mercredi 29 mars 2023

La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2023




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 292 FS-B

Pourvoi n° M 20-18.306







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2023

La société Soredom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement Société financière Antilles Guyane (Sofiag), venant aux droits de la Société de crédit pour le développement de la Martinique (Sodema), a formé le pourvoi n° M 20-18.306 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [P] [K],

2°/ à Mme [G] [U], épouse [K],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de la société Soredom, anciennement Sofiag, venant aux droits de la Sodema, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [K], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, M. Waguette, Mme Caillard, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 17 décembre 2019), par acte authentique du 26 décembre 1996, la Société de crédit pour le développement de la Martinique (Sodema), aux droits de laquelle vient la Société financière Antilles Guyane (Sofiag), devenue Soredom, a consenti à M. et Mme [K] un prêt immobilier.

2. M. [K] a saisi une commission de surendettement des particuliers d'une demande de traitement de sa situation financière le 30 juin 2012.

3. À la suite de l'échec de la phase amiable de la procédure, constaté par la commission le 25 juillet 2012, M. [K] a demandé, le 3 août 2012, à bénéficier de mesures recommandées.

4. Le 21 décembre 2012, la commission a établi des mesures recommandées que la Sofiag a contestées le 22 janvier 2013.

5. La contestation formée par la Sofiag a été rejetée par jugement d'un juge de l'exécution du 19 novembre 2013, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 20 janvier 2015.

6. Le 21 octobre 2014, la Sofiag a assigné M. et Mme [K] devant un tribunal de grande instance à fin de condamnation en paiement du solde du prêt.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Soredom fait grief à l'arrêt de constater que l'action qu'elle a intentée est prescrite à l'encontre des époux [K] et de la débouter, en conséquence, de ses demandes en paiement à l'encontre des époux [K], alors « que l'action exercée par le créancier aux fins d'obtenir paiement de sa créance a le même objet et tend au même but que celle contestant les mesures imposées par la commission de surendettement à l'encontre de son débiteur, de telle sorte que le lien entre ces deux actions les soumet aux mêmes règles de prescription ; que l'action en paiement de la Sofiag exercée le 21 octobre 2014 tend au paiement de sa créance comme celle qui avait pour objet de contester les mesures de la commission de surendettement dont l'instance s'est éteinte le 20 janvier 2015 ; que l'interruption de la prescription a produit ses effets jusqu'à cette date à compter de laquelle un nouveau délai de deux ans a commencé à courir, de sorte que l'assignation du 21 octobre 2014 a été délivrée avant l'expiration du délai de prescription ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 137-2 du code la consommation, alors applicable, et 2240, 2241 et 2242 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2241 du code civil :

8. Selon ce texte, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.

9. Il résulte de ce texte que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en va autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

10. La contestation par le créancier de mesures recommandées ou imposées par une commission de surendettement constitue une demande en justice qui interrompt le délai de prescription.

11. Cette contestation tendant au même but que la demande en paiement engagée ultérieurement par le créancier, la seconde action est virtuellement comprise dans la première.

12. Pour déclarer prescrite la créance de la Sofiag, l'arrêt retient que si les articles 2241 et 2242 du code civil prévoient effectivement que la demande en justice interrompt la prescription de l'action et que cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, le recours formé par un créancier contre la décision par laquelle une commission de surendettement déclare un débiteur recevable en sa demande de traitement de sa situation financière ne constitue pas, au regard de son objet, une demande en justice de nature à interrompre le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil.

13. En statuant ainsi, alors que l'effet interruptif de prescription de la contestation des mesures recommandées ou imposées s'étendait à l'action en paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;

Condamne M. et Mme [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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