Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 19 novembre 2019
N° de pourvoi: 18-86933
Non publié au bulletin Cassation
M. Soulard (président), président
SCP Delamarre et Jehannin, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
N° Q 18-86.933 F-D
N° 2257
SM12
19 NOVEMBRE 2019
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
La commune de Draveil, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 13 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. V... H... et la société S.E.L du chef d'infractions au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils.
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle DELAMARRE et JEHANNIN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;
Un mémoire a été produit.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société civile immobilière Caric est propriétaire d'une parcelle de terrain cadastrée n°[...] sur la commune de Draveil, située en zone inondable par le plan de prévention des risques d'inondations.
Elle a conclu un bail commercial avec la société Comptoir Foncier Européen, laquelle a sous loué à la société S.E.L. dont le gérant est M. V... H.... Cette société a conclu plusieurs conventions d'occupation sur des parties de la parcelle avec diverses personnes morales.
3. Le 2 avril 2014, un agent assermenté de la ville de Draveil a dressé un procès verbal d'infraction aux règles d'urbanisme concernant plusieurs bâtiments .
4. La société S.E.L et M.H... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir :
- exécuté des travaux sans permis de construire en rénovant avec une extension de 61m2 un bâtiment à usage d'entrepôt et en changeant sa destination sur la parcelle [...],
- exécuté des travaux ou utilisé le sol sans déclaration préalable avant le commencement des travaux, en édifiant des murs en parpaings afin de créer des bureaux et en fermant deux bâtiments par la mise en place de portes sur la parcelle [...],
- exécuté des travaux ou utilisé le sol en méconnaissance du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) et du plan local d'urbanisme (PLU), en procédant à des travaux et à des changements de destination des bâtiments situés sur la parcelle [...].
5. Le tribunal correctionnel les a renvoyés des fins de la poursuite, a reçu les constitutions de partie civile de la commune de Draveil et de la société Caric mais les a déclarées mal fondées en raison de la relaxe intervenue.
6. La commune de Draveil et la société Caric ont formé appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles L 480-5, L. 480-6 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, 1382, devenu 1240 du code civil, du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.
Le moyen critique l'arrêt attaqué "en ce qu'il a rejeté les demande de démolition et de remise en état des lieux formées par les parties civiles.
“1°) alors que la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales ; qu'en jugeant que la relaxe de M. H... et de la société S.E.L. ferait obstacle au prononcé de mesures prévues par l'article susvisé à titre de réparation au profit de la partie civile, la cour d'appel a violé les articles L. 480-5, L. 480-6 et L. 480-7 du code de l'urbanisme ;
“2°) alors subsidiairement et en toute hypothèse que le préjudice résultant d'une faute civile doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que lorsque cela lui est demandé, le juge qui a retenu l'existence d'une faute civile doit statuer sur la remise en état des lieux qui lui a été demandée à titre de réparation sur le fondement de l'action civile ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'une faute civile des prévenus, qui ont réalisé des travaux sans déclaration préalable et modifié la destination des lieux sans permis de construire ; qu'en retenant qu'aucune mesure à caractère réel de démolition ou de remise en état des lieux, demandées par la commune au titre de l'action civile, ne pourrait être prononcée sur la base d'une faute civile, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil”.
Réponse de la Cour
Vu les articles 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale,
8. Selon le premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; cette réparation doit avoir lieu sans perte ni profit.
9. Selon le second tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour rejeter la demande de remise en état et de démolition formées par les parties civiles, l'arrêt attaqué retient que la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, leur démolition ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux en leur état antérieur constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, que l'article L.480-5 du code de l'urbanisme mentionne expressément l'exigence d'une condamnation pénale et qu'il ne résulte pas de ce texte qu'une faute civile suffirait à justifier le prononcé de telles mesures.
11. Les juges ajoutent que M. H... et la société S.E.L ayant été renvoyés des fins de la poursuite, aucune condamnation n'a été prononcée à leur encontre pour une infraction prévue aux articles L. 610-1 et L.480-4 du code de l'urbanisme et en déduisent qu' aucune mesure à caractère réel ne peut être prononcée à leur encontre même sur la base d'une faute civile.
12. En statuant ainsi, alors que la demande de remise en état n'était pas sollicitée à titre de mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite , mais à titre de réparation du préjudice subi par la commune, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de réparation intégrale, n'a pas justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de PARIS, en date du 13 septembre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de PARIS, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
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