mercredi 14 janvier 2015

Produits défectueux - responsabilité solidaire - répartition de la dette

Voir notes :

- Jaouen, Gaz. Pal 2015, n° 14, p. 19.
- Borghetti, D 2015, p. 405.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 26 novembre 2014
N° de pourvoi: 13-18.819
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société Ceramtec de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre Mme X..., l'établissement Groupe Hopale et la CPAM de l'Artois ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 14 janvier 2003, Mme X... a subi l'implantation d'une prothèse de hanche réalisée par la société Wright Medical France, dont la tête en céramique, fabriquée par la société Ceramtec, s'est brisée le 24 octobre suivant ; qu'assignée en responsabilité par Mme X..., la société Wright Medical France a appelé la société Ceramtec en garantie ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Ceramtec fait grief à l'arrêt de juger qu'elle est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, alors, selon le moyen, que si le producteur de la partie composante du produit est admis à s'exonérer de sa responsabilité dans les conditions de l'article 1386-11 du code civil, aucune disposition légale n'offre une telle possibilité au producteur du produit fini, qui ne peut donc échapper à sa responsabilité solidaire avec le producteur de la partie composante, alors que celle-ci a été établie à l'égard de la victime ; qu'ainsi, une fois démontré le caractère défectueux du produit fini pris dans sa globalité, le producteur de celui-ci ne peut plus prouver, même dans ses rapports avec le producteur de la partie composante, que le défaut s'attacherait en réalité exclusivement à la partie composante, à laquelle seule le dommage serait imputable ; que le producteur du produit fini ne peut par conséquent prétendre, dans le cadre de son droit au recours contre le producteur de la partie composante, échapper à sa responsabilité de plein droit en invoquant une responsabilité exclusive de ce dernier ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la société Wright Medical France était recevable à démontrer que la partie composante fabriquée par la société Ceramtec aurait eu un rôle exclusif dans la réalisation du dommage afin d'échapper à sa responsabilité de plein droit, la cour d'appel a violé l'article 1386-11 du code civil, ensemble l'article 7 de la directive CE 85/374 du 25 juillet 1985 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 1386-8 du code civil, qui transpose en droit interne l'article 5 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables ; que, selon l'article 5 précité, la solidarité dont est assortie la responsabilité de plusieurs personnes dans la survenance d'un même dommage est sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ; qu'il résulte de la combinaison de ces règles que le producteur du produit fini et celui de la partie composante sont solidairement responsables à l'égard de la victime, mais que, dans leurs rapports entre eux, la détermination de leur contribution respective à la dette ne relève pas du champ d'application de la directive et, notamment, des dispositions de l'article 1386-11 du code civil, qui transpose en droit interne l'article 7 de la même directive ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 5 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ensemble l'article 1386-8 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, lorsque plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ; qu'en droit interne, la contribution à la dette, en l'absence de faute, se répartit à parts égales entre les coobligés ;

Attendu que, pour décider que la société Ceramtec était tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, l'arrêt retient que la cause exclusive du dommage est la rupture inexpliquée de la tête fémorale en céramique de la prothèse, sous-composant fabriqué par la société Ceramtec ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Ceramtec est tenue de garantir entièrement la société Wright Medical France des condamnations prononcées solidairement contre elles, l'arrêt rendu le 14 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Wright Medical France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;


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