mercredi 4 mai 2022

Constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2022




Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 357 F-D

Pourvoi n° X 20-22.180




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

La caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-22.180 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [T],

2°/ à Mme [B] [G], épouse [T],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

M.et Mme [T] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi principal, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi incident, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [T], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 septembre 2020), les 21 octobre 2004 et 6 juillet 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes (la banque) a consenti à M. et Mme [T] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers destinés à l'acquisition de biens à usage locatif.

2. Le 29 novembre 2012, à la suite de la défaillance des emprunteurs, la banque a prononcé la déchéance du terme et, le 13 février 2013, les a assignés en paiement. Ceux-ci ont invoqué le manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande reconventionnelle des emprunteurs et de la condamner à leur payer la somme de 48 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que constitue une défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence, tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que constitue au contraire, une demande reconventionnelle, soumise à la prescription, la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; qu'en l'état non seulement des conclusions d'appel des époux [T] dont il ressort que ces derniers, loin de s'être borné à conclure au rejet des demandes formées à leur encontre par la Caisse exposante avaient au contraire conclu d'une part au débout(é) (de) la caisse de Crédit agricole Sud Rhône Alpes de ses demandes faute de produire un décompte probant " et, d'autre part à sa condamnation à leur payer la somme de 147.948,67 euros en réparation du préjudice subi du fait des manquements de la banque ", mais aussi des propres constatations de l'arrêt attaqué selon lesquelles Les époux [T] ont relevé appel le 27 mai 2019. Dans leurs dernières conclusions du 4 juin 2020, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de débouter le Crédit Agricole de ses demandes. Formant une demande reconventionnelle, ils réclament 147 948,67 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de la banque ", la cour d'appel qui, infirmant le jugement entrepris, déclare recevable la demande reconventionnelle " des époux [T] au motif que leurs prétentions constituaient un simple moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence, a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes du second, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

6. Pour écarter le moyen tiré de la prescription et condamner la banque à payer aux emprunteurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que leurs prétentions tendent au rejet des demandes formées à leur encontre, de sorte qu'elles constituent un simple moyen de défense au fond.

7. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs ne se bornaient pas à demander le rejet des demandes en paiement formées par la banque, mais sollicitaient, en outre, une indemnisation en réparation de leurs préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

11. L'arrêt relève, par motifs adoptés, que les emprunteurs ont été défaillants dans le remboursement de leurs échéances à compter d'août et d'octobre 2012 et ont formé leur demande en dommages-intérêts à l'encontre de la banque en raison de son manquement à son devoir de conseil dans des conclusions déposées le 8 novembre 2017.

12. Il s'en déduit que cette action, qui est prescrite, est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable la demande reconventionnelle formées par M. et Mme [T] et condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes à leur payer la somme de 48 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 22 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [T] à l'encontre de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes;

Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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