chambre civile 1
Audience publique du mardi 15 mai 2018
N° de pourvoi: 17-19.868
Non publié au bulletin Rejet
Mme Batut (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 septembre 2016), que M. X... a acquis le 24 avril 2009 une parcelle en vue d'y édifier une maison ; qu'après avoir obtenu un permis de construire le 24 juin, il a, au cours des six mois suivants, commandé divers travaux de construction auprès de plusieurs entreprises, dont il n'a pas payé les factures ; que, suivant devis du 8 janvier 2010, il a sollicité l'intervention de la société R.Barraud-P.Sulpice (la société) pour la construction d'un hangar ; qu'après la condamnation de M. X... au paiement d'une certaine somme au titre de ses factures par un arrêt du 10 septembre 2013, cette dernière a en vain tenté d'inscrire une garantie sur l'immeuble, celui-ci ayant été donné par le débiteur, sous réserve de l'usufruit, par acte notarié du 25 novembre 2009, à son fils Mickaël Z..., né le [...] ; qu'elle a assigné M. X... et Mme Y..., en qualité d'administratrice légale de son fils mineur Mickaël Z..., en inopposabilité de la donation ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que si la fraude paulienne est admise en présence d'une créance postérieure à l'acte argué de fraude, c'est à la condition que cette fraude ait été organisée à l'avance pour porter préjudice à un créancier futur ; que cette condition ne peut se réaliser qu'à l'égard d'un créancier futur d'ores et déjà identifié comme tel à la date de l'acte litigieux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le devis en exécution duquel la société a exécuté des travaux n'a été signé que le 7 janvier 2010 et que le principe même de la créance de la société est postérieur à l'acte litigieux du 25 novembre 2009, sans qu'il résulte de ses constatations qu'à cette date du 25 novembre 2009, M. X... envisageait déjà de confier les travaux à la société, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la fraude aux droits de la société demanderesse à l'action, a violé l'article 1167 ancien du code civil ;
2°/ que l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même mais à charge d'en conserver la substance ; qu'en l'espèce, M. X... ayant fait, comme le précisait la société, donation de l'immeuble avec réserve d'usufruit à son fils mineur, conservait en sa qualité d'usufruitier des droits lui permettant de continuer à faire exécuter des travaux sur cet immeuble ; qu'en se fondant pour retenir l'intention de M. X... de porter atteinte aux droits du créancier futur qu'allait devenir la société, sur la circonstance qu'il avait continué à se comporter comme le propriétaire de l'immeuble « alors que la libéralité était censée lui avoir fait perdre tout droit sur les immeubles concernés », la cour d'appel a violé les articles 578 et 1167 ancien du code civil ;
3°/ qu'ayant fait, comme l'admettait la société, donation de la maison avec réserve d'usufruit à son fils mineur, M. X... conservait en sa qualité de représentant légal de son fils, le droit de faire exécuter des travaux dans l'immeuble ; qu'en se fondant pour retenir l'intention de M. X... de porter atteinte aux droits du créancier futur qu'allait devenir la société, sur la circonstance qu'il avait continué à se comporter comme le propriétaire de l'immeuble à son égard « alors que la libéralité était censée lui avoir fait perdre tout droit sur les immeubles concernés », la cour d'appel a violé les articles 389 et 1167 ancien du code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir exactement énoncé que, pour être recevable, l'action du créancier qui prétend avoir été victime de la fraude, suppose l'existence d'une créance dont le principe est antérieur à la fraude ou l'hypothèse d'une fraude organisée à l'avance pour porter préjudice à un créancier futur, l'arrêt constate qu'au cours du deuxième semestre de l'année 2009, alors qu'il ne disposait que de faibles ressources, M. X... a commandé, auprès de plusieurs entreprises, d'importants travaux de construction ; qu'il relève que, malgré des poursuites en justice par une des entreprises, il a continué à commander des travaux auprès d'autres constructeurs sans être davantage en mesure de les payer et qu'il a encore contracté avec la société au mois de janvier 2010 malgré une condamnation en référé un mois plus tôt au paiement d'une provision et une sommation de payer ; qu'il retient que la donation intervenue pendant la procédure de référé n'était destinée qu'à soustraire la parcelle et les constructions aux poursuites de ses créanciers actuels mais aussi futurs, auxquelles il se savait exposé en prenant sciemment de nouveaux engagements qu'il n'était pas en mesure d'honorer, de sorte qu'il a agi avec l'intention de leur porter atteinte ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'une fraude organisée par M. X... en vue de porter préjudice notamment à la société ; que le moyen, irrecevable en sa troisième branche comme nouveau et mélangé de fait, et qui critique des motifs surabondants en sa deuxième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société R.Barraud-P.Sulpice la somme de 3 500 euros ;
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