jeudi 29 janvier 2015

Architecte - honoraires - mission interrompue - droit moral et parasitisme

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 20 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-22.619
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier, président
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 juin 2013), que M. Z... a confié à M. X..., depuis en liquidation judiciaire, une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour la construction d'un immeuble ; que M. X... a établi le dossier de permis de construire qui a été obtenu, ainsi que les devis descriptifs et quantitatifs des lots ; que M. Z... a renoncé à l'acquisition du terrain et le permis de construire a été transféré à la société IC conseil puis à la SCI Les Hauts de l'Ehn (la SCI) ; que M. X... a assigné M. Z... et la SCI en paiement de ses honoraires et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'écarter des débats ses conclusions déposées le 3 avril 2013 pour non-respect du principe du contradictoire, et de statuer sur les conclusions déposées le 2 mai 2013 par M. A..., ès qualité de liquidateur de M. X..., alors, selon le moyen :

1°/ que le juge qui décide de révoquer l'ordonnance de clôture postérieurement à la clôture des débats doit rouvrir les débats afin de permettre aux parties de déposer de nouvelles pièces ou conclusions ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, rendu après audience des plaidoiries en date du 2 mai 2013, a révoqué l'ordonnance de clôture intervenue le 4 avril 2013 afin de permettre à M. A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. X..., de régulariser les conclusions précédemment déposées par ce dernier, et a prononcé la clôture de la procédure ; que par ailleurs, la cour d'appel a déclaré irrecevables les conclusions de M. Z... déposées le 3 avril 2013, comportant une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts contre M. A..., ès qualités, comme ayant été déposées la veille du jour prévu pour le prononcé de l'ordonnance de clôture, en violation du principe du contradictoire ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui incombait de rouvrir les débats en conséquence de la révocation de l'ordonnance de clôture qu'elle prononçait, la cour d'appel a violé les articles 15, 16, 783 et 784 du code de procédure civile ;

2°/ que pour apprécier la recevabilité de conclusions au regard du principe de la contradiction, le juge doit rechercher si les autres parties ont disposé du temps nécessaire, avant la clôture de l'instruction, pour en prendre connaissance et y répliquer ; que pour écarter des débats les conclusions déposées par M. Z... le 3 avril 2013, comportant une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. X..., la cour d'appel a retenu que ces écritures avaient été déposées la veille du jour prévu pour le prononcé de l'ordonnance de clôture, selon calendrier de procédure accepté par les parties en date du 29 novembre 2012, et qu'elles étaient dès lors tardives et ne respectaient pas le principe du contradictoire ; qu'en statuant de la sorte, tout en révoquant l'ordonnance de clôture du 4 avril 2013 pour permettre à M. A..., ès qualités de régulariser les conclusions précédemment prises par M. X..., et en ordonnant la clôture de l'instruction, ce dont il résultait qu'elle devait apprécier la tardiveté des conclusions déposées le 3 avril 2013 par M. Z... au regard de la nouvelle date de clôture de l'instruction qu'elle prononçait et qu'il lui incombait de préciser, non au jour de l'ordonnance révoquée, la cour d'appel a violé les articles 15, 783 et 784 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en déclarant irrecevables comme tardives les conclusions déposées par M. Z... le 3 avril 2013, veille de l'ordonnance de clôture, tout en révoquant ladite ordonnance afin de permettre à M. A..., ès qualités, qui avait constitué avocat le 30 octobre 2012, de régulariser d'ultimes conclusions au nom du débiteur, la cour d'appel a méconnu les articles 15, 783 et 784 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Z... avait déposé des conclusions comprenant une demande nouvelle le 3 avril 2013, veille de l'ordonnance de clôture, et retenu que cette ordonnance devait être révoquée pour permettre la régularisation des conclusions pour le compte de M. X... en liquidation judiciaire, la cour d'appel a pu écarter des débats les conclusions du 3 avril 2013 comme tardives et ne respectant pas le principe du contradictoire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme au titre du contrat de maîtrise d'oeuvre avec intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que sauf stipulation contraire, le projet établi par un architecte ne peut donner lieu à rémunération que lorsque son inexécution n'est pas imputable au maître d'oeuvre ; qu'en l'espèce, M. Z... faisait valoir que M. X... avait commis une faute, à tout le moins de négligence, en acceptant de conclure un contrat de maîtrise d'oeuvre pour une opération immobilière portant sur un terrain dont le maître d'ouvrage n'était pas encore propriétaire, en connaissance du risque que M. Z... ne parvienne pas à obtenir le financement bancaire nécessaire et que l'opération ne puisse être réalisée ; que l'exposant soulignait que M. X... avait ainsi manqué à ses obligations professionnelles en ne s'assurant pas de la faisabilité du projet et ne pouvait dès lors prétendre être rémunéré pour les prestations qu'il avait effectuées, dès lors que l'opération projetée n'avait pu aboutir en raison du défaut d'obtention d'un soutien bancaire permettant l'acquisition du terrain ; que pour condamner M. Z... à payer à M. X... la somme de 44 907, 76 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre, la cour d'appel a retenu que le fait que M. Z... n'ait pas encore été propriétaire du terrain ne faisait pas obstacle au dépôt d'un permis de construire et donc à l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... n'avait pas commis une faute à l'origine de l'échec de l'opération, en acceptant de se voir confier des prestations de maîtrise d'oeuvre sur un terrain dont il savait que son client n'était pas propriétaire, sans l'alerter des risques sur la faisabilité du projet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ qu'aux termes du point 8 du contrat de maîtrise d'oeuvre conclu par M. Z... avec M. X..., le montant des honoraires dus à ce dernier était « calculé sur l'ensemble de la dépense mise à la charge du maître de l'ouvrage », le budget prévisionnel de l'opération de construction étant fixé à la somme de 668 851 euros TTC et le montant des honoraires de maîtrise d'oeuvre étant forfaitairement fixé à la somme de 55 300 euros HT (soit 66 138 ¿ TTC) correspondant à environ 10 % du montant total des travaux ; que les honoraires devaient être versés selon un échéancier de paiement, soit 30 % à la signature du contrat, 20 % à la remise du plan de permis de construire, 15 % au lancement des appels d'offres, 30 % au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et 5 % à la remise des clefs et des décomptes définitifs ; qu'il résultait des termes du contrat que le montant des honoraires avait été fixé en référence au coût total de l'opération, de sorte qu'ainsi que le faisait valoir M. Z... dans ses écritures d'appel, l'opération projetée n'ayant pu aboutir faute d'obtention d'un financement bancaire pour l'acquisition du terrain, l'échéancier fixé devait être révisé en fonction des prestations effectivement réalisées par M. X... ; que pour condamner M. Z... à payer la somme de 44 907, 76 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre, la cour d'appel a retenu que selon les stipulations contractuelles, les honoraires étaient dus au fur et à mesure de l'accomplissement des missions et que la rémunération était payable au pourcentage en fonction de l'état d'avancement des travaux ; qu'en statuant de la sorte, quand le montant contractuel des honoraires, sur la base duquel les juges du fond ont calculé le pourcentage de rémunération dû à M. X..., avait été « calculé sur l'ensemble de la dépense mise à la charge du maître de l'ouvrage », de sorte que l'opération n'ayant pu aboutir, le montant de la rémunération devait être révisé en fonction de la valeur des prestations effectivement réalisées par M. X..., la cour d'appel a méconnu les termes du contrat de maîtrise d'oeuvre et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le juge a le pouvoir de réduire le montant des honoraires stipulés dans un contrat de maîtrise d'oeuvre, lorsqu'il estime qu'ils sont excessifs au regard des prestations effectuées, pourvu qu'ils n'aient pas été versés en connaissance du travail effectué et après service fait ; qu'en l'espèce, M. Z... faisait valoir que M. X... s'était borné à établir des plans sommaires, que le montant qu'il réclamait était excessif au regard des prestations accomplies, et qu'il convenait en tout état de cause d'établir la valeur de la prestation réalisée par M. X... ; qu'en condamnant M. Z... à payer à M. X... la somme de 44 907, 76 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre, selon l'échéancier prévu au contrat, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le montant des honoraires réclamés par M. X... n'était pas excessif au regard de la nature et de la qualité des prestations effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;

