mardi 3 mai 2022

La loi du 23 novembre 2018 substituant le délai de prescription quinquennale au délai de prescription décennale était entrée en vigueur le 25 novembre 2018, de sorte que le nouveau délai courait à compter de cette date

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 avril 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 374 F-D

Pourvoi n° V 21-15.581




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 AVRIL 2022

M. [C] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-15.581 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic la société de gestion immobilière, domiciliée [Adresse 4],

2°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [F], de Me Bouthors, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Generali IARD, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 février 2021), le 9 juin 2007, un incendie a détruit l'appartement, situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, dont M. [F] était le propriétaire.

2. Le 22 mai 2017, M. [F] a, après expertise, assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] (le syndicat) et la société Generali IARD (la société Generali), son assureur, en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable ses demandes, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir ; que, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, l'article 42, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 disposait que les actions personnelles nées de l'application de celle-ci entre un copropriétaire et le syndicat des copropriétaires se prescrivait par un délai de dix ans ; que la cour d'appel a fixé le point de départ de l'action d'un copropriétaire, M. [F], contre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1], fondée sur les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 à la date du rapport d'expert judiciaire, le 14 avril 2009 ; qu'elle a constaté que M. [F] avait engagé cette action par assignation du 22 mai 2017 ; qu'en faisant néanmoins application de l'article 42, alinéa 1er, de cette dernière loi dans sa rédaction issue du 23 novembre 2018 pour en déduire que la prescription quinquennale était acquise au 14 avril 2014, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018. » Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Generali conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire aux écritures développées devant la cour d'appel par M. [F], en ce que le renvoi opéré dans celles-ci aux dispositions de l'article 2222, alinéa 2, du code civil, après qu'a été visé l'article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, permet de considérer qu'il recherchait une paralysie de l'article 2224 du code civil, sans revendiquer l'application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018.

5. Cependant, dans ses écritures, M. [F] sollicitait de la cour d'appel qu'elle juge que la réduction de dix à cinq ans de la durée de prescription prévue par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ne s'applique qu'à compter de la promulgation de la loi du 23 novembre 2018.

6. Le moyen, qui n'est pas contraire aux écritures de M. [F], est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 2 du code civil et l'article 42, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018 :

7. Il résulte du premier de ces textes que, lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure.

8. Selon le second, sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions nées de l'application de la loi du 10 juillet 1965 entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

9. Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [F], l'arrêt retient que
la prescription applicable est celle de droit commun de cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières et, qu'en application de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où la victime du sinistre a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son recours.

10. Il ajoute que, concernant M. [F], il s'agit de la date de dépôt du rapport d'expertise, soit le 14 avril 2009, de sorte que l'action était prescrite le 14 avril 2014.

11. En statuant ainsi, alors que la loi du 23 novembre 2018 substituant le délai de prescription quinquennale au délai de prescription décennale était entrée en vigueur le 25 novembre 2018, de sorte que le nouveau délai courait à compter de cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] et la société Generali IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] et la société Generali IARD et les condamne in solidum à payer à M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;

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