chambre civile 3
Audience publique du jeudi 14 mai 2020
N° de pourvoi: 18-22.564
Non publié au bulletin Rejet
M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Didier et Pinet, SCP L. Poulet-Odent, SCP Le Bret-Desaché, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 mai 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 284 FS-D
Pourvoi n° Y 18-22.564
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2020
La société H... P... R..., société en nom collectif, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-22.564 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Atelier Aquitain d'architectes associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Soletanche Bachy France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Bordeaux démolition services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Apave Sudeurope, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
6°/ à la société Z... G..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Entreprise F...,
7°/ à la société Entreprise F..., société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société H... P... R..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Atelier Aquitain d'architectes associés, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société SMA, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Pronier, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat généra référendairel, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société H... P... R... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Soletanche Bachy France, Bordeaux démolition services, Apave Sudeurope, Entreprise F... et Z... G..., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Entreprise F....
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 juin 2018), la société H... P... R..., maître de l'ouvrage, ayant souscrit une assurance responsabilité civile auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA, a fait réaliser un groupe d'immeubles à usage d'auditorium, de parkings souterrains et de logements, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Atelier aquitain d'architectes associés (la société Atelier 4A).
3. La société Bordeaux démolition services (la société BDS) a été chargée du lot démolition, la société Soletanche Bachy France (la société Solétanche) des fondations spéciales, la société Ceten Apave, devenue la société Apave Sud Europe, du contrôle technique et, en cours de chantier, la société Entreprise F..., aujourd'hui en liquidation judiciaire, est intervenue pour la pose de renforts métalliques dans les fondations.
4. En avril 2008, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] (le syndicat des copropriétaires) et certains copropriétaires, se plaignant de l'apparition de désordres, ont, après expertise, obtenu une indemnisation de la société H... P... R..., qui a assigné en garantie les sociétés SMA, Atelier 4A et BDS.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société H... P... R... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que la société SMA soit condamnée à la relever indemne des condamnations prononcées au profit de M. et Mme U..., de M. et Mme J..., de X... L..., de M. et Mme V..., de Q... A... et de la société Atka, en réparation de leurs préjudices de jouissance, financiers et économiques, alors :
« 1°/ qu'en retenant que les conditions générales produites par la société SMA portant la mention « SGB0017 – 300 – 5 – 94 » étaient celles visées dans les conditions particulières du contrat d'assurance conclu entre la société H... P... R... et la société Sagena aux droits de laquelle vient la société SMA, quand elle retenait par ailleurs qu' « il [était] précisé en page 3 des conditions particulières du contrat souscrit par la société H... P... R... que « le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des documents contractuels suivants : conditions Générales SGB0017 » », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'assurance et ainsi violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du code civil ;
2°/ qu'en toute hypothèse, il appartient à l'assureur d'établir, de façon certaine, que les conditions générales, comportant une clause d'exclusion qu'il oppose à l'assuré, ont bien été acceptées par ce dernier ; qu'en jugeant que les explications fournies par la SMA, selon lesquelles la version « SGB0017 – 300 – 5 – 94 » des conditions générales était bien celle visée dans les conditions particulières du contrat d'assurance, la mention « 300 – 5 – 94 » portée sur les conditions générales correspondant au nombre d'exemplaire de la version et de la date d'impression, étaient « plausibles », la cour d'appel, qui a ainsi relevé que la preuve de l'acceptation de ces conditions n'était pas rapportée de façon certaine, a violé l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 112-3 du code des assurances ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en jugeant que les conditions générales produites par la société SMA portant la mention « SGB0017 – 300 – 5 – 94 » étaient la version SGB0017 visée dans les conditions particulières du contrat d'assurance conclu entre la société H... P... R... et la société Sagena aux droits de laquelle vient la société SMA, cette mention « 300 – 5 – 94 » des conditions générales, « signifi[ant] seulement qu'il a[vait] été imprimé trois-cents exemplaires de cette version des conditions au mois de mai 1994 », sans répondre au moyen tiré de ce que les conditions générales imprimées en 1994, comportant une numérotation téléphonique à huit chiffres abandonnée depuis 1996, ne pouvaient être celles visées par un contrat conclu en 2007, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que c'est à l'assureur qui entend se prévaloir d'une clause d'exclusion de garantie de rapporter la preuve de son opposabilité ; qu'en jugeant, pour retenir l'opposabilité d'une clause d'exclusion de la garantie due par la société SMA, que « la version SGB0017A communiquée par la société H... P... R... n'est manifestement pas celle visée aux conditions particulières », quand c'était à l'assureur de rapporter la preuve de l'opposabilité de la clause d'exclusion, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1134, 1147 1315 du code civil dans leur version applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé qu'il était précisé, dans les conditions particulières du contrat souscrit par la société H... P... R..., que celle-ci reconnaissait avoir reçu un exemplaire des conditions générales SGB0017.
7. Elle a retenu qu'il se déduisait de cette mention que les conditions générales référencées SGB0017A, produites par l'assuré, n'étaient pas applicables en l'espèce et, sans dénaturation, que, si l'exemplaire des conditions générales versé aux débats par l'assureur portait une référence légèrement différente de celle mentionnés dans les conditions particulières, à savoir SGB0017 - 300 - 5 . 94, l'explication de l'assureur, selon laquelle cette mention signifiait qu'il avait été imprimé trois cents exemplaires de cette version au mois de mai 1994, était plausible et logique.
8. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu'il devait être fait application des conditions générales produites par l'assureur.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
10. La société H... P... R... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en qualité de subrogée dans les droits des copropriétaires et occupants au titre des préjudices immatériels, contre la société Atelier 4A, alors :
« 1°/ que le maître d'oeuvre, chargé d'une mission globale d'organisation et de suivi des travaux, est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage causés par les travaux qui résultent de cette tâche ; qu'en écartant la responsabilité de la société 4A, maître d'oeuvre, aux motifs qu'elle n'aurait pas commis de faute et qu'elle ne serait pas à l'origine des bruits excessifs, quand elle devait en répondre en qualité de maître d'oeuvre chargé de la surveillance et de l'organisation des travaux qui les avaient provoqués, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le maître d'oeuvre, chargé de la surveillance du chantier, doit veiller au respect de ses propres directives ; qu'en écartant la faute de la société 4A aux motifs qu'elle avait « constamment rappelé aux entreprises qu'elles devaient travailler durant les heures légales c'est-à-dire du lundi au samedi de sept heures à vingt heures », quand il appartenait à la société 4A d'adopter des mesures afin que ses directives soient respectées et de s'assurer de ce respect, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »
Réponse de la Cour
11. Le maître de l'ouvrage, subrogé dans les droits des voisins victimes de troubles anormaux du voisinage, ne peut agir contre ses constructeurs que si les troubles subis sont en relation de cause directe avec la réalisation des missions qui leur ont été confiées.
12. Ayant retenu que la société Atelier 4A n'était pas à l'origine des bruits excessifs ayant causé aux riverains des préjudices de jouissance, financiers et économiques, ce dont il résultait que les dommages ne lui étaient pas imputables, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants, que les demandes formées contre elle devaient être rejetées.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société H... P... R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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