lundi 20 mars 2017

Un coauteur fautif est sans recours contre un coobligé tenu uniquement sur le fondement d'une responsabilité sans faute

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 2 mars 2017
N° de pourvoi: 16-13.817
Non publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2016), qu'à la suite de la détection le 17 décembre 2009 de signes d'échauffement du boîtier électrique posé en façade de l'immeuble en copropriété du 100 rue Gambetta à Reims, la société Electricité réseau distribution France (la société ERDF) a confié, le même jour, à la société Screg Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Est, des travaux de terrassement sur la voirie afin de rechercher la cause de la panne sur le réseau électrique enterré ; que lors des travaux, le godet de la mini-pelle de la société Screg Est a arraché un branchement de gaz situé sous le trottoir, déclenchant un incendie qui a endommagé l'immeuble ; qu'après expertise, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 100 rue Gambetta à Reims (le syndicat des copropriétaires) et son assureur, la société Allianz IARD, subrogée dans ses droits, ont assigné les sociétés Colas Est, ERDF et Gaz réseau distribution France (GRDF) en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que la société ERDF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 février 2014, rectifié le 5 juin 2014, ayant condamné in solidum la société Colas Est et la société ERDF à payer à la société Allianz IARD la somme de 240 816,11 euros, outre la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au syndicat des copropriétaires la somme de 15 788,27 euros, et dit que la société Colas Est et la société ERDF devront se garantir mutuellement à hauteur de leur pourcentage respectif de responsabilité (60 et 40 %), et condamné la société ERDF à rembourser à la société Colas Est certaines sommes à hauteur de 40 %, alors, selon le moyen, qu' à supposer même que la motivation de l'arrêt sur les demandes en garantie de la société Colas Est contre la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du code civil, puisse être regardée comme opposable aux propres conclusions de la société ERDF invoquant la responsabilité de la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, à défaut pour elle « de justifier d'un cas de force majeure », - en déduisant des seules constatations suivantes que « la société GRDF soulève à juste titre la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardien du gaz, l'accident provoqué par la société Screg Est dans les conditions susvisées (à savoir, selon l'arrêt, l'arrachement par le godet d'une mini-pelle d'une conduite de gaz sous la voie non signalée au cours des travaux de creusement d'une tranchée en vue de réparer le désordre sur les conduites d'alimentation d'électricité), - sans qu'elle n'ait été avisée du creusement de la tranchée et sans interruption des travaux après la découverte de la canalisation par les salariés de la société Screg Est constituant une circonstance imprévisible et irrésistible exonératoire », - la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé, alors que le gardien d'une chose responsable du dommage causé par celle-ci doit, pour s'exonérer entièrement de la responsabilité par lui encouru, prouver qu'il a été dans l'impossibilité d'éviter le dommage, compte tenu de toutes les précautions possibles que la prévisibilité de l'événement rendait nécessaire, tel en l'espèce le risque de choc de la canalisation de gaz enterrée au cours de travaux entrepris sur les canalisations existantes voisines ; que l'arrêt constate bien que le godet a arraché « une conduite de gaz non signalée distribuant du gaz de ville … jusqu'à un coffret de détente …» , que « la canalisation était enfouie au droit de la bordure du trottoir … », qu'à défaut d'avoir pris aucune précaution telle la pose d'un organe de protection ou d'un grillage avertisseur, même si ces dispositifs n'étaient pas règlementairement obligatoires, afin d'éviter les risques d'arrachement prévisibles du fait de l'intervention ou de réparation sur d'autres ouvrages souterrains, l'accident en cause ne peut être regardé, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, comme « constituant (pour la société GRDF) un caractère imprévisible et irrésistible » ;

Mais attendu, d'abord, qu'en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société ERDF, in solidum avec la société Colas Est, au paiement de diverses sommes, au bénéfice du syndicat des copropriétaires et de la société Allianz IARD, le moyen est irrecevable, en l'absence de corrélation entre le chef de dispositif critiqué et le moyen proprement dit qui reproche à l'arrêt d'avoir écarté la présomption de responsabilité pesant sur la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;

Attendu, ensuite, qu'un coauteur fautif est sans recours contre un coobligé tenu uniquement sur le fondement d'une responsabilité sans faute ; que la cour d'appel a relevé, sans être critiquée de ce chef, que la société ERDF avait commis une faute à l'origine du sinistre et qu'il n'était pas établi que la société GRDF en avait commis une au regard de la réglementation applicable ; qu'il en résulte que la société GRDF ne pouvait être tenue de contribuer à la dette, peu important que sa responsabilité soit engagée en sa qualité de gardienne du branchement de gaz litigieux ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué en tant que de besoin à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen à laquelle la société ERDF a déclaré renoncer :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Electricité réseau distribution France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Allianz IARD la somme de 1 500 euros, à la société Colas Est celle de 1 500 euros et à la société Gaz réseau distribution France celle de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;


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