Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 4 mai 2016
N° de pourvoi: 15-13.972
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 novembre 2014), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 décembre 2012, pourvoi n° 11-21. 489), que la société civile immobilière Octopus (SCI Octopus) a confié à M. X...une mission de maîtrise d'oeuvre complète pour la construction d'un supermarché devant être livré le 25 juin 2003 afin d'être exploité par la société Saint-Bonnet Discount (société Saint-Bonnet) à compter du 1er juillet 2003 ; que trois permis de construire successifs ont été annulés ; que le permis de construire, dont la demande a été déposée par un autre architecte, a été accordé par arrêté du 27 juillet 2004 et n'a fait l'objet d'aucun recours ; que la SCI Octopus et la société Saint-Bonnet ont assigné M. X... en indemnisation ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI Octopus et la société Saint-Bonnet font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. X... à l'égard de la SCI Octopus à la somme de 15 561, 33 euros, de rejeter le surplus de ses demandes et la demande de dommages-intérêts de la société Saint-Bonnet, alors, selon le moyen :
1°/ que l'architecte qui manque à ses obligations contractuelles doit réparer l'intégralité du préjudice que ce manquement a causé ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les travaux de construction, entrepris le 7 avril 2003, et d'une durée prévisible de trois mois, n'avaient été achevés que le 4 novembre 2003, après avoir été interrompus en exécution des ordonnances de référé du 7 mai 2003 et du 31 juillet 2003, qui avaient ordonné leur suspension en considération de moyens tirés de la méconnaissance des prescriptions de l'article ZA 3 du règlement de la ZAC, imputable à faute à l'architecte ; qu'en retenant que la preuve d'un lien de causalité entre les manquements commis par l'architecte et le report de la date d'ouverture du magasin n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en toute hypothèse, tout antécédent du dommage, en l'absence duquel il ne se serait pas réalisé, en constitue la cause ; qu'en statuant de la sorte sans constater que les travaux n'auraient été achevés, de la même façon, que le 4 novembre 2003, même s'ils n'avaient pas été interrompus en exécution des ordonnances de référés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'en tout état de cause, tout manquement à une obligation contractuelle sans lequel le dommage n'aurait pas été subi, en constitue la cause ; qu'en se bornant à retenir que, pas plus que la société Octopus, la société Saint-Bonnet n'aurait établi qu'en l'absence des manquements de l'architecte, les travaux auraient été achevés à la date prévue, sans rechercher si ces manquements, ayant entraîné la suspension des travaux, n'étaient pas à l'origine, même pour partie, d'un retard pris dans l'avancement des travaux et d'une ouverture différée du magasin au public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ qu'en toute hypothèse, la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier, sans égard à la gravité de la faute commise ; qu'en retenant, pour exclure toute indemnisation des préjudices causés par la suspension des travaux, qu'il convenait de « minimiser l'importance » des manquements commis par l'architecte dès lors qu'il se serait agi « d'erreurs de conception mineures », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les travaux, d'une durée prévisible de trois mois, avaient débuté le 7 avril 2003, que, le 14 mai 2003, lors de la première interruption du chantier, seuls les terrassements, les ouvrages béton, la structure et la charpente métallique avaient été réalisés, et retenu qu'il n'était pas démontré que, si les travaux avaient pu se poursuivre sans interruption, l'immeuble aurait pu être livré comme prévu le 25 juin 2003 et le magasin ouvert à la date convenue du 1er juillet 2003, ni que le retard de livraison de quatre mois était imputable aux manquements de l'architecte, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a souverainement déduit, de ces seuls motifs, que la preuve du lien de causalité entre les manquements commis par l'architecte et le report de la date d'ouverture du magasin n'était pas rapportée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour limiter à 15 561, 33 euros le montant de la condamnation de M. X... à l'égard de la SCI Octopus, l'arrêt retient que le non-respect par l'architecte des règles objectives fixées par l'article ZA 3 du règlement de la zone d'aménagement concerté est constitutif d'une faute de la part de celui-ci, que la règle énoncée par l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme est une règle subjective susceptible d'interprétation, de sorte qu'il ne peut être fait grief à l'architecte, dont le premier projet privilégiait la sécurité par le biais de deux accès, d'avoir failli à son obligation de moyen en proposant un accès unique, d'une largeur de 5 à 6 mètres, et que la faute alléguée n'est établie qu'en ce qui concerne l'établissement des deux premiers projets ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le permis de construire du 19 septembre 2003 avait été annulé pour erreur manifeste d'appréciation au motif que la déclivité de l'accès et l'absence de trottoir présentaient un risque pour la circulation des piétons et qu'un architecte chargé de la conception d'un projet et de l'établissement d'une demande de permis de construire doit concevoir un projet réalisable qui respecte les règles d'urbanisme, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de M. X... à l'égard de la SCI Octopus à la somme de 15 561, 33 euros et rejette le surplus de ses demandes, l'arrêt rendu le 4 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Saint-Bonnet Discount et Octopus ;
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mardi 17 mai 2016
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