mercredi 25 janvier 2023

Vente immobilière et vice caché

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 55 F-D

Pourvoi n° W 21-23.977




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023

Mme [Z] [L], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-23.977 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [W] [P], veuve [J], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à la société BRED banque populaire (BRED), société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice domicilié audit siège,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [L], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme [P], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société BRED banque populaire, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 7 avril 2021), par acte du 5 octobre 2013, Mme [P] a vendu un appartement à Mme [L].

2. L'acte de vente comportait une clause d'exclusion de garantie des vices cachés.

3. L'immeuble présentant plusieurs désordres liés à des infiltrations provenant de la toiture, Mme [L] a assigné sa venderesse en résolution de la vente et la BRED banque populaire en résolution des deux contrats de prêts souscrits pour l'acquisition du bien.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le vendeur qui, ayant connaissance d'un vice lors de la conclusion du contrat, stipule qu'il ne le garantira pas, est tenu à garantie, nonobstant cette clause ; que la cour d'appel a, de première part, relevé que l'immeuble vendu était dégradé par l'humidité, de deuxième part, constaté que les désordres n'avaient pu être révélés à l'acquéreur avant la vente, de troisième part, estimé que l'appartement était impropre à son usage pour des raisons de santé et de sécurité, de quatrième part, retenu que la venderesse avait nécessairement connaissance de ce que la toiture était affectée d'infiltrations à raison d'une insuffisance d'entretien, d'où il résultait que la venderesse avait eu connaissance de l'existence d'un vice caché, consistant en un défaut d'étanchéité ; qu'en faisant toutefois produire effet à la clause exclusive de garantie des vices cachés stipulée par l'acte de vente, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1643 du code civil :

5. Selon ce texte, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

6. Le vendeur qui, ayant connaissance d'un vice lors de la conclusion du contrat, stipule qu'il ne le garantira pas, est tenu à garantie, nonobstant cette clause (3e Civ.,16 décembre 2009, pourvoi n° 09-10.540, Bull. III, n° 288).

7. Pour rejeter la demande en résolution de la vente, l'arrêt retient que la mauvaise foi de la venderesse n'est pas caractérisée, la preuve de la connaissance par celle-ci, profane en matière de construction en dépit de sa qualité de syndic bénévole de l'immeuble, des conséquences d'une insuffisance d'entretien de l'immeuble sur l'état général de la charpente, des murs et du parquet, ni de leur gravité, n'étant pas rapportée par l'acquéreur.

8. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la venderesse avait connaissance que la toiture était affectée d'infiltrations en raison d'une insuffisance d'entretien, qu'elle avait habité dans l'immeuble et avait été son syndic de 1997 à 2014, qu'elle avait avisé la copropriété de la nécessité de réactualiser le devis de réfection de la toiture, devis obtenu en 1988, qu'elle avait effectué une recherche de fuite en 2003 à la demande du locataire de l'appartement, alors que seules de petites réparations de couverture avaient été effectuées entre 1980 et 1989 et qu'elle avait changé une poutre pourrie en droit de la lucarne de la cuisine et remplacé des lames de parquet pourries par des plaques de bois recouvertes de moquettes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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