jeudi 30 mars 2023

Assurance de dommages et obligation d'affectation de l'indemnité

 Note, C. Cerveau-Colliard, GP 2023-10, p. 60.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 740 F-D

Pourvoi n° R 21-21.442




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société L'Envol, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-21.442 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Norbail immobilier, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société L'Envol, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Norbail immobilier, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 juin 2021), le 14 novembre 2007, la société Norbail immobilier a donné en crédit-bail immobilier à la société L'Envol un bâtiment à usage industriel.

2. Une assurance destinée à garantir le bâtiment contre le risque d'incendie a été souscrite auprès de la société Allianz IARD.

3. Le 2 juin 2011, le bâtiment a été intégralement détruit par un incendie.

4. Après expertise ordonnée en référé, la société L'Envol a assigné la société Norbail immobilier pour obtenir sa condamnation à reconstruire le bien et la société Allianz IARD en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société L'Envol fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Norbail immobilier, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes du contrat de crédit-bail conclu entre la société Norbail immobilier, crédit-bailleur, et la société L'Envol, crédit-preneur, en cas de destruction totale de l'immeuble loué, le bailleur, lorsque la reconstruction à l'identique est possible, « s'oblige à reconstruire à l'identique le bien loué et en conséquence, encaissera, la ou les indemnités représentatives dudit bien » et le preneur devra continuer à payer loyer convenu et « devra supporter la totalité de l'exécution du coût des travaux de reconstruction dans le cas où l'indemnité d'assurance nette de tous impôts et taxes présent ou à venir serait insuffisante, et ceci, en contrepartie de l'entière responsabilité qu'il assume dans les déclarations des valeur assurés, comme il est dit précédemment » ; qu'en retenant néanmoins que la reconstruction à l'identique demandée par la société L'Envol était contractuellement conditionnée par un accord préalable tripartite entre le preneur, le bailleur et l'assureur, la cour d'appel, qui a ajouté au contrat une condition qu'il ne comportait pas, a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a constaté que le contrat stipulait que, lorsque la reconstruction à l'identique du bien était possible, le bailleur s'obligeait à y procéder et encaisserait, en conséquence, l'indemnité d'assurance, tandis que le preneur, qui devait continuer à payer le loyer convenu, devait supporter la totalité de l'exécution du coût des travaux de reconstruction dans le cas où l'indemnité d'assurance était insuffisante.

8. Elle a relevé que, alors qu'il résultait de ces stipulations que le crédit-bailleur ne devait pas supporter de coûts supérieurs au montant de l'indemnité d'assurance, la société L'Envol n'avait jamais manifesté son accord pour la prise en charge de la totalité du coût de la reconstruction en cas d'insuffisance de l'indemnité d'assurance, puisqu'elle exigeait la reconstruction sans contrepartie.

9. Elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande de reconstruction à l'identique et de financement par la société Norbail immobilier, présentée par la société L'Envol, devait être rejetée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La société L'Envol fait grief à l'arrêt de condamner la société Allianz IARD à lui payer la seule somme de 1 299 608 euros HT et de rejeter ses autres prétentions, alors :

« 1°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en déduisant de l'indemnité due par la société Allianz au titre de la reconstruction de l'immeuble sinistré une indemnité différée et en limitant la condamnation de l'assureur au versement de la seule somme de 1 299 608 euros HT sans donner aucune justification au rejet de la demande de la SCI L'Envol tendant au paiement de la totalité de l'indemnité de reconstruction due par l'assureur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de l'article 6.1.2 de la police « tout risques sauf » n° 46 263 880, « l'assureur réglera dans un premier temps, la valeur vétusté déduite au jour du sinistre des biens sinistrés ou détruits et le complément pour valeur à neuf, limité à 33 % de la valeur de reconstruction, sera versée après justification de son investissement » ; que la SCI L'envol sollicitait la condamnation de la société Allianz à lui verser l'indemnité de reconstruction de l'immeuble sinistré en totalité ; qu'en déduisant de l'indemnité due par la société Allianz au titre de la reconstruction de l'immeuble sinistré une indemnité différée, pour débouter ensuite purement et simplement la SCI L'Envol de sa demande en paiement de la totalité de l'indemnité dont le contrat prévoyait pourtant le paiement en cas de justification de l'investissement de l'indemnité principale, la cour d'appel qui a méconnu la force obligatoire du contrat d'assurance, a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a relevé que l'article 6.2.1 du contrat d'assurance stipulait que l'assureur réglerait dans un premier temps la valeur vétusté déduite au jour du sinistre des biens sinistrés ou détruits et que le complément pour valeur à neuf, limité à 33 % de la valeur de reconstruction, serait versé après justification de son investissement.

13. Ayant ainsi constaté que la police d'assurance prévoyait que le complément pour valeur à neuf ne serait versé que sur justification de l'investissement et relevé que le montant proposé par l'assureur ne faisait pas l'objet de critiques particulières de la part de la société Norbail immobilier ou de la société L'Envol, la cour d'appel, qui a motivé sa décision, en a exactement déduit, que, à défaut de justification de l'investissement de l'indemnité d'assurance dans la reconstruction de l'immeuble détruit, la société L'Envol n'avait pas droit au paiement de l'indemnité différée.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société L'Envol aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

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