Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 21-25.868
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100142
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 01 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 07 octobre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er mars 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 142 F-D
Pourvoi n° B 21-25.868
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023
La caisse de Crédit mutuel Hoenheim, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-25.868 contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [U] [S], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à la société Office notarial de Lamorlaye, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société [H], [B] et Arizzoli, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à Mme [N] [E], épouse [D], domiciliée [Adresse 5],
5°/ à M. [V] [E], domicilié [Adresse 9],
6°/ à M. [R] [E], domicilié [Adresse 7],
7°/ à M. [O] [E], domicilié [Adresse 6],
8°/ à Mme [Z] [E], domiciliée [Adresse 8],
9°/ à M. [G] [E], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse de Crédit mutuel Hoenheim, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [S], de la société Office notarial de Lamorlaye et de la société [H], [B] et Arizzoli, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mmes [N] et [Z] [E] et de MM. [V], [R], [O] et [G] [E], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 octobre 2021), par acte reçu le 4 août 2000 par M. [L], membre de la SCP Rémi Julien [L] et [X] [H] (la SCP), avec la participation de Mme [S] (la notaire), membre de la SELARL Office notarial de Lamorlaye (la SELARL), Mmes [N] et [Z] [E] et MM. [O], [V], [R] et [G] [E] (les vendeurs) ont cédé à la SCI Saint Martin un bien immobilier, financé par un prêt consenti par la caisse de Crédit mutuel Hoenheim (la banque).
2. Un arrêt du 5 avril 2012 a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, faute pour l'acquéreur d'avoir été informé de l'exercice, à une période antérieure à la vente, d'une activité de stockage et de récupération de déchets de métaux susceptibles de se trouver à l'origine d'une pollution des sols et des eaux souterraines.
3. Un arrêt du 23 février 2017 a prononcé la nullité du contrat de prêt accessoire au contrat de vente.
4. La banque a assigné les vendeurs, la notaire, la SCP et la SELARL (les sociétés notariales) en indemnisation du préjudice résultant de l'annulation du prêt.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réparation, alors :
« 1°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le montant du préjudice subi par la banque à la suite de l'annulation du prêt au seul motif qu'il lui serait impossible au vu des éléments produits de déterminer avec une précsion suffisante la somme correspondant à la réparation de ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'après avoir retenu qu'au regard de la nullité du contrat de prêt, le prêteur pouvait prétendre à être indemnisé de son préjudice compte tenu des responsabilités retenues, l'arrêt énonce qu'en l'absence d'éléments permettant d'une part de chiffrer le montant total des intérêts attendus dans l'opération financée et d'autre part de justifier l'évaluation faite par la banque de son préjudice, la demande de réparation ne pouvait qu'être rejetée ; qu'en refusant ainsi d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 1382, devenu 1240, du code civil :
6. Il résulte de ces textes, en premier lieu, que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il constate l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, en second lieu, qu'il ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
7. Pour rejeter la demande de la banque, l'arrêt retient, d'abord, que celle-ci peut prétendre être indemnisée de son préjudice compte tenu des responsabilités retenues des vendeurs, de la notaire et des sociétés notariales, mais qu'elle ne justifie pas des intérêts attendus de l'opération financée, chiffrés différemment devant le tribunal sans qu'elle s'en explique, ensuite, qu'elle ne peut solliciter une indemnité au titre de la perte de chance de percevoir ces intérêts à hauteur desdits intérêts.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de la caisse de Crédit mutuel Hoenheim, l'arrêt rendu le 7 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société [X] [H], Mme [S], la SELARL Office notariale de Lamorlaye, Mmes [N] et [Z] [E], et MM. [O], [V], [R] et [G] [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [X] [H], Mme [S], la SELARL Office notariale de Lamorlaye, Mmes [N] et [Z] [E], et MM. [O], [V], [R] et [G] [E], et les condamne in solidum à payer à la caisse de Crédit mutuel Hoenheim la somme de 3 000 euros ;
