mardi 7 mars 2023

1) Exclusion ou condition de la garantie ? 2) Réception et apparence du désordre

 Note R Bruillard, RCA 2023-5, p. 27

Note A. Pimbert, RGDA 2023-5, p. 13

Cour de cassation - Chambre civile 3

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er mars 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 164 F-D

Pourvoi n° S 21-23.375




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° S 21-23.375 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1- 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Enfinity PV 5, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [S] [Y], domicilié [Adresse 7], mandataire judiciaire pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Enfinity France,

3°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 4] et prises en leur qualité d'assureurs de la société Eden Energy,

5°/ à la société Kilowattsol, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

6°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

7°/ à la société QBE Europe SA/NV, société de droit étranger,

8°/ à la société QBE Europe SA/NV, société de droit étranger, venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 8] (Belgique) et leur succursale française au [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Enfinity PV 5, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Kilowattsol et des sociétés QBE Europe SA/NV, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 2021), par contrats du 29 avril 2011, la société Enfinity PV5 a confié à la société Enfinity France, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), la conception, la construction et la maintenance d'une centrale photovoltaïque en toiture d'un bâtiment industriel.

2. La société Enfinity France a sous-traité les opérations de construction à la société Eden Energy, assurée auprès des Mutuelles du Mans assurances IARD et Mutuelles du Mans assurances mutuelles (les MMA) et confié une mission de conseil sur les points techniques jusqu'aux opérations de réception à la société Kilowattsol, assurée auprès de la société Allianz IARD, puis de la société QBE Insurance.

3. Par contrat du 7 mars 2012, la société Kilowattsol a sous-traité l'assistance lors de la réception des travaux à la société Top Bis, assurée auprès de la société QBE Europe SA/NV.

4. Se plaignant de la production d'une énergie réactive supérieure à celle acceptée et d'infiltrations sous la toiture du bâtiment, la société Enfinity PV5 a, après expertise, assigné M. [Y], pris en sa qualité de liquidateur de la société Enfinity France, la société Axa et les MMA en indemnisation de ses préjudices.

5. Les société Kilowattsol, Top Bis, Allianz IARD, QBE Europe SA/NV ont été appelées en garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés Kilowattsol et QBE Europe SA/NV, à payer à la société Enfinity PV5 diverses sommes en réparation de ses préjudices matériel et immatériel, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt et de la condamner à garantir les sociétés Kilowattsol et QBE Europe SA/NV dans la limite de 95 % des condamnations, alors :

« 1°/ qu' affirmant qu'il « n'est pas établi que les infiltrations aient perduré entre la visite effectuée le 20 février 2012 par la société Top Bis et la réception du 12 novembre 2012 et que par conséquent le maître de l'ouvrage avait connaissance de la persistance d'infiltrations au jour de la réception quand l'expert judiciaire consignait dans son rapport les propos de M. [M], propriétaire du bâtiment dans lequel la centrale est installée selon lesquels « les infiltrations sont présentes dans son bâtiment depuis l'origine des travaux. Le premier signalement qu'il en a fait date du 13 juillet 2011 et donc avant la réception. Depuis, il n'a cessé de subir des infiltrations régulières qui dégradent les cartons de stockage ; le stockage étant l'activité principale de son entreprise », la cour d'appel a dénaturé ledit rapport en violation de l'interdiction qui lui est faite de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves, ce dont il résulte qu'il appartient au maître de l'ouvrage de s'assurer par lui-même de l'état de l'ouvrage à recevoir, spécialement lorsqu'il est informé de l'existence de non-conformités et de défauts ; d'où il suit qu'en affirmant qu'il « ne peut pas non plus être reproché au maître d'ouvrage de s'être fié aux affirmations de la société Top Bis concernant la levée de toutes les réserves et de ne pas s'être aperçu par lui-même que les réserves mentionnées comme ayant été levées ne l'avaient pas été », et sans constater l'existence de diligences concrètes du maître de l'ouvrage à la date retenue de réception (12 novembre 2012), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6, alinéa 1er, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de l'expertise rendait nécessaire, que si le rapport établi par la société Kilowattsol le 19 avril 2012 à la suite de la visite sur site effectuée le 20 février précédent faisait état d'un risque d'infiltrations en raison du caractère non adapté des joints d'étanchéité et que le propriétaire du bâtiment s'était plaint d'infiltrations régulières, le premier signalement datant du 13 juillet 2011, le document intitulé « Levée des réserves V2 », établi le 19 octobre 2012 par la société Top Bis, mentionnait la levée des réserves visées au précédent rapport du 19 avril 2012, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'était pas établi que le maître de l'ouvrage avait eu connaissance de la persistance des infiltrations au jour de la réception, le 12 novembre 2012.

8. D'autre part, elle a retenu, à bon droit, que le caractère apparent d'un vice de construction s'appréciait au regard du maître de l'ouvrage lui-même et non pas du technicien assistant celui-ci dans les opérations de réception, puis, souverainement, qu'aucun élément ne permettait d'établir que le maître de l'ouvrage était suffisamment averti pour déceler le défaut de conformité du câblage et les malfaçons susceptibles de compromettre l'étanchéité du bâtiment.

9. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante sur l'existence de diligences concrètes du maître de l'ouvrage au jour de la réception, a pu en déduire que les désordres ne pouvaient pas être considérés comme apparents à la réception.

10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La société Axa fait grief à l'arrêt de rejeter ses recours formés contre les MMA, alors « qu'en affirmant que la garantie des MMA n'était pas mobilisable dès lors que les conditions particulières prévoyaient que la non-garantie s'appliquait aux travaux d'installation de toute centrale comme ayant une superficie excédant 60 m², ce qui était le cas, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si la garantie des MMA n'était cependant pas due dès lors que les infiltrations provenaient d'un défaut de réalisation de la couverture (défaut de la mise en oeuvre des closoirs) et non des panneaux solaires eux-mêmes posés sur ladite couverture, travaux réalisés par l'assurée des MMA (Eden Energy), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

12. Ayant relevé que les conditions particulières stipulaient que l'activité comprenait l'intégration de panneaux photovoltaïques, les branchements électriques et le raccordement au réseau public en limitant les installations concernées à des surfaces maximum de 60 m², ce dont il résultait que cette clause ne constituait pas une clause d'exclusion mais une précision de la définition de l'objet du risque assuré, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a pu retenir que la non-garantie s'appliquait aux travaux d'installation de toute centrale photovoltaïque ayant une superficie excédant 60 m² et en déduire que les MMA ne pouvaient être tenues de garantir le risque.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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