Note Caston, GP 2020, n° 7, p. 59, sur cass. ass. plén. 13 janvier 2020, n° 17-19.963.
Note Mekki, SJ G 2020, p. 167.
Note Houtcieff, GP 2020, n° 5, p. 15
Etude Mekki, D. 2020, p. 360.
Note Bacache, D. 2020, p. 394
Note Borghetti, D.2020, p. 417.
Note L. Bloch, RCA 2020-3, p. 5.
Note Stoffel-Munck, SJ G 2020, p. 804.
NoteJ . Traullé, GP 2020, n° 15, p. 28
Note Billiau, SJ G 2020, p. 1024.Note O. Gout, D 2021, p. 49.
Note Caston, GP 2020, n° 7, p. 59, sur cass. ass. plén. 13 janvier 2020, n° 17-19.963.
Note Mekki, SJ G 2020, p. 167.
Note Houtcieff, GP 2020, n° 5, p. 15
Etude Mekki, D. 2020, p. 360.
Note Bacache, D. 2020, p. 394
Note Borghetti, D.2020, p. 417.
Note L. Bloch, RCA 2020-3, p. 5.
Note Stoffel-Munck, SJ G 2020, p. 804.
NoteJ . Traullé, GP 2020, n° 15, p. 28
Note Billiau, SJ G 2020, p. 1024.
Note L. Bloch, RCA 2020-3, p. 5.
Note Stoffel-Munck, SJ G 2020, p. 804.
NoteJ . Traullé, GP 2020, n° 15, p. 28
Note Billiau, SJ G 2020, p. 1024.
Note O. Gout, D 2021, p. 49.
Arrêt n°651 du 13 janvier 2020 (17-19.963) - Cour de cassation - Assemblée plénière
- ECLI:FR:CCASS:2020:AP00651
RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE OU QUASI-DÉLICTUELLECassation partielle
- Lire la note explicative relative à l’arrêt n°651
- Lire le rapport du conseiller
- Lire l’avis du premier avocat général
Demandeur(s) : Société QBE Insurance Europe Limited
Défendeur(s) : Société Sucrerie de Bois Rouge ; et autres
I. Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 5 avril 2017), la société Industrielle sucrière de Bourbon, devenue la société Sucrerie de Bois rouge (la société de Bois rouge), et la société Sucrière de la Réunion (la société Sucrière) ayant pour objet la fabrication et la commercialisation du sucre de canne, ont conclu, le 21 novembre 1995, un protocole aux fins de concentrer le traitement industriel de la production cannière de l’île sur deux usines, celle de Bois rouge appartenant à la société de Bois rouge et celle du Gol appartenant à la société Sucrière, en exécution duquel chaque usine était amenée à brasser des cannes dépendant de son bassin cannier et de celui de l’autre. A cet effet, elles ont conclu, le 31 janvier 1996, une convention de travail à façon déterminant la quantité de sucre à livrer au commettant et la tarification du façonnage. Antérieurement, le 8 novembre 1995, avait été conclue une convention d’assistance mutuelle en période de campagne sucrière entre les deux usines de Bois rouge et du Gol « en cas d’arrêt accidentel prolongé de l’une des usines ».
2. Dans la nuit du 30 au 31 août 2009, un incendie s’est déclaré dans une usine électrique de la centrale thermique exploitée par la société Compagnie thermique de Bois rouge (la Compagnie thermique) qui alimentait en énergie l’usine de Bois rouge, entraînant la fermeture de cette usine pendant quatre semaines. L’usine du Gol a assuré une partie du traitement de la canne qui aurait dû l’être par l’usine de Bois rouge.
3. La société QBE Insurance Europe limited (la société QBE), assureur de la société Sucrière, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe, ayant indemnisé son assurée de ses pertes d’exploitation, a, dans l’exercice de son action subrogatoire, saisi un tribunal à l’effet d’obtenir la condamnation de la société de Bois rouge et de la Compagnie thermique à lui rembourser l’indemnité versée.
4. Par jugement du 13 avril 2015, sa demande a été rejetée.
5. Par arrêt du 5 avril 2017, la cour d’appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
6. Par arrêt du 9 avril 2019, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par la société QBE, a renvoyé son examen à l’assemblée plénière de la Cour.
II. Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société QBE fait grief à l’arrêt de rejeter son recours en paiement dirigé à l’encontre de la société de Bois rouge, alors :
« 1°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d’actes clairs et précis impliquant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu’en l’espèce, il ne résulte d’aucun des documents, conventions ou accords passés entre les sociétés Sucrière de la Réunion et Sucrerie de Bois rouge une renonciation de la première à agir contre la seconde en raison du préjudice pouvant résulter de l’exécution de la convention d’assistance ; qu’en refusant à la compagnie QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un recours à l’encontre de la société Sucrerie de Bois rouge au motif qu’elle ne pouvait avoir davantage de droits que son assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la Réunion ne pouvait exercer d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil (dans son ancienne rédaction, devenu 1103) ;
« 1°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d’actes clairs et précis impliquant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu’en l’espèce, il ne résulte d’aucun des documents, conventions ou accords passés entre les sociétés Sucrière de la Réunion et Sucrerie de Bois rouge une renonciation de la première à agir contre la seconde en raison du préjudice pouvant résulter de l’exécution de la convention d’assistance ; qu’en refusant à la compagnie QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un recours à l’encontre de la société Sucrerie de Bois rouge au motif qu’elle ne pouvait avoir davantage de droits que son assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la Réunion ne pouvait exercer d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil (dans son ancienne rédaction, devenu 1103) ;
2°/ qu’une convention d’assistance, quel que soit son fondement juridique, n’interdit pas à l’assistant d’exercer un recours contre l’assisté pour le préjudice causé par l’assistance ; qu’en l’espèce, pour refuser à la compagnie QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un recours à l’encontre de la société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a retenu que la société QBE ne pouvait avoir davantage de droits que son assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la Réunion ne pouvait exercer d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge ; qu’en statuant ainsi , la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil (dans son ancienne rédaction, devenu 1103) ;
3°/ qu’en toute hypothèse, le préjudice subi par la société Sucrière de la Réunion en raison de la défaillance de l’usine de la société Sucrerie de Bois rouge ne résidait pas uniquement dans l’obligation dans laquelle s’était trouvée la première de prêter assistance à la seconde, mais également dans l’impossibilité dans laquelle s’était trouvée la société Sucrerie de Bois rouge de remplir ses obligations contractuelles envers la société Sucrière de la Réunion concernant le travail à façon ; qu’à ce titre, la convention d’assistance ne pouvait être opposée au recours de l’assureur ayant dédommagé son assuré contre la société Sucrerie de Bois rouge à raison de l’inexécution contractuelle ; qu’en déboutant la société QBE de l’intégralité de ses demandes contre la société Sucrerie de Bois rouge au seul motif de l’existence de conventions d’assistance, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. La cour d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation du protocole et de la convention d’assistance, jugé que ces deux conventions procédaient entre les deux sociétés sucrières de la même démarche de collaboration et, recherchant la commune intention des parties, a retenu que celles-ci s’étaient entendues pour la mise en oeuvre de l’une et de l’autre de ces conventions à la suite de l’arrêt complet de l’usine de Bois rouge privée d’alimentation en énergie.
9. Considérant qu’une telle entraide conduisait à la répartition des cannes à brasser prévue au protocole en cas de difficulté technique et s’exécutait à l’aune de la convention d’assistance mutuelle, elle a pu en déduire, par une décision motivée, que la société QBE, qui ne détenait pas plus de droits que son assurée, ne pouvait utilement invoquer une faute contractuelle imputable à la société de Bois rouge.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. La société QBE fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre la Compagnie thermique, alors :
« 1°/ que le fournisseur d’énergie est tenu d’une obligation de résultat dont la défaillance suffit à caractériser l’inexécution contractuelle et à engager sa responsabilité vis-à-vis de son cocontractant ; qu’en l’espèce, la responsabilité contractuelle de la Compagnie thermique de Bois rouge était engagée du seul fait de la cessation de fourniture d’énergie à la société Sucrerie de Bois rouge, du 30 août au 28 septembre 2009 ; qu’en décidant que la faute, la négligence ou l’imprudence de la Compagnie thermique de Bois rouge à l’origine de sa défaillance contractuelle n’était pas établie et qu’en conséquence, la société QBE Insurance ne pouvait utilement invoquer la responsabilité délictuelle de cette dernière, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil (devenu l’article 1231-1) ;
2°/ que subsidiairement, les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage, sans avoir à apporter d’autre preuve ; qu’en l’espèce, la société QBE Insurance, subrogée dans les droits de son assurée, la société Sucrière de la Réunion, a invoqué l’exécution défectueuse de ses obligations par la société Compagnie thermique de Bois rouge qui a manqué à son obligation de fournir à la société Sucrerie de Bois rouge l’énergie dont elle avait besoin pour faire tourner ses usines, cette inexécution entraînant un préjudice conséquent pour la société Sucrière de la Réunion ; qu’en estimant que la société QBE Insurance ne pouvait utilement invoquer la responsabilité délictuelle de la Compagnie thermique de Bois rouge dès lors qu’aucune négligence ou imprudence de la Compagnie thermique de Bois rouge à l’origine de sa défaillance contractuelle n’était établie, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1382, devenu 1240, du même code :
12. La Cour de cassation retient depuis longtemps le fondement délictuel ou quasi délictuel de l’action en réparation engagée par le tiers à un contrat contre un des cocontractants lorsqu’une inexécution contractuelle lui a causé un dommage.
