jeudi 16 septembre 2021

La prestation due par l'assureur de responsabilité en vertu de ses engagements produit des intérêts au taux légal à compter du jour de la sommation de payer ou d'un acte équivalent

 Note A. Pimbert, RGDA 2021-8/9, p. 14.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 juin 2021




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 535 F-D

Pourvoi n° T 19-22.885




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 JUIN 2021

M. [A] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-22.885 contre l'arrêt rendu le 19 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

2°/ à la société MMA IARD,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2] et venant aux droits de la société Covéa Risks,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [G], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juillet 2019), aux termes d'un bulletin de souscription du 30 octobre 2010 à l'en-tête de la société Gesdom, M. [G] a apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation monté par la société Diane, des fonds destinés à être investis dans le domaine de la production d'énergie renouvelable Outre-mer, puis a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu pour l'exercice 2010, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, M. [G], estimant que les sociétés Diane et Gesdom avaient manqué à leurs obligations, a assigné la société Diane, ainsi que l'assureur de cette société et de la société Gesdom, la société Covéa Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de divers préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé, en ce qu'il reproche à l'arrêt de rejeter les demandes formées sur le fondement de la responsabilité de la société Gesdom et de prononcer la condamnation des sociétés MMA à indemniser M. [G] dans la limite du plafond de garantie prévu par la police n° 120 137 363

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il reproche à l'arrêt de condamner les sociétés MMA à payer à M. [G] la somme de 12 500 euros à titre de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

4. M. [G] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation solidaire des sociétés MMA au versement de la somme de 12 500 euros à titre de dommages-intérêts, en tant qu'assureurs de la société Diane au titre de la police 120 137 363, alors « que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit ; qu'en retenant que le préjudice de M. [G] consistait en la seule perte de chance de réaliser un investissement susceptible de lui ouvrir droit à une déduction fiscale, cependant qu'il était certain qu'en l'absence de faute de la société Diane, l'investissement réalisé par M. [G] ne l'aurait pas été en pure perte et que celui-ci aurait échappé au paiement des intérêts de retard et majorations dus au titre du redressement fiscal, de sorte qu'il devait être indemnisé totalement de la perte, qui était certaine, des sommes versées lors de la souscription ainsi que des dépenses faites au titre des intérêts de retard et majorations du redressement fiscal, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

5. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

6. Pour condamner les sociétés MMA à payer à M. [G] la seule somme de 12 500 euros, l'arrêt retient, d'abord, que la société Diane, qui a conçu et réalisé l'opération et s'était engagée à assurer le suivi des investissements, n'a pas déposé avant le 31 décembre 2010 le dossier de raccordement au réseau de la centrale photovoltaïque financée au moyen de cet investissement, raison pour laquelle l'administration fiscale a refusé à M. [G] le bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. L'arrêt en déduit que la société Diane a adopté un comportement fautif en ne fournissant pas au souscripteur un produit répondant aux conditions d'éligibilité au dispositif de défiscalisation présenté. L'arrêt retient, enfin, que le préjudice de M. [G] résulte de la perte d'une chance de réaliser un investissement susceptible de lui ouvrir droit à une réduction fiscale.

7. En se déterminant ainsi, sans préciser quel aléa affectait la réalisation du dommage subi par M. [G] du fait des manquements retenus contre la société Diane, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. M. [G] fait grief à l'arrêt de dire que la somme mise à la charge des sociétés MMA, en tant qu'assureurs de la société Diane, à son profit, porterait intérêts au taux légal à compter de la date de son prononcé, alors « que les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ; que l'action directe exercée par la victime d'un dommage contre l'assureur de responsabilité du responsable tendant à obtenir le paiement d'une somme d'argent due au titre de la police d'assurance, les intérêts moratoires de la somme mise à la charge de l'assureur en exécution du contrat d'assurance courent du jour de la sommation de payer ; qu'en retenant néanmoins que la créance de M. [G] à l'égard des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles était de nature délictuelle, pour décider que la somme mise à la charge de celles-ci en application de la police n° 120 137 363 portera intérêts au taux légal à compter de la date de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 1231-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 11 février 2016 :

9. Il résulte de ce texte que la prestation due par l'assureur de responsabilité en vertu des engagements qu'il a contractuellement consentis produit des intérêts au taux légal à compter du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent.

10. Pour dire que la somme mise à la charge des sociétés MMA porterait intérêts à compter de son prononcé, l'arrêt retient qu'il s'agit d'une créance à caractère délictuel.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Le premier moyen étant rejeté en ce qu'il reproche à l'arrêt de prononcer la condamnation des sociétés MMA à indemniser M. [G] dans la limite du plafond de garantie prévu par la police n° 120 137 363, la cassation prononcée n'atteint pas cette disposition de l'arrêt.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, assureurs de la société Diane au titre de la police 120 137 363, à verser à M. [G] la somme de 12 500 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de son prononcé, l'arrêt rendu le 19 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD et les condamne à payer à M. [G] la somme globale de 3 000 euros ;

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