mardi 17 mai 2022

L'entreprise était mal fondée à contester l'existence d'un motif légitime d'application de la clause d'indemnisation prévue en cas de résiliation du marché "pour motif d'intérêt général"

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 385 FS-B

Pourvoi n° U 21-12.291




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

1°/ la société Les Compagnons paveurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son liquidateur judiciaire la société Axyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Axyme (société d'exercice libéral à responsabilité limitée) dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée EMJ, agissant par M. [J] [V], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs, société anonyme,

ont formé le pourvoi n° U 21-12.291 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant à la société Brest métropole aménagement (BMA), société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Les Compagnons paveurs et de la société Axyme ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Brest métropole aménagement, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 décembre 2020), la société d'aménagement d'économie mixte Brest métropole aménagement (la société BMA) a confié à la société Les Compagnons paveurs (la société LCP), désormais en liquidation judiciaire, un marché de travaux de fourniture de pose de pierres naturelles, selon un acte d'engagement prévoyant une durée de réalisation des travaux de quarante mois, dont vingt-trois mois pour la tranche ferme et onze et six mois pour deux tranches conditionnelles.

2. L'ordre de service du démarrage de travaux de la tranche ferme a été notifié le 24 octobre 2011.

3. Les travaux n'ont pas été réalisés.

4. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 novembre 2013, la société LCP a dénoncé la caducité du marché et adressé son décompte final au maître de l'ouvrage qui l'a refusé.

5. Par lettre du 29 novembre 2013, la société BMA a informé la société LCP de sa décision de résilier le marché pour un motif d'intérêt général et lui a notifié le montant de l'indemnité contractuelle due.

6. La société LCP a assigné la société BMA en paiement devant les juridictions administratives. Par décision du 25 octobre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que le litige ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative.

7. Soutenant que la résiliation notifiée par le maître de l'ouvrage était dépourvue de tout effet juridique, pour l'avoir été postérieurement à la date de caducité du marché de travaux, de sorte que la société BMA ne pouvait se prévaloir de la résiliation pour un motif d'intérêt général, la société LCP, représentée par la société Axyme, en sa qualité de liquidateur judiciaire, a assigné la société BMA en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société LCP et la société Axyme, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que le juge judiciaire ne peut donner effet aux clauses exorbitantes du droit que comporte un marché de travaux, étrangères par nature à celles consenties par quiconque dans le cadre des lois civiles ou commerciales ; qu'en faisant application de l'article 46.4 du CCAG autorisant le maître d'ouvrage à résilier le marché « pour motif d'intérêt général », clause exorbitante du droit commun qu'elle devait écarter, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que suivant l'article 46.4 du CCAG (arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux), le marché peut être résilié « pour motif d'intérêt général » ; que, pour rejeter la contestation, par la société Les Compagnons paveurs, de l'existence d'un motif légitime de résiliation, la cour d'appel a énoncé que le maître d'ouvrage « justifie de la substitution d'un revêtement en béton aux pavés en pierre naturelle et de sa volonté de recherche d'économies » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser le motif d'intérêt général exigé par le CCAG, a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. La société LCP et son liquidateur judiciaire s'étant bornés, dans leurs conclusions d'appel, à contester la justification du motif de résiliation tiré de l'intérêt général, sans soutenir que la clause autorisant le maître de l'ouvrage à résilier le contrat à un tel motif serait exorbitante du droit commun ni demander qu'elle fût réputée non écrite, le grief de la première branche, contraire à leurs écritures, est irrecevable.

11. La cour d'appel, qui a constaté que la société BMA justifiait, au soutien de la résiliation pour un motif d'intérêt général, de la volonté de recherche d'économies qui l'avait conduite à substituer aux pavés de pierre naturelle, prévus dans le marché de la société LCP, un revêtement en béton a, appréciant souverainement cet intérêt, pu retenir que l'entreprise était mal fondée à contester l'existence d'un motif légitime et, faisant application de la clause contractuelle d'indemnisation prévue en un tel cas, rejeter les demandes.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axyme, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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