Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 20-17.185
- ECLI:FR:CCASS:2022:C100149
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 21 avril 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 30 avril 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 149 FS-B
Pourvoi n° T 20-17.185
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 AVRIL 2022
La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-17.185 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les laboratoires Servier industrie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Les laboratoires Servier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), de 1995 à 1999, il a été prescrit du Mediator à [M] [N] qui a présenté, en 1999, une hypertension artérielle pulmonaire ayant nécessité une transplantation pulmonaire.
2. Après avoir sollicité une expertise judiciaire, [M] [N] a, avec des proches (les consorts [N]), assigné en responsabilité et indemnisation les sociétés Les laboratoires Servier et Les laboratoires Servier industrie, producteur du Mediator (les sociétés), et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours.
3. Après le décès d'[M] [N] survenu le 13 janvier 2015, les consorts [N] ont conclu une transaction avec les sociétés et se sont désistés de leur action. L'instance s'est poursuivie entre la caisse et les sociétés.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la caisse est subrogée, de plein droit, dans les droits de la victime ; que la caisse peut exiger du tiers responsable le remboursement des prestations versées à la victime si le tiers responsable a conclu une transaction avec cette dernière sans appeler la caisse à y participer ; que la caisse dans cette hypothèse n'a pas à justifier de la responsabilité du tiers, lequel ne peut pas davantage lui opposer des exonérations de responsabilité qu'il n'a pas opposées à la victime ; qu'en considérant que la caisse pouvait se voir opposer l'exonération de responsabilité que le tiers n'avait pas opposée de la victime lors de la transaction conclu avec cette dernière en l'absence de la caisse, la Cour d'appel a violé les articles L. 376-1 à L. 376-4 du Code de la Sécurité Sociale, 1382 devenu 1240, et 1386-11 devenu 1245-19 du Code Civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 376-1, L. 376-3 et L. 376-4 du code de la sécurité sociale et l'article 2044 du code civil :
5. Selon les trois premiers de ces textes, les caisses de sécurité sociale disposent d'un recours subrogatoire contre les tiers sur les indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge ; si un règlement amiable est intervenu entre le tiers et l'assuré, il ne peut être opposé à la caisse si elle n'a pas été invitée à y participer ; la caisse doit en être informée et, en l'absence d'une telle information, la prescription ne peut lui être opposée et une pénalité lui est versée à l'occasion de son recours subrogatoire.
6. Selon le dernier de ces textes, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
7. Le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat (2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 19-24.696, publié).
8. Il s'en déduit que, lorsqu'une personne conclut avec la victime d'un dommage corporel ou ses ayants droit une transaction portant sur l'indemnisation des préjudices en résultant, elle admet par là-même, en principe, un droit à indemnisation de la victime dont la caisse, subrogée dans ses droits, peut se prévaloir.
9. Il incombe alors aux juges du fond, saisis du recours subrogatoire de la caisse qui n'a pas été invitée à participer à la transaction, d'enjoindre aux parties de la produire pour s'assurer de son contenu et, le cas échéant, déterminer les sommes dues à la caisse, en évaluant les préjudices de la victime, en précisant quels postes de préjudice ont été pris en charge par les prestations servies et en procédant aux imputations correspondantes.
10. Pour rejeter les demandes de la caisse, l'arrêt retient que celle-ci ne peut valablement soutenir que la transaction conclue entre les ayants droit et les sociétés, que la cour d'appel ne connaît pas et dont elle ignore les termes, suffirait à fonder sa demande et que l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale n'interdit pas aux sociétés d'invoquer le bénéfice de l'exonération de responsabilité prévue par l'article 1386-11, devenu 1245-19, du code civil.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté les sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine de sa demande de renvoi de l'instance devant le juge de la mise en état, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne les sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les laboratoires Servier industrie et la société Les laboratoires Servier, et les condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 149 FS-B
Pourvoi n° T 20-17.185
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 AVRIL 2022
La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-17.185 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les laboratoires Servier industrie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Les laboratoires Servier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), de 1995 à 1999, il a été prescrit du Mediator à [M] [N] qui a présenté, en 1999, une hypertension artérielle pulmonaire ayant nécessité une transplantation pulmonaire.
2. Après avoir sollicité une expertise judiciaire, [M] [N] a, avec des proches (les consorts [N]), assigné en responsabilité et indemnisation les sociétés Les laboratoires Servier et Les laboratoires Servier industrie, producteur du Mediator (les sociétés), et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours.
3. Après le décès d'[M] [N] survenu le 13 janvier 2015, les consorts [N] ont conclu une transaction avec les sociétés et se sont désistés de leur action. L'instance s'est poursuivie entre la caisse et les sociétés.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la caisse est subrogée, de plein droit, dans les droits de la victime ; que la caisse peut exiger du tiers responsable le remboursement des prestations versées à la victime si le tiers responsable a conclu une transaction avec cette dernière sans appeler la caisse à y participer ; que la caisse dans cette hypothèse n'a pas à justifier de la responsabilité du tiers, lequel ne peut pas davantage lui opposer des exonérations de responsabilité qu'il n'a pas opposées à la victime ; qu'en considérant que la caisse pouvait se voir opposer l'exonération de responsabilité que le tiers n'avait pas opposée de la victime lors de la transaction conclu avec cette dernière en l'absence de la caisse, la Cour d'appel a violé les articles L. 376-1 à L. 376-4 du Code de la Sécurité Sociale, 1382 devenu 1240, et 1386-11 devenu 1245-19 du Code Civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 376-1, L. 376-3 et L. 376-4 du code de la sécurité sociale et l'article 2044 du code civil :
5. Selon les trois premiers de ces textes, les caisses de sécurité sociale disposent d'un recours subrogatoire contre les tiers sur les indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge ; si un règlement amiable est intervenu entre le tiers et l'assuré, il ne peut être opposé à la caisse si elle n'a pas été invitée à y participer ; la caisse doit en être informée et, en l'absence d'une telle information, la prescription ne peut lui être opposée et une pénalité lui est versée à l'occasion de son recours subrogatoire.
6. Selon le dernier de ces textes, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
7. Le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat (2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 19-24.696, publié).
8. Il s'en déduit que, lorsqu'une personne conclut avec la victime d'un dommage corporel ou ses ayants droit une transaction portant sur l'indemnisation des préjudices en résultant, elle admet par là-même, en principe, un droit à indemnisation de la victime dont la caisse, subrogée dans ses droits, peut se prévaloir.
9. Il incombe alors aux juges du fond, saisis du recours subrogatoire de la caisse qui n'a pas été invitée à participer à la transaction, d'enjoindre aux parties de la produire pour s'assurer de son contenu et, le cas échéant, déterminer les sommes dues à la caisse, en évaluant les préjudices de la victime, en précisant quels postes de préjudice ont été pris en charge par les prestations servies et en procédant aux imputations correspondantes.
10. Pour rejeter les demandes de la caisse, l'arrêt retient que celle-ci ne peut valablement soutenir que la transaction conclue entre les ayants droit et les sociétés, que la cour d'appel ne connaît pas et dont elle ignore les termes, suffirait à fonder sa demande et que l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale n'interdit pas aux sociétés d'invoquer le bénéfice de l'exonération de responsabilité prévue par l'article 1386-11, devenu 1245-19, du code civil.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté les sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine de sa demande de renvoi de l'instance devant le juge de la mise en état, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne les sociétés Les laboratoires Servier industrie et Les laboratoires Servier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les laboratoires Servier industrie et la société Les laboratoires Servier, et les condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme globale de 3 000 euros ;
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