vendredi 23 janvier 2015

1) Notion de dommage immatériel consécutif; 2) Compétences respectives sous-traitant et donneur d'ordre

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 6 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-23.204 13-23.450
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Mouillard (président), président
SCP Boulloche, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° R 13-23. 204 et G 13-23. 450 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Etablissements Rolland (la société Rolland) a commandé une chaîne automatisée de peinture, livrable en février 2005, à la société Haden Drysys (la société Haden), qui a sous-traité à la société Cinetic & Assembly devenue la société Fives Conveying (la société Cinetic) le convoyage aérien automatique des postes de traitement ; qu'insatisfaite du fonctionnement de l'installation, la société Rolland a obtenu la désignation d'un expert judiciaire, lequel a estimé que la performance insuffisante de la chaîne automatisée était due à son inadéquation à la disposition des lieux ainsi qu'aux choix technologiques retenus ; que, la société Haden ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Rolland a assigné la société Ace European Group Limited (la société Ace European Group), assureur de cette société, et la société Cinetic en paiement de dommages-intérêts ; que la société Cinetic a demandé reconventionnellement la condamnation de la société Rolland au règlement d'une facture restée impayée, avec pénalités de retard ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° R 13-23. 204 :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Ace European Group à indemniser le préjudice subi par la société Rolland, dans la limite d'un million de dollars américains à leur valeur au jour du règlement, l'arrêt retient que, dans le cadre de son activité assurée, la société Haden a causé un préjudice matériel à la société Rolland en installant un système inadéquat rendant nécessaire une refonte complète, qui se traduit par un préjudice immatériel économique consécutif lui-même garanti dans la limite d'un million de dollars ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les conditions générales de la police définissaient le dommage immatériel comme « tout préjudice pécuniaire autre qu'un dommage corporel ou matériel » et le qualifiaient de « dommage immatériel consécutif » s'il résultait « directement d'un dommage corporel ou matériel garanti » et, au contraire, de « dommage immatériel non consécutif » s'il survenait « en l'absence d'un dommage corporel ou matériel », ce dernier étant défini comme « toute détérioration ou destruction d'une chose ou substance, toute atteinte physique à des animaux », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche, et le premier moyen du pourvoi n° G 13-23. 450, pris en sa septième branche, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs qu'en raison des fautes commises par l'entrepreneur principal et le sous-traitant, et de celle prépondérante de la société Haden, la société Ace European Group, tenue d'indemniser la société Rolland dans la limite du plafond du contrat d'assurance, sera garantie par la société Cinetic à concurrence de vingt-cinq pour cent du dommage subi par la société Rolland, qu'elle fixe à la somme de 964 500 euros, l'arrêt condamne la société Cinetic à garantir la société Ace European Group à raison de vingt-cinq pour cent de l'indemnité effectivement versée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° G 13-23. 450, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Cinetic, in solidum avec la société Ace European Group, cette dernière dans la limite d'un plafond contractuel, à payer à la société Rolland une indemnité d'un certain montant, et la société Cinetic à garantir la société Ace European Group à concurrence de 25 % de l'indemnité effectivement payée à la société Rolland, l'arrêt retient que la société Cinetic avait une parfaite connaissance de la disposition des lieux, laquelle ne permettait pas d'atteindre l'objectif contractuel, et qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles, d'abord, en ne réalisant pas les études contractuellement prévues, ensuite, en ne vérifiant pas la faisabilité du projet sur la base des performances définies, enfin, en s'étant refusé les moyens de conseiller utilement son propre donneur d'ordre sur les réelles possibilités de l'installation par rapport aux besoins du maître de l'ouvrage, parfaitement connus d'elle ; que l'arrêt relève encore que dans la mesure où l'installation a été réalisée selon une implantation géographique manifestement inadéquate mais acceptée sans vérification par le sous-traitant, le fait que l'équipement fourni et posé par la société Cinetic remplisse ses fonctions propres est indifférent ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que la société Haden, entreprise installatrice, était spécialisée dans les automatismes, et la société Cinetic, sous-traitant, dans le convoyage automatique et la manutention, la cour d'appel qui n'a pas précisé dans quelle mesure cette dernière avait une compétence supérieure à celle de l'entreprise conceptrice en matière d'implantation de l'installation, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions d'appel de la société Cinetic faisant valoir qu'elle avait à plusieurs reprises attiré l'attention du maître de l'ouvrage et de l'entrepreneur principal sur le risque de baisse de la cadence de production engendré par les choix de la société Rolland lorsqu'elle a souhaité modifier les niveaux des postes de chargement et de déchargement et limiter les équipements de cuisson, éléments de nature à influer sur la responsabilité de la société Cinetic, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 441-6, alinéa 5, du code de commerce en sa rédaction applicable, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Cinetic tendant à la condamnation de la société Rolland à lui payer des pénalités de retard, l'arrêt retient que la première a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la seconde à raison de la mauvaise exécution du marché sous-traité par la société Haden ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt rejetant la demande de condamnation de la société Rolland au paiement de pénalités de retard à la société Cinetic sur une facture demeurée impayée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Etablissements Rolland à payer à la société Cinetic & Assembly la somme de 12 274, 44 euros au titre d'un solde de travaux, l'arrêt rendu le 4 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Etablissements Rolland ;

Condamne la société Etablissements Rolland aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


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