dimanche 27 septembre 2020

Le choix d'invoquer la garantie des vices cachés ne prive pas l'acquéreur de la possibilité d'invoquer la garantie de conformité prévue par le code de la consommation

 

Note Balat, D. 2020, p. 1819


Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1 juillet 2020, 19-11.119, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juillet 2020




Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 393 F-D

Pourvoi n° D 19-11.119




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2020

M. U... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-11.119 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Renault Retail Group, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. S..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat des sociétés Renault Retail Group et Renault, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 novembre 2018), le 21 novembre 2013, M. S... (l'acquéreur) a acquis de la société Renault Retail Group Nîmes (le vendeur) un véhicule neuf. En raison d'un bruit anormal émanant du véhicule, que les interventions du vendeur n'avaient pu régler, une expertise amiable a été effectuée. Par actes des 9 et 12 novembre 2015, M. S... a assigné le vendeur et la société Renault SAS (le constructeur) en résolution de la vente et restitution du prix, sur le fondement de la garantie des vices cachés, à titre principal, et sur celui d'un défaut de conformité, à titre subsidiaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résolution de la vente fondée sur la garantie des vices cachés, dirigée contre le vendeur et le constructeur, alors :

« 1°/ que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en jugeant que le défaut affectant le véhicule acquis par l'acquéreur n'en compromettait pas l'usage normal, bien qu'elle ait constaté que ce vice, préexistant à la vente, affectait la qualité et le confort que l'acquéreur était en droit d'attendre d'un véhicule neuf, ce dont il résultait que l'acquéreur ne l'aurait pas acquis ou seulement à un prix moindre s'il l'avait connu, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 1641 du code civil ;

2°/ que, dans ses conclusions d'appel, l'acquéreur faisait valoir qu'outre la gêne provoquée, pendant la conduite, par les bruits anormaux du véhicule, ces bruits en rendaient difficile, voire impossible, la revente ; qu'en jugeant que le défaut affectant le véhicule n'en compromettait pas l'usage normal sans répondre aux conclusions de l'acquéreur sur ce point, dont il s'évinçait que s'il avait connu le défaut affectant le véhicule il ne l'aurait acquis ou seulement à un prix moindre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. L'arrêt relève que, si le véhicule présente depuis les premiers mois de son utilisation un bruit anormal émanant du tableau de bord dont l'origine n'a pas été élucidée et qui caractérise un défaut préexistant à la vente, ce défaut affecte la qualité et le confort que l'acheteur était en droit d'attendre sans pour autant compromettre un usage normal et sécurisé du véhicule.

4. De ces constatations et énonciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a exactement déduit que la garantie du vendeur n'était pas due au titre des vices cachés.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur la garantie légale de conformité, alors « que le consommateur qui exerce une action sur le fondement de la garantie légale de conformité du code de la consommation n'est pas privé du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires et réciproquement ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de l'acquéreur fondée sur l'article L. 211-4, devenu L. 217-4, du code de la consommation, que les actions fondées sur le vice caché et le défaut de conformité ne pourraient être exercées simultanément, la cour d'appel a violé les articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-13 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-1, devenu L. 217-4 du code de la consommation et l'article L. 211-13, devenu L. 217-13 du même code :

7. Aux termes du premier de ces textes, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il résulte du second que l'action fondée sur la garantie légale de conformité ne prive pas l'acheteur du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires telle qu'elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi.

8. Pour rejeter la demande de l'acquéreur sur le fondement de la garantie légale de conformité, l'arrêt retient que la demande subsidiaire formée sur le fondement de l'article L. 211-1, devenu L. 217-4 du code de la consommation ne peut prospérer, en vertu du principe de non-cumul des actions fondées sur le vice caché et le défaut de conformité.

9. En statuant ainsi, alors que le choix d'invoquer la garantie des vices cachés ne prive pas l'acquéreur de la possibilité d'invoquer la garantie de conformité prévue par le code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes formées par M. S... sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne les sociétés Renault Retail Group SA et Renault SAS aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Renault Retail Group SA et Renault SAS, et les condamne à payer à M. S... la somme de 3 000 euros ;

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