jeudi 16 janvier 2020

Urbanisme - non-conformité - principe de proportionnalité - vie privée - obligation de démolir (non)

Note Soler-Couteaux, RDI 2020, p. 150.

Note Bergel, RDI 2020-7, p. 377.

Arrêt n°67 du 16 janvier 2020 (19-10.375) - Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C300067

CEDH - Urbanisme

Cassation


Demandeur(s) : Mme A... X... ; et autres

Défendeur(s) : commune de Chelles agissant par son maire ; et autres



Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2018), rendu en référé, Mme X... est propriétaire d’une parcelle cadastrée [...] et située à Chelles, qu’elle a reçue en donation en avril 2004.

2. Se plaignant de divers aménagements réalisés sur ce terrain, classé en zone naturelle par le plan local d’urbanisme, et de la construction d’un chalet en bois où Mme X... réside avec M. Y... et leurs enfants communs, la commune de Chelles les a assignés en référé pour obtenir la démolition des constructions et l’expulsion des occupants.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme X... et M. Y... font grief à l’arrêt d’accueillir la demande en démolition, alors qu’ « il appartient au juge, en matière de violation d’une règle d’urbanisme lors de l’édification d’une construction, d’apprécier concrètement si une mesure de remise en état, impliquant l’expulsion d’une famille et la destruction de son logement, porterait une atteinte disproportionnée au droit de ses membres au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile ; qu’en se bornant à prendre en considération l’importance purement théorique de l’irrégularité affectant les constructions des consorts X... et Y... par rapport aux dispositions d’urbanisme, et à affirmer péremptoirement que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l’environnement assurée par des dispositions d’urbanisme impératives destinées à préserver l’intérêt public de la commune et de ses habitants, sans rechercher concrètement, comme elle y était expressément invitée, si les mesures d’expulsion et de destruction des constructions litigieuses qu’elle envisageait de prononcer étaient de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile, dès lors que le couple habitait avec ses trois enfants mineurs sur ce terrain depuis l’acquisition du bien en 2004, que M. Y... était inscrit comme artisan au registre des métiers à cette adresse, que leur fille, Mlle A... Y..., était scolarisée à l’école de Chelles, et que l’environnement immédiat de leur parcelle était par ailleurs très urbanisé, avec de nombreuses constructions pavillonnaires de l’autre côté de la rue, et se situait au croisement de deux voies de circulation équipées en eau, électricité et réseaux d’assainissement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 809 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

4. Aux termes de ce texte : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

5. Pour accueillir la demande de démolition, l’arrêt retient que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l’environnement assurée par des dispositions d’urbanisme impératives destinées à préserver l’intérêt public de la commune et de ses habitants, que les droits fondamentaux invoqués par Mme X... et M. Y... ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d’urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite et que les mesures de démolition et d’expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme X... et M. Y..., l’expulsion devant s’entendre des constructions à vocation d’habitation édifiées sur la parcelle [...] et non de l’ensemble de la parcelle puisque Mme X... en est propriétaire.

6. En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que la mesure d’expulsion ne concerne que les constructions à usage d’habitation, sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme X... et de M. Y..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;



Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Jacques
Avocat général : Mme Vassallo, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade - SCP Ohl et Vexliard

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