mardi 10 mars 2020

Assurance construction et garantie décennale au rapport annuel de la Cour de cassation pour 2018

C. Droit immobilier, environnement et urbanisme

1. Construction

a. Assurance construction

Assurance responsabilité – Caractère obligatoire – Travaux de bâtiment – Garantie – Étendue – Secteur d’activité déclaré par l’assuré 

3e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi no 17-23.741 publié au Bulletin, rapport de M. Pronier et avis de M. Brun 

La cour d’appel qui relève qu’une entreprise avait souscrit un contrat d’assurance garantissant uniquement les travaux de techniques courantes correspondant aux activités déclarées de gros œuvre, plâtrerie-cloisons sèches, charpentes et ossature bois, couverture-zinguerie, plomberie-installation sanitaire, menuiserie-PVC et que le maître de l’ouvrage avait conclu avec elle un contrat de construction de maison individuelle en déduit à bon droit que, l’activité construction de maison individuelle n’ayant pas été déclarée, les demandes en garantie formées par ce dernier contre l’assureur doivent être rejetées. 

La Cour de cassation a affirmé le principe selon lequel la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur.

Cette solution a été réitérée à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’il a été jugé qu’une déclaration d’activité de couverture-zinguerie ne saurait permettre de garantir une activité portant sur des « travaux courants de charpente » (3e Civ., 17 décembre 2003, pourvoi no 01-12.259, Bull. 2003, III, no 235), que l’activité déclarée de fumisterie ne peut permettre de garantir une activité de plâtrerie (3e Civ., 17 décembre 2003, pourvoi no 01-12.291, Bull. 2003, III, no 235), que des travaux de réfection et surélévation de digue ne peuvent être garantis au titre de la garantie souscrite pour des travaux de voirie et réseau divers (VRD), que l’activité de maçon déclarée par un entrepreneur à son assureur de responsabilité ne comprend pas celle de couvreur (3e Civ., 8 novembre 2006, pourvoi no 04-18.145, Bull. 2006, III, no 218), que l’activité de constructeur de maisons individuelles inclut la réalisation de travaux selon marchés, qui est dès lors couverte par la garantie de l’assureur de responsabilité à qui l’entrepreneur a déclaré l’activité de constructeur de maisons individuelles (3e Civ., 21 janvier 2015, pourvoi no 13-25.268, Bull. 2015, III, no 5), que l’activité de travaux de maçonnerie générale, déclarée par un entrepreneur à son assureur, inclut la pose de carrelage (3e Civ., 28 février 2018, pourvoi no 17-13.618, publié au Bulletin).

Ce qui compte, c’est l’objet de l’activité.

Ainsi, un assureur ne peut refuser à un constructeur la garantie résultant d’un contrat d’assurance obligatoire en se fondant sur les modalités d’exécution de l’activité déclarée et non sur son objet (3e Civ., 10 septembre 2008, pourvoi no 07-14.884, Bull. 2008, III, no 126).

Dans l’espèce ici commentée, l’entrepreneur avait déclaré les activités de gros œuvre, plâtrerie-cloisons sèches, charpentes et ossature bois, couverture-zinguerie, plomberie-installation sanitaire, menuiserie, PVC. Ces activités englobaient-elles celle de constructeur de maison individuelle ?

La Cour de cassation répond par la négative en relevant que l’activité de construction de maison individuelle n’avait pas été déclarée. Cette solution peut a priori apparaître surprenante dès lors que les activités déclarées correspondaient à presque toutes les activités nécessaires à l’édification d’un immeuble. En réalité, cette solution est justifiée par la spécificité même du contrat de construction de maison individuelle.

L’objet de ce contrat est défini par l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation, selon lequel : « Toute personne qui se charge de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage d’après un plan qu’elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l’ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l’article L. 231-2. »

Il apparaît ainsi que le constructeur de maison individuelle, qui se charge de la construction d’un immeuble, peut n’intervenir que sur un plan administratif. Il est alors un constructeur non réalisateur, qui fait édifier l’immeuble par des sous-traitants. Ce recours à la sous-traitance est prévu et réglementé par l’article L. 231-13 du code de la construction et de l’habitation, qui impose la conclusion par écrit des contrats de sous-traitance avant tout commencement d’exécution des travaux, avec des mentions obligatoires portant notamment sur la désignation de la construction, ainsi que les nom et adresse du maître de l’ouvrage et de l’établissement qui apporte la garantie de livraison, la description des travaux, le prix convenu, le délai d’exécution des travaux et les modalités de règlement du prix.