13. S’agissant du fait générateur de responsabilité, la Cour, réunie en assemblée plénière, le 6 octobre 2006 (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) a retenu « que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ».
14. Le principe ainsi énoncé était destiné à faciliter l’indemnisation du tiers à un contrat qui, justifiant avoir été lésé en raison de l’inexécution d’obligations purement contractuelles, ne pouvait caractériser la méconnaissance d’une obligation générale de prudence et diligence, ni du devoir général de ne pas nuire à autrui.
15. Jusqu’à une époque récente, cette solution a régulièrement été reprise par les chambres de la Cour, que ce soit dans cette exacte formulation ou dans une formulation très similaire.
16. Toutefois, certains arrêts ont pu être interprétés comme s’éloignant de la solution de l’arrêt du 6 octobre 2006 (3e Civ., 22 octobre 2008, pourvoi n° 07-15.692, 07-15.583, Bull. 2008, III, n° 160 ; 1re Civ., 15 décembre 2011, pourvoi n° 10-17.691 ; Com., 18 janvier 2017, pourvois n° 14-18.832, 14-16.442 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-11.203, Bull. 2017, III, n° 64), créant des incertitudes quant au fait générateur pouvant être utilement invoqué par un tiers poursuivant l’indemnisation du dommage qu’il impute à une inexécution contractuelle, incertitudes qu’il appartient à la Cour de lever.
17. Aux termes de l’article 1165 susvisé, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.
18. Il résulte de ce texte que les contrats, opposables aux tiers, ne peuvent, cependant, leur nuire.
19. Suivant l’article 1382 susvisé, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
20. Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il lui cause un dommage.
21. Il importe de ne pas entraver l’indemnisation de ce dommage.
22. Dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.
23. Pour rejeter la demande de la société QBE contre la Compagnie thermique, l’arrêt retient que la société Sucrière est une victime par ricochet de l’interruption totale de fourniture de vapeur de la Compagnie thermique à l’usine de Bois rouge qui a cessé de fonctionner, et que, cependant, la faute, la négligence ou l’imprudence de la Compagnie thermique, à l’origine de sa défaillance contractuelle, n’est pas établie.
24. En statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d’appel, qui a constaté la défaillance de la Compagnie thermique dans l’exécution de son contrat de fourniture d’énergie à l’usine de Bois rouge pendant quatre semaines et le dommage qui en était résulté pour la société Sucrière, victime de l’arrêt de cette usine, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
25. En conséquence, elle a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de la société QBE Insurance Europe limited, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe, dirigée contre la société Compagnie thermique de Bois rouge et la condamne à payer à celle-ci des indemnités de procédure, l’arrêt rendu le 5 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis ;
Met la société Sucrerie de Bois rouge hors de cause ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les autres parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Président : Mme Arens, Première présidente
Rapporteur : Mme Monge, assistée de Mmes Noël et Guillemain
Avocat général : M. de la Tour, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Boulloche - SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre - SCP Jérôme Ortcheidt
Rapporteur : Mme Monge, assistée de Mmes Noël et Guillemain
Avocat général : M. de la Tour, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Boulloche - SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre - SCP Jérôme Ortcheidt
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