mardi 15 février 2022

Les conséquences d'un empiètement

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 148 F-D

Pourvoi n° S 18-22.926







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [S] [U], domicilié [Adresse 7], a formé le pourvoi n° S 18-22.926 contre l'arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 7],

2°/ à M. [I] [R], domicilié [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [U], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [U] du désistement de son deuxième moyen.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 février 2018), MM. [G] et [U] sont propriétaires de parcelles contiguës.

3. Par acte du 26 août 2011, après dépôt du rapport d'une expertise ordonnée en référé à sa demande, et sur le fondement d'un procès-verbal de bornage établi le 9 juillet 1993 par M. [R], géomètre, M. [G] a assigné M. [U] en réparation d'un empiétement sur sa parcelle, résultant de travaux de terrassement réalisés par celui-ci.

4. En cause d'appel, M. [U] a appelé M. [R] en intervention forcée aux fins de garantie de toute condamnation qui pourrait éventuellement être prononcée à son encontre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de M. [R], alors « qu'il résulte des énonciations du jugement de première instance que le tribunal s'est, pour retenir l'authenticité des signatures contestées par M. [U], fondé sur les déclarations de M. [R] qui « a expliqué le déroulement de l'opération de bornage et a indiqué que les allégations de faux ne sont pas fondées » ; qu'en considérant qu'il n'existait pas d'évolution du litige née du jugement lui-même, la cour d'appel a violé les articles 334 et 555 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte du jugement du 5 février 2015 que, lors de son audition par le juge de la mise en état le 23 mai 2013, M. [R] avait expliqué le déroulement de l'opération de bornage et indiqué que les allégations de faux de M. [U] n'étaient pas fondées.

7. Dès lors, M. [U], qui avait eu connaissance de ce procès-verbal d'audition, était en mesure d'appeler M. [R] en intervention forcée avant même la clôture des débats en première instance.

8. La cour d'appel, qui en a souverainement déduit qu'aucune révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige, et caractérisant l'évolution de celui-ci au sens de l'article 555 du code de procédure civile, n'était établie, a pu accueillir la fin de non-recevoir invoquée.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. M. [U] fait grief à l'arrêt de retenir qu'il avait empiété sur la parcelle de M. [G] et de le condamner à payer à celui-ci une somme avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent se prononcer par des motifs hypothétiques ; qu'en émettant, pour les écarter, la supposition que les attestations datées de 2015, émanant de M. [V], entrepreneur ayant réalisé les travaux de remblai pour le compte de M. [G], aient été prérédigées et lui aient été présentées pour signature, tout en reconnaissant qu'elles confirmaient de précédentes attestations « circonstanciées » du même M. [V], la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges doivent motiver leur décision ; qu'en reprenant une hypothèse de l'expert selon laquelle le talus entre les deux fonds aurait été réalisé lors des travaux de viabilisation entrepris par M. [U], hypothèse ne relevant pas de sa mission telle que définie par l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 21 septembre 2007, et non fondée sur des constatations personnelles, sans examiner elle-même les éléments de preuve permettant d'écarter la participation de M. [G] à la réalisation de ce talus, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que M. [U] faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'une partie importante de la terre ayant constitué le talus, provenait de remblai effectué par M. [G] lui-même pour viabiliser son terrain, très en pente, et qu'il en résulte que la nécessité d'édifier un mur de soutènement avait également pour origine ces travaux ; qu'il a produit à cet égard diverses attestations ; qu'en se contentant de retenir que le lien de causalité entre les travaux réalisés par M. [U] sur la parcelle de M. [G] et la nécessité de construire un mur de soutènement était prouvé, pour mettre à la charge de M. [U] l'intégralité du coût de construction de ce mur, sans répondre aux conclusions faisant état d'une cause de la nécessité d'édifier un mur de soutènement, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; que M. [U] faisait valoir qu'il avait été de bonne foi lors du tracé de la route litigieuse, car il avait respecté les limitations du premier bornage établi par M. [R] en 1992 et n'empiétait pas sur la propriété de M. [G], mais que le géomètre avait déplacé les bornes séparatives postérieurement aux travaux ; que M. [U] produisait l'attestation de M. [V] corroborant ses dires ; qu'en se fondant, pour écarter l'argumentation de M. [U], sur les conclusions de M. [R], selon lesquelles il n'aurait commis aucune erreur lors du tracé des limites de propriété entre M. [U] et M. [G] et ne serait donc pas intervenu une seconde fois, cependant que l'appel en intervention forcée de M. [R] avait été déclaré irrecevable, ce dont il résultait que M. [R] n'était plus partie au procès, la cour d'appel s'est fondée sur des éléments qui n'étaient pas dans le débat, en violation de l'article 7 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, ayant analysé la valeur et la portée de l'ensemble des éléments produits devant elle, ainsi que des informations contradictoirement rassemblées par l'expert judiciaire, lequel avait reçu mission de préciser l'ampleur des travaux de viabilisation entrepris en limite des parcelles respectives et de chiffrer le coût de la remise en état des lieux en cas d'empiétement, la cour d'appel a, par une motivation qui n'est pas hypothétique, et en réponse aux conclusions prétendument délaissées, souverainement retenu que la cause des désordres résidait dans la réalisation par M. [U] d'une route empiétant sur la propriété de M. [G], le terrain existant ayant été décaissé et remanié par augmentation du volume de terre sans stabilisation.

12. Elle a pu déduire du lien de causalité, ainsi caractérisé, que M. [U] devrait seul prendre en charge le coût des travaux nécessaires à cette stabilisation, consistant en la construction d'un mur de soutènement.

13. En second lieu, abstraction faite du rappel surabondant des faits exposés dans les conclusions de M. [R], la cour d'appel a constaté l'existence de l'empiétement à l'examen de pièces qui étaient nécessairement dans les débats, tels le plan de partage annexé à un acte authentique des 5 juin et 4 décembre 2000, titre de propriété de M. [U] lui-même, et le procès-verbal de bornage du 9 juillet 1993.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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