Vu sur le site de la Cour de cassation :
La remise en état d’un site sur lequel a été exploitée une activité relevant de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement
La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question essentielle de la remise en état d’un site sur lequel a été exploitée une activité relevant de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement : 3e Civ., 29 mars 2022, pourvoi n° 21-16.348 et 3e Civ., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-17.502, publiés.
Que le terrain pollué à la suite de l’exploitation soit vendu ou bien qu’il soit restitué au bailleur, la législation spéciale, d’ordre public, relative aux installations classées met à la charge du dernier exploitant une obligation légale de remise en état définie à l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement, dont la violation déclenche sa responsabilité quasi-délictuelle.
En énonçant que « lorsqu’une installation classée pour la protection de l’environnement est mise à l’arrêt définitif par le locataire qui l’exploitait, l’intention du propriétaire de reprendre l’exercice de l’activité industrielle est sans incidence sur l’obligation légale de mise en sécurité et de remise en état du site pesant sur ce locataire, en sa qualité de dernier exploitant » (pourvoi n° 21-16.348) la troisième chambre civile donne son plein effet juridique à la décision du locataire de mettre fin à ses activités, qui est notifiée au préfet selon les modalités précisées aux articles R. 512-39-1 et suivants du code de l’environnement. Le locataire ne saurait tenter d’échapper à la remise en état dont il est débiteur de droit en s’abritant derrière une prétendue intention du bailleur. Si celui-ci entend reprendre l’exploitation lui-même ou par un tiers, il lui incombe de se conformer aux règles régissant le changement d’exploitant, ce qui permettra un nouveau contrôle de l’administration sur l’installation et les modalités de son exploitation.
La Cour de cassation a également été amenée à rappeler sa jurisprudence sur les conséquences de l’inexécution de l’obligation de remise en état dans les rapports entre le locataire et le propriétaire bailleur (pourvoi n° 21-16.348). Tant que les travaux de mise en sécurité et de remise en état ne sont pas réalisés, et sauf appréciation souveraine contraire des juges du fond sur une possible reprise de l’exploitation, le locataire est redevable d’une indemnité d’occupation, fixée par rapport au montant du loyer, même s’il n’est plus dans les lieux et a remis les clés : « le locataire dernier exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement est redevable d’une indemnité d’occupation tant qu’il n’a pas effectué les mesures de mise en sécurité et de remise en état du site qui lui incombaient au titre de la législation sur les installations classées ».
La teneur de l’obligation de remise en état a été précisée par l’arrêt prononcé dans le pourvoi n° 21-17.502 : la pollution restante ne doit en aucun cas porter atteinte aux intérêts protégés énumérés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement et le site doit être mis dans un état compatible avec son usage futur défini conformément à la réglementation en vigueur. Si, en revanche, l’acquéreur décide de modifier la destination du site, en l’espèce pour un usage d’habitation, plus sensible que l’usage industriel résultant de la réglementation applicable, le coût de la dépollution supplémentaire nécessitée par ce changement d’usage sera à sa charge : « si le dernier exploitant d’une installation classée mise à l’arrêt définitif a rempli l’obligation de remise en état qui lui incombe, au regard à la fois de l’article L. 511-1 du code de l’environnement et de l’usage futur du site défini conformément à la réglementation en vigueur, le coût de la dépollution supplémentaire résultant d’un changement d’usage par l’acquéreur est à la charge de ce dernier ».
Par ailleurs, dans ce dernier dossier, à l’occasion des demandes formées contre ses vendeurs au titre de la garantie des vices cachés, la SCI soutenait que, tant que le coût des travaux de dépollution nécessaires n’avait pas été évalué, elle n’avait pu connaître le vice dans toute son ampleur.
Ecartant cette analyse, la Cour de cassation rappelle que la connaissance du vice par l'acquéreur, point de départ du délai de forclusion de l'action en garantie des vices cachés, n'est pas conditionnée par la connaissance du coût des travaux nécessaires pour y remédier : il est seulement exigé que l’acquéreur soit en mesure d’apprécier l’importance du vice.
Ces règles strictes sont nécessaires pour clarifier les responsabilités des utilisateurs du sol qui vont se succéder dans le temps et garantir, au-delà d’aménagements contractuels toujours possibles au titre du bail ou de la vente, la réhabilitation des sols dans l’objectif d’intérêt général que poursuit, en ce domaine, la législation spéciale sur les installations classées.
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