Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 19-13.024
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Foussard et Froger, SCP L. Poulet-Odent, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mars 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 168 FS-D
Pourvoi n° Z 19-13.024
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020
1°/ M. G... F...,
2°/ Mme X... R..., épouse F...,
domiciliés tous deux [...]
ont formé le pourvoi n° Z 19-13.024 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Sagena,
2°/ à M. S... J..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur de M. A... B... ,
3°/ à M. O... K..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. A... B... en remplacement de M. D... M... ,
4°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme F..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société SMA, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. J..., ès qualités, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-27.671), la société [...] (la société EGN), dont le gérant est M. K..., et M. et Mme F... ont conclu un contrat de construction de maison individuelle.
2. Les plans utilisés pour la demande de permis de construire ont été validés par M. B..., architecte.
3. La société Sagena a établi une attestation aux termes de laquelle elle déclarait assurer la société EGN au titre de la garantie décennale et de la responsabilité professionnelle.
4. Les travaux n'ayant pas été terminés et des malfaçons étant apparues, M. et Mme F... ont, après expertise, assigné la société Sagena, la société EGN, M. K... et le liquidateur de M. B... en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de juger qu'il n'y avait pas eu de réception tacite et de rejeter en conséquence la demande dirigée contre la société Sagena au titre de l'assurance décennale, alors « que la prise de possession de l'ouvrage et le paiement du prix font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves ; qu'en décidant que la preuve de la volonté non équivoque des époux F... n'était pas rapportée, quand elle constatait qu'ils avaient pris possession des lieux et payer le prix, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792-6 du code. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a retenu qu'il résultait de leurs propres pièces que M. et Mme F... n'avaient pas entendu accepter l'ouvrage dans l'état dans lequel il se trouvait à la date de l'abandon du chantier, que, dans une lettre du 21 novembre 2006, ils avaient mis en demeure M. K... de reprendre immédiatement les travaux et communiqué cette mise en demeure à l'assureur, que, le 4 décembre 2006, ils avaient fait constater par huissier de justice les nombreuses malfaçons relevées sur le chantier, que, le 19 décembre 2006, ils avaient adressé à M. K... la lettre recommandée avec demande d'avis de réception suivante : « Nous sommes stupéfaits et scandalisés de recevoir à la place du relevé précis de la situation des travaux que vous avez commencés dans notre maison de Saint Pair sur Mer, une réclamation financière alors même que nous avons d'ores et déjà réglé des travaux non exécutés. Ainsi et notamment nous avons réglé la charpente et la couverture de l'abri de jardin, la dalle spéciale pour plancher chauffant et les dalles de béton, l'électricité, le ravalement extérieur, la plomberie, le chauffage (chaudière, radiateurs et mise en service), les revêtements des sols, la peinture, les sanitaires, la menuiserie (escalier, volets, vitres...), les portails, les raccordements généraux, les gouttières... Compte tenu du différend qui nous oppose et sur lequel vous ne paraissez pas manifester la moindre bonne volonté de clarifier la situation, nous voulons néanmoins une dernière fois poursuivre dans une ultime démarche amiable et nous vous proposons de nous rencontrer conjointement au tribunal d'instance. Par ailleurs et d'ici là je vous demande de nous faire connaître le nom de la compagnie d'assurance auprès de laquelle vous avez souscrit la dommage ouvrage qui nous est due de par la loi et que vous nous devez de part les dispositions contractuelles en date du 5 janvier 2005 » et que, sans réponse à leur demande, ils avaient assigné les parties concernées en référé expertise, avant de faire réaliser les travaux prescrits par l'expert judiciaire et d'entrer dans les lieux le 1er janvier 2009, ce dont il résultait que M. et Mme F... avaient contesté la qualité des travaux.
7. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la volonté des maîtres de l'ouvrage de ne pas recevoir les travaux, a pu en déduire l'absence de réception tacite.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de rejeter la demande en réparation dirigée contre la société Sagena, alors « qu'il résulte de l'article L. 111-28 du code de la construction et de l'habitation que c'est lors de l'ouverture du chantier que la personne dont la responsabilité décennale peut être engagée doit justifier avoir souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité ; qu'il en résulte que le contrat de construction peut être résilié par le maître de l'ouvrage, si au jour de l'ouverture du chantier, l'entreprise n'est pas en mesure de justifier de la souscription d'une assurance ; qu'en retenant, pour écarter le lien de causalité entre la faute de l'assureur et les préjudices invoqués par les époux F..., qu'« la date de délivrance de l'attestation litigieuse le 19 août 2005, les époux F... étaient contractuellement engagés depuis plusieurs mois », quand ils disposaient de la faculté de résilier le contrat qui les liait à la société EGN, à raison de la non souscription d'assurance, au moins jusqu'à l'ouverture du chantier, le 25 août 2005, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
10. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
11. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Sagena, l'arrêt retient qu'en remettant aux maîtres de l'ouvrage une attestation ne faisant pas état de la condition de paiement de la prime affectant la prise d'effet des garanties, l'assureur avait commis une faute engageant sa responsabilité, mais que, M. et Mme F... étant, à la date de délivrance de l'attestation litigieuse le 19 août 2005, déjà contractuellement engagés depuis plusieurs mois vis-à-vis de la société EGN et de la banque, qui finançait leur projet, la découverte en temps utile du défaut d'assurance décennale de la société EGN ne leur aurait pas permis de remettre en cause leur engagement en poursuivant la résiliation du contrat de construction et qu'il n'existait pas de lien de cause à effet entre la faute de l'assureur et le préjudice subi par M. et Mme F... du fait de l'inachèvement des travaux et des malfaçons affectant les travaux exécutés.
12. En statuant ainsi, alors qu'en application de l'article L. 111-28 du code de la construction et de l'habitation, M. et Mme F... disposaient de la faculté de résilier le contrat qui les liait à la société EGN, en raison de la non-souscription d'assurance à l'ouverture du chantier, le 25 août 2005, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Demande de mise hors de cause
13. Il y a lieu de mettre hors de cause le liquidateur de M. B..., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Met hors de cause le liquidateur de M. B... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Sagena, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Sagena aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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