une pompe de relevage des eaux usées.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de démolition de l'ouvrage, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société AST groupe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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