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er mars 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 142 F-D
Pourvoi n° B 21-25.868
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023
La caisse de Crédit mutuel Hoenheim, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-25.868 contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [U] [S], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à la société Office notarial de Lamorlaye, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société [H], [B] et Arizzoli, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à Mme [N] [E], épouse [D], domiciliée [Adresse 5],
5°/ à M. [V] [E], domicilié [Adresse 9],
6°/ à M. [R] [E], domicilié [Adresse 7],
7°/ à M. [O] [E], domicilié [Adresse 6],
8°/ à Mme [Z] [E], domiciliée [Adresse 8],
9°/ à M. [G] [E], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse de Crédit mutuel Hoenheim, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [S], de la société Office notarial de Lamorlaye et de la société [H], [B] et Arizzoli, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mmes [N] et [Z] [E] et de MM. [V], [R], [O] et [G] [E], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 octobre 2021), par acte reçu le 4 août 2000 par M. [L], membre de la SCP Rémi Julien [L] et [X] [H] (la SCP), avec la participation de Mme [S] (la notaire), membre de la SELARL Office notarial de Lamorlaye (la SELARL), Mmes [N] et [Z] [E] et MM. [O], [V], [R] et [G] [E] (les vendeurs) ont cédé à la SCI Saint Martin un bien immobilier, financé par un prêt consenti par la caisse de Crédit mutuel Hoenheim (la banque).
2. Un arrêt du 5 avril 2012 a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, faute pour l'acquéreur d'avoir été informé de l'exercice, à une période antérieure à la vente, d'une activité de stockage et de récupération de déchets de métaux susceptibles de se trouver à l'origine d'une pollution des sols et des eaux souterraines.
3. Un arrêt du 23 février 2017 a prononcé la nullité du contrat de prêt accessoire au contrat de vente.
4. La banque a assigné les vendeurs, la notaire, la SCP et la SELARL (les sociétés notariales) en indemnisation du préjudice résultant de l'annulation du prêt.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réparation, alors :
« 1°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le montant du préjudice subi par la banque à la suite de l'annulation du prêt au seul motif qu'il lui serait impossible au vu des éléments produits de déterminer avec une précsion suffisante la somme correspondant à la réparation de ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'après avoir retenu qu'au regard de la nullité du contrat de prêt, le prêteur pouvait prétendre à être indemnisé de son préjudice compte tenu des responsabilités retenues, l'arrêt énonce qu'en l'absence d'éléments permettant d'une part de chiffrer le montant total des intérêts attendus dans l'opération financée et d'autre part de justifier l'évaluation faite par la banque de son préjudice, la demande de réparation ne pouvait qu'être rejetée ; qu'en refusant ainsi d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 1382, devenu 1240, du code civil :
6. Il résulte de ces textes, en premier lieu, que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il constate l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, en second lieu, qu'il ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
7. Pour rejeter la demande de la banque, l'arrêt retient, d'abord, que celle-ci peut prétendre être indemnisée de son préjudice compte tenu des responsabilités retenues des vendeurs, de la notaire et des sociétés notariales, mais qu'elle ne justifie pas des intérêts attendus de l'opération financée, chiffrés différemment devant le tribunal sans qu'elle s'en explique, ensuite, qu'elle ne peut solliciter une indemnité au titre de la perte de chance de percevoir ces intérêts à hauteur desdits intérêts.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de la caisse de Crédit mutuel Hoenheim, l'arrêt rendu le 7 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société [X] [H], Mme [S], la SELARL Office notariale de Lamorlaye, Mmes [N] et [Z] [E], et MM. [O], [V], [R] et [G] [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [X] [H], Mme [S], la SELARL Office notariale de Lamorlaye, Mmes [N] et [Z] [E], et MM. [O], [V], [R] et [G] [E], et les condamne in solidum à payer à la caisse de Crédit mutuel Hoenheim la somme de 3 000 euros ;
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