jeudi 2 juillet 2015

Investissement immobilier de défiscalisation à finalité touristique - devoir de conseil du promoteur et du notaire

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 17 juin 2015
N° de pourvoi: 13-19.759
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Richard, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse régionale de Crédit agricole de Paris et Ile-de-France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., désireux de réaliser un investissement immobilier dans le but de défiscaliser leurs revenus, sont entrés en relation avec la société ACI audit et stratégie, conseiller en gestion de patrimoine, qui, au terme d'une étude personnalisée, leur a conseillé d'investir dans un programme immobilier Saint-Aignan, développé sous l'égide de la société Financière Barbatre, et présenté comme éligible au dispositif de défiscalisation institué par la loi n° 62-903 du 4 août 1962, dite loi Malraux ; que, par acte authentique du 29 décembre 2006, auquel ils étaient représentés en vertu d'une procuration notariée, ils ont acquis de cette société un local à usage d'habitation, constituant un des lots de la Résidence Les Ducs de Saint-Aignan, après avoir contracté, par actes sous seing privé annexés à l'acte de vente, deux prêts affectés au financement de cette acquisition et des travaux de réhabilitation objets de l'optimisation fiscale attendue de l'opération ; que le promoteur-vendeur et ses filiales chargées des travaux de restauration et de l'exploitation de la future résidence hôtelière ayant été placés en redressement puis en liquidation judiciaire avant que ne débutent les travaux de réhabilitation, M. et Mme X..., soutenant avoir réglé en pure perte la somme de 124 765,39 euros à titre d'avances sur travaux, ont assigné en réparation de leur préjudice et manque à gagner financiers, la société ACI audit et stratégie, la SCP Nénert et associés, notaire instrumentaire de l'acte de vente, et la banque dispensatrice des crédits, pour manquement à leurs obligations respectives d'information et de conseil, de mise en garde et de prudence ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour rejeter les demandes indemnitaires formées contre la société ACI audit et stratégie, l'arrêt retient que M. et Mme X..., auxquels il n'a pas été dissimulé que le projet immobilier en était à ses débuts, ont été informés des éléments essentiels de cette opération et qu'ils ont adhéré à un projet correspondant exactement au type d'investissement qu'ils recherchaient pour son avantage fiscal en l'absence de tout apport, ce qui suppose l'acceptation d'un certain aléa que l'investisseur doit assumer ;

Qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à démontrer que M. et Mme X..., qui le contestaient, avaient été informés que l'acquisition conseillée ne leur garantissait pas la bonne fin de l'opération, dont le succès était économiquement subordonné à la commercialisation rapide et à la réhabilitation complète de l'immeuble destiné à être exploité en résidence hôtelière, ce qui constituait un aléa essentiel de cet investissement immobilier de défiscalisation à vocation touristique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter les demandes dirigées contre la SCP Nénert et associés, l'arrêt énonce que M. et Mme X..., qui ne remettent pas en cause la validité de la vente, ne peuvent utilement reprocher au notaire ayant authentifié un acte dont l'efficacité n'est pas contestée, les irrégularités prétendues des actes antérieurement dressés pour parvenir à cette vente ; qu'il ajoute que lorsque l'acte authentique a été reçu, les investisseurs avaient déjà levé l'option, de sorte que la vente était parfaite pour en déduire que, n'étant pas tenu d'un devoir de mise en garde sur l'opportunité économique de l'opération, ni sur ses risques, le notaire ne peut se voir imputer aucun défaut d'information ou de conseil ;

Qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la circonstance que la promesse de vente comme la déclaration d'intention d'aliéner avaient été établies avant que le promoteur-vendeur n'acquiert l'immeuble à réhabiliter, n'était pas de nature à alerter le notaire sur la faisabilité juridique et financière de cette opération de défiscalisation immobilière, de sorte qu'il lui incombait d'en informer M. et Mme X..., voire de leur déconseiller de souscrire à ce programme, devoir que la perfection de la vente du lot ne le dispensait pas d'accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur les quatrième branche du premier moyen et troisième branche du second moyen, formulées en des termes identiques :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il le fait, l'arrêt relève encore que les préjudices dont M. et Mme X... demandent réparation trouvent leur cause dans la déconfiture de la société Financière Barbatre et de ses filiales, dont la solidité financière ne s'est avérée douteuse qu'après la vente ;

Qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un lien causal entre la perte alléguée des fonds empruntés et les manquements reprochés au conseiller en gestion de patrimoine comme au notaire, lesquels, par une information et des conseils adaptés sur les aléas juridiques, financiers et constructifs inhérents à l'opération, auraient pu inciter les investisseurs à y renoncer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en réparation de la perte des fonds empruntés, formée par M. et Mme X... dirigée contre la société ACI audit et stratégie et la SCP Nénert et associés, l'arrêt rendu le 21 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société ACI audit et stratégie et la SCP Nénert et associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ACI audit et stratégie et la SCP Nénert et associés à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;


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