Note A. Pélissier, RGDA 2022-5, 25.
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 20-19.056
- ECLI:FR:CCASS:2022:C200271
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 10 mars 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 18 juin 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 mars 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 271 F-D
Pourvoi n° B 20-19.056
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 MARS 2022
La société Générali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-19.056 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Assurances du crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Générali IARD, de la SCP Gaschignard, avocat de M. [R] et de la société Assurances du crédit mutuel IARD, et après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2020), le 2 août 2010, une explosion, suivie d'un incendie, a gravement endommagé un immeuble en copropriété, dans lequel habitait M. [R], et a entraîné le décès de sa mère, [H] [R].
2. M. [C] a déclaré avoir provoqué le sinistre en tentant de se suicider et a été reconnu coupable, par un tribunal correctionnel, des délits d'homicide involontaire et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes. Sur l'action civile de M. [R], le tribunal correctionnel a condamné M. [C] à payer à ce dernier certaines sommes en réparation de ses préjudices.
3. M. [R] et son assureur, la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM), ont assigné l'assureur de M. [C], la société Generali France assurances (la société Generali), en réparation du préjudice causé par l'incendie.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Generali fait grief à l'arrêt de la condamner, en application du contrat d'assurance souscrit par M. [C] et en garantie de la condamnation civile prononcée à l'encontre de celui-ci par le tribunal correctionnel de Colmar le 14 mars 2014, à payer à M. [R] une somme totale de 82 177,70 euros, et de la condamner, en application du même contrat, à payer à la société ACM une somme de 7 992,30 euros, alors « que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que la faute dolosive suppose la volonté de son auteur de commettre le manquement en connaissance de ses conséquences dommageables, mais sans que celles-ci constituent nécessairement le but même de son action fautive ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que la faute commise par M. [C] ne pouvait être qualifiée d'intentionnelle au sens de cette disposition, faute de démontrer que celui-ci avait eu la volonté de causer des dommages à autrui, sans vérifier, comme il lui était demandé, si la faute de l'assuré ne revêtait pas un caractère dolosif compte tenu de la conscience que M. [C] devait avoir des dommages que l'explosion volontaire de son appartement entraînerait nécessairement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :
6. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
7. Pour condamner la société Generali, en application du contrat d'assurance souscrit par M. [C], à payer à M. [R] en garantie de la condamnation civile prononcée, une somme totale de 82 177,70 euros et à la société ACM, une somme de 7 992,30 euros, l'arrêt énonce que la faute intentionnelle de l'assuré s'entend de celle qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu. Il ajoute que la société Generali n'invoque aucune circonstance permettant de démontrer que M. [C] avait la volonté de créer le dommage dont il est demandé réparation à son assureur et qu'il ressort au contraire des pièces produites que, s'il a commis volontairement l'acte à l'origine de l'incendie, sa seule volonté était d'attenter à sa vie et non de nuire à celle d'autrui ou à des biens. Il en déduit que la faute intentionnelle au sens de l'article susvisé n'est pas caractérisée, peu important que l'intéressé ait été condamné pour une infraction intentionnelle au sens du droit pénal.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] n'avait pas eu conscience de ce qu'une explosion provoquée dans son appartement entraînerait inéluctablement des conséquences dommageables dans l'ensemble de l'immeuble et n'avait pas, dès lors, commis une faute dolosive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action directe intentée par M. [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD contre la société Generali IARD, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens ;
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 mars 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 271 F-D
Pourvoi n° B 20-19.056
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 MARS 2022
La société Générali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-19.056 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Assurances du crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Générali IARD, de la SCP Gaschignard, avocat de M. [R] et de la société Assurances du crédit mutuel IARD, et après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2020), le 2 août 2010, une explosion, suivie d'un incendie, a gravement endommagé un immeuble en copropriété, dans lequel habitait M. [R], et a entraîné le décès de sa mère, [H] [R].
2. M. [C] a déclaré avoir provoqué le sinistre en tentant de se suicider et a été reconnu coupable, par un tribunal correctionnel, des délits d'homicide involontaire et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes. Sur l'action civile de M. [R], le tribunal correctionnel a condamné M. [C] à payer à ce dernier certaines sommes en réparation de ses préjudices.
3. M. [R] et son assureur, la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM), ont assigné l'assureur de M. [C], la société Generali France assurances (la société Generali), en réparation du préjudice causé par l'incendie.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Generali fait grief à l'arrêt de la condamner, en application du contrat d'assurance souscrit par M. [C] et en garantie de la condamnation civile prononcée à l'encontre de celui-ci par le tribunal correctionnel de Colmar le 14 mars 2014, à payer à M. [R] une somme totale de 82 177,70 euros, et de la condamner, en application du même contrat, à payer à la société ACM une somme de 7 992,30 euros, alors « que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que la faute dolosive suppose la volonté de son auteur de commettre le manquement en connaissance de ses conséquences dommageables, mais sans que celles-ci constituent nécessairement le but même de son action fautive ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que la faute commise par M. [C] ne pouvait être qualifiée d'intentionnelle au sens de cette disposition, faute de démontrer que celui-ci avait eu la volonté de causer des dommages à autrui, sans vérifier, comme il lui était demandé, si la faute de l'assuré ne revêtait pas un caractère dolosif compte tenu de la conscience que M. [C] devait avoir des dommages que l'explosion volontaire de son appartement entraînerait nécessairement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :
6. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
7. Pour condamner la société Generali, en application du contrat d'assurance souscrit par M. [C], à payer à M. [R] en garantie de la condamnation civile prononcée, une somme totale de 82 177,70 euros et à la société ACM, une somme de 7 992,30 euros, l'arrêt énonce que la faute intentionnelle de l'assuré s'entend de celle qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu. Il ajoute que la société Generali n'invoque aucune circonstance permettant de démontrer que M. [C] avait la volonté de créer le dommage dont il est demandé réparation à son assureur et qu'il ressort au contraire des pièces produites que, s'il a commis volontairement l'acte à l'origine de l'incendie, sa seule volonté était d'attenter à sa vie et non de nuire à celle d'autrui ou à des biens. Il en déduit que la faute intentionnelle au sens de l'article susvisé n'est pas caractérisée, peu important que l'intéressé ait été condamné pour une infraction intentionnelle au sens du droit pénal.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] n'avait pas eu conscience de ce qu'une explosion provoquée dans son appartement entraînerait inéluctablement des conséquences dommageables dans l'ensemble de l'immeuble et n'avait pas, dès lors, commis une faute dolosive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action directe intentée par M. [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD contre la société Generali IARD, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD contre la société Generali IARD et la demande formée par la société Generali IARD contre M. [R] et condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD à payer à la société Generali IARD la somme de 3 000 euros ;
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