mercredi 8 septembre 2021

Péremption - L'avis de convocation à l'audience, non signé par un magistrat, ne constitue pas une décision émanant de la juridiction

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2021




Cassation


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 878 F-B


Pourvois n°
B 20-12.892
à J 20-12.899 JONCTION








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La Société méridionale de transports (Sometra), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° B 20-12.892, C 20-12.893, D 20-12.894, E 20-12.895, F 20-12.896, H 20-12.897, G 20-12.898 et J 20-12.899 contre huit arrêts rendus le 13 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 3],

3°/ à M. [W] [D], domicilié [Adresse 4],

4°/ à M. [G] [G], domicilié [Adresse 5],

5°/ à M. [Q] [M], domicilié [Adresse 6],

6°/ à M. [S] [A], domicilié [Adresse 7],

7°/ à M. [O] [X], domicilié [Adresse 8],

8°/ à Mme [R] [Y], veuve [O],
9°/ à M. [F] [O],
10°/ à M. [T] [O],

tous trois domiciliés [Adresse 9], pris en leur qualité d'ayants droits de [X] [O], décédé,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Société méridionale de transports, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V] et des neufs autres salariés ou ayants droit, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 20-12.892, C 20-12.893, D 20-12.894, E 20-12.895, F 20-12.896, H 20-12.897, G 20-12.898 et J 20-12.899 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 13 décembre 2019), M. [V] et sept autres salariés ont été engagés par la Société méridionale de transports (Sometra) en qualité de chauffeurs poids lourds.

3. Contestant le décompte de leur temps de travail, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 16 décembre 2008.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de constater la péremption d'instance à compter du 5 juillet 2018, alors « que, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que l'avis délivré par le greffe aux conseils des parties pour les informer des délais fixés pour le dépôt des conclusions, ne met à leur charge aucune diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail, faute d'émaner de la juridiction, peu important la référence faite à des consignes du magistrat chargé d'instruire l'affaire, sans mention d'une décision de sa part avec l'indication de sa date et du nom de son auteur ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de l'avis du 14 avril 2016, qu'il a été signé avec l'apposition du tampon du greffe de la cour d'appel après l'indication de la mention « Po/[T] M., conseiller » et que l'arrêt a constaté que l'avis a été signé « pour ordre » le 14 avril 2106, ce dont il s'évinçait que les diligences mises à la charge des parties n'émanaient pas de la juridiction peu important la mention "pour ordre" ; qu'en retenant néanmoins que la diligence mise à la charge de l'appelant d'avoir à adresser une copie de ses conclusions pour le 5 juillet 2016 constitue une diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail dès lors qu'elle a été ordonnée par la juridiction pour mettre l'affaire en l'état et que le délai de péremption court à la date impartie pour la réalisation de cette diligence en sorte que l'instance s'est trouvée périmée le 5 juillet 2018 au motif que l'avis a été rendu par le magistrat chargé de la mise en état, alors pourtant qu'il résultait de ses propres constatations que l'avis du 14 avril 2016 avait été signé « pour ordre » de ce magistrat, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail alors en vigueur et l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les salariés contestent la recevabilité du moyen en soutenant que l'employeur n'a pas contesté devant la cour d'appel le fait que l'avis du 14 avril 2016 signé « pour ordre » émanait bien du conseiller chargé d'instruire l'affaire, ni qu'il imposait l'accomplissement d'une diligence à peine de péremption de l'instance mais s'est borné à soutenir que le délai de péremption ne courait qu'à compter de l'arrêt de radiation et qu'ainsi l'instance n'était pas périmée.

6. Cependant, l'employeur faisait valoir, dans ses conclusions, que l'avis du 14 avril 2016 était une simple convocation à l'audience et qu'il était fantaisiste de prétendre qu'il aurait été de nature à faire courir le délai de péremption, contrairement à l'arrêt de radiation qui émanait lui de la juridiction.

7. Le moyen n'est donc pas nouveau et est recevable.

Bien fondé du moyen

Vu l'article R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

8. Selon les dispositions de ce texte, en matière prud'homale, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans prévu par l'article 386 du code de procédure civile, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction.

9. Pour déclarer l'instance éteinte par l'effet de la péremption, les arrêts retiennent que le magistrat chargé d'instruire l'affaire avait, par un avis du 14 avril 2016, mis à la charge des parties des diligences qui n'ont pas été accomplies dans le délai imparti.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'avis du 14 avril 2016 de convocation à l'audience, non signé par un magistrat, ne constituait pas une décision émanant de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne MM. [V], [L], [D], [G], [M], [A], [X] et Mme [Y] veuve [O], MM. [F] [O], [T] [O], ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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