chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 19-12.182
Non publié au bulletin Rejet
M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP L. Poulet-Odent, SCP Zribi et Texier, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mars 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 174 F-D
Pourvoi n° J 19-12.182
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020
La société ES1, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-12.182 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société CEL France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société SMA France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Solais, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Soprasolar, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Solardis,
6°/ à la société Velec industriel, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société ES1, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Solais, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société CEL France, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société SMA France, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Velec industriel, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 décembre 2018), en 2011, la société ES1 a confié à la société Solais une mission de maîtrise d'oeuvre pour l'édification d'une centrale photovoltaïque. Les travaux de construction fourniture, pose et automatisation des cellules HTA et les raccordements divers ont été confiés à la société Velec industriel (la société Velec), la pose des onduleurs et la mise en service du monitoring du poste HTA a été sous-traitée à la société Cel France. La société Solardis chargée de la fourniture des onduleurs et divers accessoires périphériques s'est approvisionnée auprès de la société SMA France. La société Orange a été chargée de fournir une box et les lignes téléphoniques pour la commande à distance des installations par ERDF.
2. La société ES1, se plaignant d'une cessation sans alerte du fonctionnement de la centrale, entre le 15 avril et le 9 mai 2012, d'une perte de production d'énergie et d'un préjudice financier, a assigné en indemnisation la société Velec, qui a appelé en garantie les sociétés Solais, SMA France, Cel France, Solardis et Orange.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. La société ES1 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Velec à lui payer la somme de 141 800 euros au titre de la perte de production d'énergie et celle de 10 000 euros au titre du préjudice résultant de sa résistance abusive, alors :
« 1°/ que tenu par les termes du litige, le juge doit tenir pour établi le fait admis par les parties ; qu'il ressortait des écritures convergentes des sociétés ES1, Solardis, Solais, Orange, SMA et CEL France qu'à l'issue de la réunion du 4 avril 2012, la société Velec aurait dû avoir procédé au paramétrage des systèmes d'alerte, ce que la société Velec ne contestait pas ; qu'en estimant que la réunion du 4 avril n'était qu'une étape en vue de la réception des travaux, quand il était admis qu'elle avait pour objet la mise en service, et donc la livraison, des systèmes d'alerte, lesquels étaient censés remplir leurs fonctions à compter de cette date, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que tout désordre survenant entre la livraison et la réception doit donner lieu à réparation ; qu'en énonçant que, dans les rapports entre le maître de l'ouvrage et le constructeur, seule compte la réception des travaux, quand il lui appartenait de rechercher la date de livraison des systèmes de surveillance et de contrôle à distance, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ à tout le moins, que lorsque le devis ne mentionne aucun délai d'exécution, l'entrepreneur doit effectuer les travaux dans un délai raisonnable dont le point de départ est la date du devis ; qu'après avoir constaté que le devis signé par la société ES1 ne comporte aucune précision quant à la date de livraison d'une installation opérationnelle, la cour d'appel ne pouvait se dispenser, sauf à priver sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable, de rechercher la date de livraison raisonnable qui s'imposait à la société Velec industriel ;
4°/ que l'entrepreneur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le comportement du maître de l'ouvrage que si, et dans la mesure où, celui-ci est fautif ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que la société ES1 a choisi de mettre en service le raccordement de la centrale au réseau public sans que l'ensemble des ouvrage ne soit reçu, s'exposant à d'éventuels dysfonctionnements, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à établir la faute du maître de l'ouvrage, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable ;
5°/ que la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; que faute de constater que le comportement de la société ES1 serait la cause exclusive de son dommage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a constaté que le devis de la société Velec, accepté le 22 septembre 2011, ne portait aucune mention de date de mise en service, d'échéance prédéterminée ou de la nécessité de livrer une installation opérationnelle avant une quelconque date.
5. Elle a donc pu retenir, sans modifier l'objet du litige ni être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, d'une part, que la réunion du 4 avril 2012, qui était destinée à vérifier la fonctionnalité des serveurs et au cours de laquelle avait été constatée l'absence de configuration des adresses électroniques du maître d'ouvrage pour l'envoi des alarmes, n'était qu'une étape en vue de la réception des travaux, d'autre part, que la distinction opérée par le maître de l'ouvrage entre l'achèvement de l'installation permettant le raccordement au réseau et la livraison de l'installation complète était inopérante, la première notion ne régissant que les rapports entre le producteur d'électricité et l'acheteur et n'ayant pas vocation à s'appliquer aux relations entre le maître de l'ouvrage et le constructeur dans lesquelles seule compte la réception des travaux.
6. Elle a déduit à bon droit, de ces seuls motifs, que la société Velec n'était pas tenue de l'obligation de livrer un système en état de marche avant la date de réception des travaux, le 28 juin 2012, de sorte que sa responsabilité n'était pas engagée pour le dysfonctionnement survenu à compter du 15 avril 2012.
7. La cour d'appel a donc légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ES1 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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