Note Ch. Laporte, SJ G 2020, p. 1576
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 juillet 2020, 19-14.745, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-14.745
- ECLI:FR:CCASS:2020:C200650
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 02 juillet 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 15 mars 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 650 F-P+B+I
Pourvoi n° V 19-14.745
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020
La société Mixcom, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-14.745 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. A... R..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Mixcom, de Me Le Prado, avocat de M. R..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2019), la société Mixcom a relevé appel de deux jugements d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée, pour le premier, au profit de M. C... et, pour le second, au profit de M. R.... Le premier appel a été enregistré sous le numéro RG 17/07222 et le second sous le numéro RG 17/07224. M. R... et M. C... ont constitué le même avocat dans les deux affaires.
2. La société Mixcom a déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel dans l'affaire l'opposant à M. R..., faute de remise au greffe de ses conclusions avant l'expiration du délai de l'article 908 du code de procédure civile.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Mixcom fait grief à l'arrêt, confirmant l'ordonnance déférée, de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel formée à l'encontre du jugement du 18 septembre 2017 intervenu au profit de M. R..., alors « que l'article 908 du code de procédure civile exige simplement que des conclusions soient remises entre les mains du greffe de la cour d'appel dans le délai requis sans énoncer aucune autre exigence quant au contenu des conclusions et quant aux mentions qu'elles doivent comporter, et si le texte institue une caducité, c'est pour sanctionner, non pas une erreur qui pourrait affecter une mention portée sur les conclusions, mais l'absence de conclusions, relatives à l'appel qui doit être soutenu, entre les mains du greffe ; qu'en décidant le contraire, pour retenir une caducité, quand des conclusions incontestablement relatives au contentieux opposant la société Mixcom à M. R..., étaient produites au greffe dans le délai de trois mois, motifs pris d'une mention erronée quant au numéro de répertoire, les juges du fond ont violé l'article 908 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 748-3, 908 et 930-1 du code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel :
4. L'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.
5. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Mixcom, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société n'a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. R... avant le 16 janvier 2018, dès lors que la remise au greffe par RPVA, le 11 décembre 2017, des conclusions relatives à cette instance, dans le cadre d'une instance distincte concernant un autre salarié, inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 17/07222, dont elles portaient par erreur le numéro, ne pouvait suppléer l'absence de remise au greffe des conclusions de l'appelante ni valoir remise de ces conclusions dans le dossier numéro 17/07224.
6. La cour d'appel retient également que le débat ne porte pas sur la portée de l'indication d'un numéro de répertoire erroné sur les conclusions mais sur le défaut d'accomplissement d'un acte de procédure, que faire valoir que les avocats des intimés étaient les mêmes revient à plaider l'absence de grief, laquelle est inopérante en matière de caducité, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'un grief et que la communication par voie électronique repose sur la mise en commun des dossiers des parties entre le greffe et les avocats, chacun accomplissant les actes mis à sa charge par le code de procédure civile, de sorte qu'aucun raisonnement par analogie avec l'ancien système « papier » ne peut être effectué.
7. La cour d'appel énonce enfin, par motifs adoptés, que la demande de jonction de ces instances était dénuée d'incidence faute de créer une procédure unique et qu'aucune erreur du greffe ni aucun dysfonctionnement du réseau n'est allégué.
8. En statuant ainsi, tout en constatant que la société Mixcom avait transmis au greffe de la cour d'appel, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel, des conclusions relatives à l'instance d'appel l'opposant à M. R..., par l'intermédiaire du RPVA, de sorte qu'elle était bien saisie de ces conclusions en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne M. R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 650 F-P+B+I
Pourvoi n° V 19-14.745
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020
La société Mixcom, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-14.745 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. A... R..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Mixcom, de Me Le Prado, avocat de M. R..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2019), la société Mixcom a relevé appel de deux jugements d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée, pour le premier, au profit de M. C... et, pour le second, au profit de M. R.... Le premier appel a été enregistré sous le numéro RG 17/07222 et le second sous le numéro RG 17/07224. M. R... et M. C... ont constitué le même avocat dans les deux affaires.
2. La société Mixcom a déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel dans l'affaire l'opposant à M. R..., faute de remise au greffe de ses conclusions avant l'expiration du délai de l'article 908 du code de procédure civile.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Mixcom fait grief à l'arrêt, confirmant l'ordonnance déférée, de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel formée à l'encontre du jugement du 18 septembre 2017 intervenu au profit de M. R..., alors « que l'article 908 du code de procédure civile exige simplement que des conclusions soient remises entre les mains du greffe de la cour d'appel dans le délai requis sans énoncer aucune autre exigence quant au contenu des conclusions et quant aux mentions qu'elles doivent comporter, et si le texte institue une caducité, c'est pour sanctionner, non pas une erreur qui pourrait affecter une mention portée sur les conclusions, mais l'absence de conclusions, relatives à l'appel qui doit être soutenu, entre les mains du greffe ; qu'en décidant le contraire, pour retenir une caducité, quand des conclusions incontestablement relatives au contentieux opposant la société Mixcom à M. R..., étaient produites au greffe dans le délai de trois mois, motifs pris d'une mention erronée quant au numéro de répertoire, les juges du fond ont violé l'article 908 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 748-3, 908 et 930-1 du code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel :
4. L'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.
5. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Mixcom, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société n'a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. R... avant le 16 janvier 2018, dès lors que la remise au greffe par RPVA, le 11 décembre 2017, des conclusions relatives à cette instance, dans le cadre d'une instance distincte concernant un autre salarié, inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 17/07222, dont elles portaient par erreur le numéro, ne pouvait suppléer l'absence de remise au greffe des conclusions de l'appelante ni valoir remise de ces conclusions dans le dossier numéro 17/07224.
6. La cour d'appel retient également que le débat ne porte pas sur la portée de l'indication d'un numéro de répertoire erroné sur les conclusions mais sur le défaut d'accomplissement d'un acte de procédure, que faire valoir que les avocats des intimés étaient les mêmes revient à plaider l'absence de grief, laquelle est inopérante en matière de caducité, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'un grief et que la communication par voie électronique repose sur la mise en commun des dossiers des parties entre le greffe et les avocats, chacun accomplissant les actes mis à sa charge par le code de procédure civile, de sorte qu'aucun raisonnement par analogie avec l'ancien système « papier » ne peut être effectué.
7. La cour d'appel énonce enfin, par motifs adoptés, que la demande de jonction de ces instances était dénuée d'incidence faute de créer une procédure unique et qu'aucune erreur du greffe ni aucun dysfonctionnement du réseau n'est allégué.
8. En statuant ainsi, tout en constatant que la société Mixcom avait transmis au greffe de la cour d'appel, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel, des conclusions relatives à l'instance d'appel l'opposant à M. R..., par l'intermédiaire du RPVA, de sorte qu'elle était bien saisie de ces conclusions en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne M. R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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