mercredi 29 mars 2023

Vente immobilière et présence d'amiante responsabilités du diagnostiqueur et de l'agent immobilier du vendeur - préjudice : cout du désamiantage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 188 F-D


Pourvois n°
X 21-25.082
T 21-25.331 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023

I - La société Vernier immo conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 21-25.082 contre un arrêt rendu le 28 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Capdiag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à Mme [X] [S],

3°/ à M. [B] [T],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

4°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à la société Assurances Valantin-Berger, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

II - La société Capdiag, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° T 21-25.331 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [X] [S],

2°/ à M. [B] [T],

3°/ à la société Vernier immo conseil, société par actions simplifiée,

4°/ à la société Gan assurances, société anonyme,

5°/ à la société Assurances Valantin-Berger, société à responsabilité limitée,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° X 21-25.082 invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° T 21-25.331 invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Vernier immo conseil, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Capdiag, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S] et de M. [T], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Assurances Valantin-Berger, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 21-25.331 et X 21-25.082
sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Vernier immo conseil du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Assurances Valantin-Berger.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2021), par une promesse de vente du 14 mars 2014 puis un acte authentique du 6 juin 2014, Mme [S] et M. [T] (les acquéreurs) ont acheté aux consorts [F], par l'intermédiaire de l'agence Vernier immo conseil (l'agent immobilier), un pavillon de type « Mondial Pratic ».

4. Un rapport « amiante », établi par la société Capdiag (le diagnostiqueur), assurée auprès de la société Gan assurances (l'assureur), figurant dans le dossier de diagnostic technique remis aux acquéreurs, a conclu à l'absence d'amiante dans le bien vendu.

5. Ayant découvert la présence d'amiante dans la maison, les acquéreurs ont assigné le diagnostiqueur et l'agent immobilier en indemnisation de leurs préjudices.

6. Le diagnostiqueur a appelé en garantie son assureur.

Examen des moyens

Sur les premier à troisième moyens du pourvoi n° T 21-25.331, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° X 21-25.082

Enoncé du moyen

8. L'agent immobilier fait grief à l'arrêt de le condamner in solidum avec le diagnostiqueur, à verser aux acquéreurs la somme de 185 899 euros et de partager la responsabilité entre les co-obligés à hauteur de 15 % pour le premier et 85 % pour le second, alors :

« 1°/ qu'une agence immobilière est en droit de se fier à un rapport technique établi par un professionnel compétent ; qu'en jugeant que la société Vernier immo avait commis une faute en n'informant pas les acquéreurs de la présence très probable d'amiante dans le bien qu'elle avait pour mandat de vendre, cependant qu'elle constatait que la société Capdiag, spécialisée en diagnostics immobiliers, avait dressé, le 2 mars 2014, un rapport technique concluant à l'absence d'amiante, analyse que l'exposante était fondée à présumer exacte, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

2°/ qu'une agence immobilière ne saurait être condamnée à indemniser son
client des conséquences d'un engagement librement souscrit en connaissance de cause ; qu'en condamnant la société Vernier immo sur le fondement de sa responsabilité civile pour n'avoir pas informé les acquéreurs du type de construction, tandis qu'il résulte de ses propres constatations que « lors de la lecture de l'acte authentique de vente Mme [S] a appris
que la maison était du type "Mondial Pratic" », de sorte que les acquéreurs avaient à nouveau manifesté leur intention d'acheter alors pourtant qu'ils connaissaient le type de construction qu'ils reprochaient à l'agence immobilière de ne pas leur avoir signalée, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les conséquences d'un manquement à son devoir
d'information par un agent immobilier ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en jugeant que le préjudice subi par les acquéreurs ne pouvait s'analyser en une perte de chance, et en condamnant l'agence immobilière, in solidum avec le diagnostiqueur, à payer le coût de la destruction et de la reconstruction des produits amiantés, sans établir qu'en possession des informations que l'agence immobilière aurait dû leur transmettre, les acquéreurs auraient pu par quelque moyen que ce soit, échapper au préjudice indemnisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, mandataire du vendeur, l'agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison du type « Mondial Pratic », procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l'amiante, et que c'est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l'acquéreur avait été informé de la possible présence d'amiante dans le bien concerné.

10. Ayant exactement retenu qu'il incombait à l'agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s'agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu, elle a pu déduire de l'ensemble de ces énonciations que celui-ci avait commis une faute engageant sa responsabilité.

11. Le moyen est donc inopérant en ses deux premières branches.

12. Ayant relevé qu'il résultait des constatations de l'expert que la maison était inhabitable dès lors que la présence d'amiante empêchait même les travaux les plus ordinaires nécessaires à l'entretien et à la vie courante, la cour d'appel a souverainement retenu que le préjudice des acquéreurs résidait non dans une perte de chance mais dans le coût intégral des travaux nécessaires pour supprimer cet élément omis que les deux responsables devraient supporter à raison de leurs fautes respectives et a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Capdiag aux dépens du pourvoi n° T 21-25.331 et la société Vernier immo conseil aux dépens du pourvoi n° X 21-25.082 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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