4°/ que la disparition de la cause d'un engagement à exécution successive entraîne sa caducité ; que pour condamner M. Z... à verser à M. X... la somme de 5 307, 76 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu que les relations contractuelles avaient été rompues à l'initiative de M. Z... ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que le contrat de maîtrise d'oeuvre n'avait pu être intégralement exécuté à raison de la non obtention par M. Z... du financement bancaire nécessaire pour l'acquisition du terrain sur lequel l'opération immobilière projetée devait être réalisée, de sorte que le contrat de maîtrise d'oeuvre était devenu sans objet, M. Z... n'ayant pas procédé à sa résiliation unilatérale, la cour d'appel a méconnu les articles 1147 et 1184 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de maîtrise d'oeuvre ne comportait aucune condition suspensive liée à l'acquisition effective du terrain d'assiette du projet ou à l'obtention du financement, relevé que M. Z..., titulaire d'une promesse de vente, avait renoncé à l'acquisition du terrain en l'absence de financement, que M. X... avait établi le dossier de permis de construire, des devis descriptifs et quantitatifs pour chacun des lots, et que le permis avait été obtenu, la cour d'appel a retenu souverainement, sans dénaturation, que les prestations effectuées justifiaient le paiement de 60 % du montant des honoraires contractuellement fixés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. A..., ès qualité fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts contre la SCI, alors, selon le moyen, que porte atteinte au droit moral de l'architecte sur son oeuvre l'utilisation, sans son autorisation, des plans qu'il a établis à l'appui d'une demande de permis de construire ; qu'en rejetant la demande indemnitaire formée au nom de M. X... au titre de l'utilisation des plans qu'il avait établis au profit de M. Z... dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre du 19 mai 2003, lequel stipulait que le maître d'oeuvre conservait l'entière propriété intellectuelle et artistique de ses plans, études, avant-projets, croquis, maquettes, ainsi que l'exclusivité de ses droits de reproduction et de représentation, sans rechercher si celui-ci avait donné son autorisation à la cession de ses plans qui ne faisaient pas partie du permis cédé, mais en constituaient seulement le fondement matériel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 111-3 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les plans avaient été utilisés en conformité avec l'objet en vue duquel ils avaient été établis, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire l'absence d'acte de parasitisme, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. Z... et M. X... représenté par son liquidateur M. A... ès qualités aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


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