mardi 28 septembre 2021

Aucune stipulation du contrat de sous-traitance ne prévoyait que le silence gardé par l'entrepreneur principal sur le projet de décompte général définitif du sous-traitant vaudrait acceptation tacite

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 septembre 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 635 F-D

Pourvoi n° K 20-11.060




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2021

La société Entreprise Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-11.060 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Central Sanit Ouest, (CSO) société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Tempeol, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Cogeef industrie, société par actions simplifiée unipersonnelle,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Entreprise Petit, de Me Haas, avocat des sociétés Central Sanit Ouest et Tempeol, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 décembre 2019), la société Hôtel Plaza Athénée ayant confié des travaux de rénovation et d'extension de son établissement au groupement d'entreprises constitué par la société GTM bâtiment et la société Lainé Delau, celle-ci a confié par contrat de sous-traitance du 30 septembre 2013 au groupement d'entreprises formé par les sociétés Cogeef industrie et CSO l'exécution des lots chauffage, ventilation, climatisation, désenfumage et plomberie pour un prix global et forfaitaire de 6 500 000 euros HT.

2. Le 25 novembre 2014, le groupement sous-traitant a adressé à la société Lainé Delau, aux droits de laquelle vient la société Petit, un projet de décompte général et définitif d'un montant de 1 178 878,33 euros TTC.

3. L'entrepreneur principal n'ayant pas réglé la totalité du prix du marché de sous-traitance, la société Tempeol, venant aux droits de la société Cogeef industrie, et la société CSO l'ont assigné en paiement du solde restant dû.

Examen des moyens

Sur le premier et le troisième moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Petit fait grief à l'arrêt de dire le décompte communiqué le 25 novembre 2014 tacitement accepté et de la condamner au paiement de la somme de 746 280,84 euros, alors « qu'une acceptation tacite ne peut être caractérisée qu'en présence d'actes manifestant sans équivoque la volonté de l'acceptant ; que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; que si les parties peuvent prévoir dans leur contrat que le silence vaut acceptation, encore faut-il que cela résulte de prévisions contractuelles claires et précises ; qu'en l'espèce, l'article 6-24 des conditions générales se borne à énoncer que : « L'entrepreneur principal s'engage à revêtir de son acceptation, après vérification dans les 15 jours de leur réception, les pièces que doit produire le sous-traitant à l'appui de sa demande de paiement » quand l'article 6.2.a) des conditions spéciales se contente de préciser « Les modalités de paiement retenues en vertu de l'article 6.2.1 des conditions particulières, sont les suivantes : le règlement sera effectué [...] à la fin du mois civil de la date calculée comme suit: date d'émission de la facture plus 45 jours calendaires » ; que ces dispositions ne prévoient pas de façon claire et précise que le silence gardé par l'entrepreneur principal vaut acceptation tacite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le silence ne vaut pas acceptation ensemble l'article 1134 ancien du code civil, articles 1103 et 1120 nouveaux. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les sociétés SCO et Tempeol contestent la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

7. Cependant, la société Petit a soutenu dans ses conclusions d'appel que, si les sociétés CSO et Tempeol prétendaient que le projet de décompte général définitif avait été tacitement accepté, le contrat liant les parties n'imposait aucun délai à l'entrepreneur principal pour contester ce projet et que, en toute hypothèse, le défaut de notification des motifs de rejet de ce décompte était sans incidence sur le droit pour l'entrepreneur principal d'appliquer les pénalités contractuelles.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10. Pour dire que le décompte communiqué le 25 novembre 2014 par les sociétés CSO et Tempeol a été accepté tacitement pas la société Lainé Delau, l'arrêt, qui relève que les relations entre les parties sont régies par le contrat du 30 septembre 2013 comportant des conditions spéciales et des conditions particulières, retient que l'article 3 des conditions spéciales prévoit que le contrat est formé des documents particuliers ainsi que des documents généraux parmi lesquels figurent les conditions générales du contrat de sous-traitance BTP édition de 2005, dont l'article 6-24 impose à l'entrepreneur principal de revêtir de son acceptation, après vérification dans les quinze jours de leur réception, les pièces que doit produire le sous-traitant à l'appui de sa demande de paiement ou de faire connaître les motifs de rejet ou de modification de ces pièces.

11. L'arrêt ajoute que l'article 6.2.a des conditions spéciales du contrat de sous-traitance mentionne que le paiement doit intervenir à la fin du mois civil de la date d'admission de la facture plus quarante-cinq jours calendaires et déduit de la combinaison de ces conditions générales et spéciales que l'entreprise générale avait un délai maximum de quinze jours pour examiner le projet de décompte général définitif adressé par le sous-traitant et pour faire connaître les motifs de rejet ou de modification des pièces, de sorte que, en l'absence de contestation, elle devait régler le décompte général définitif à la fin du mois civil suivant le délai de quarante-cinq jours suivant sa réception.

12. Constatant que, en l'espèce, la société Petit n'avait apporté aucune réponse dans le délai imparti après l'envoi du projet de décompte définitif par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, il en conclut que celle-ci est réputée avoir tacitement accepté le projet qui, par suite, est devenu un décompte général définitif ne pouvant plus être contesté par l'entrepreneur principal.

13. En statuant ainsi, alors qu'aucune stipulation du contrat de sous-traitance ou des conditions spéciales, particulières ou générales applicables à ce contrat ne prévoyait que le silence gardé par l'entrepreneur principal sur le projet de décompte général définitif établi par le sous-traitant vaudrait acceptation tacite de ce projet de décompte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Petit, venant aux droits de la société Lainé Delau, à payer à la société CSO et à la société Tempeol, venant aux droits de la société Cogeef Industrie, ensemble, la somme de 238 357,49 euros majorée des intérêts calculés à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 15 janvier 2015, et, statuant à nouveau de ce chef infirmé, dit que le décompte communiqué le 25 novembre 2014 par les sociétés CSO et Tempeol a été accepté tacitement par la société Lainé Delau, faute d'avoir fait connaître son refus ou ses observations dans le délai de 15 jours prévu par l'article 6-24 du contrat de sous-traitance du BTP édition de 2005 auxquelles les conditions générales du contrat conclu par les parties le 30 septembre 2013 renvoie et condamne la société Petit à payer aux sociétés CSO et Tempeol la somme de 746 280,84 euros TTC avec intérêts aux taux de trois fois le taux de l'intérêt légal à compter du 31 janvier 2015, l'arrêt rendu le 9 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les sociétés CSO et Tempeol aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés CSO et Tempeol et les condamne à payer à la société Petit la somme globale de 3 000 euros ;

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