Il apparaît ainsi que le risque que l’assureur doit prendre en compte au titre du contrat de construction de maison individuelle diffère de celui afférent au contrat par lequel un entrepreneur général s’engage à édifier un immeuble. En effet, le contrat de construction de maison individuelle implique, lorsque le constructeur n’est pas le réalisateur, le recours à la sous-traitance, ce qui multiplie les risques pouvant résulter de l’insolvabilité de chacun des sous-traitants. C’est la raison pour laquelle les contrats d’assurance de responsabilité décennale prévoient l’activité spécifique de construction de maison individuelle.

b. Garantie décennale

Architecte entrepreneur – Responsabilité – Responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage – Garantie décennale – Domaine d’application – Construction d’un ouvrage – Élément constitutif – Définition – Exclusion – Cas

3e Civ., 28 février 2018, pourvoi no 17-13.478, publié au Bulletin, rapport de M. Pronier et avis de M. Brun 

Ne constituent pas un élément constitutif d’un ouvrage relevant de l’article 1792 du code civil, en raison de leur modeste importance, sans incorporation de matériaux nouveaux à l’ouvrage, les travaux qui correspondent à une réparation limitée dans l’attente de l’inéluctable réfection complète d’une toiture à la vétusté manifeste. 

Le présent arrêt offre à la Cour de cassation l’occasion de préciser sa lecture des articles 1792 et suivants du code civil relatifs à la responsabilité décennale.

Ces textes s’inscrivent dans le chapitre III du titre VIII du code civil, intitulé « Du louage d’ouvrage et d’industrie ». Selon l’article 1787 du code civil, il y a contrat de louage d’ouvrage « lorsqu’on charge quelqu’un de faire un ouvrage ». L’expression « faire un ouvrage » signifie qu’il y a là un processus créatif.

Qu’est-ce qu’un ouvrage ?

L’ouvrage, c’est l’objet du contrat : une maison, un immeuble, une piscine… Mais cet ouvrage n’est qu’une entité réalisée par l’adjonction des éléments qui la composent. Par exemple, s’agissant d’une maison d’habitation, l’ouvrage sera constitué de fondations, murs, toiture, cuisine aménagée, salle de bains…

C’est précisément ce que dit l’article 1792 du code civil en distinguant entre les éléments constitutifs et les éléments d’équipement de l’ouvrage. Selon l’article 17922, les éléments constitutifs sont « les ouvrages » de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. « L’ouvrage » est ainsi constitué par la réunion « des ouvrages » qui le composent. Dès lors, il apparaît que la réalité physique qui domine est celle de ces ouvrages-composants.

Cette lecture des textes a conduit la Cour de cassation à juger (3e Civ., 12 juillet 1989, pourvoi no 88-10.037, Bull. 1989, III, no 161) que viole l’article 1792-6 du code civil, en ajoutant une condition qu’il ne comporte pas, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande d’un maître de l’ouvrage en réparation de malfaçons fondée sur la garantie décennale, retient que la construction de l’immeuble n’est pas terminée et que la réception ne peut intervenir que lorsque l’ouvrage est achevé.

La Cour en a déduit, d’une part, que l’achèvement de l’ouvrage n’était pas une des conditions nécessaires de la réception (3e Civ., 9 octobre 1991, pourvoi no 90-14.739, Bull. 1991, III, no 230 ; 3e Civ., 11 février 1998, pourvoi no 96-13.142, Bull. 1998, III, no 28), d’autre part, que la réception partielle par lots n’était pas prohibée par la loi (3e Civ., 21 juin 2011, pourvoi no 10-20.216), avant de définir l’objet même de la réception partielle en affirmant qu’il ne peut y avoir réception partielle à l’intérieur d’un même lot (3e Civ., 2 février 2017, pourvoi no 14-19.279, Bull. 2017, III, no 16 ; Rapport 2017, p. 219).

L’arrêt ici commenté précise la notion d’élément constitutif.

Le marché de travaux consistait en la mise en place d’une étanchéité dans des chéneaux par application de bandes de feutre bitumineux avec remises en état de descentes de polychlorure de vinyle (PVC) et en la remise en état de certaines vitres consistant en grattage et lavage de vitres, mises en place de bandes aluminium sur vitrages fêlés et remplacement de dix vitres armées.

Constatant « qu’en raison de leur modeste importance, sans incorporation de matériaux nouveaux à l’ouvrage, les travaux, qui correspondaient à une réparation limitée dans l’attente de l’inéluctable réfection complète d’une toiture à la vétusté manifeste, ne constituaient pas un élément constitutif de l’ouvrage », l’arrêt retient que la cour d’appel en a déduit, à bon droit, qu’il convenait d’écarter l’application du régime de responsabilité institué par l’article 1792 du code civil.

Les travaux qui portent sur une partie d’un élément constitutif ne constituent donc pas un ouvrage

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