mercredi 9 février 2022

Le non-respect des normes caractérisait un manquement aux règles de l'art, engageant la responsabilité contractuelle de l'entreprise

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 86 F-D

Pourvoi n° B 21-10.228




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

M. [H] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-10.228 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [P] [C],

2°/ à Mme [M] [T], épouse [C],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [S], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [C], après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2020), M. et Mme [C] ont confié à M. [S] des travaux d'isolation et de plâtrerie dans leur maison d'habitation.

2. Ces travaux ont été réceptionnés sans réserves.

3. Se plaignant de malfaçons, les maîtres de l'ouvrage ont, après expertise, assigné M. [S] en indemnisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme [C] diverses sommes au titre de la réparation des désordres constatés, du préjudice de jouissance lié aux malfaçons, du trouble de jouissance subi pendant la durée des travaux et des frais de relogement, alors :

« 1°/ qu'en l'absence de désordre, la méconnaissance d'un document technique unifié qui n'est pas entré dans le champ contractuel n'entraîne pas la responsabilité de l'entrepreneur ; que dans ses conclusions d'appel, M. [S] a soutenu que la conformité des travaux qu'il avait réalisés, et notamment l'épaisseur du plâtre mis en oeuvre, ne pouvait être appréciée au regard du DTU 25.1 car le marché n'était pas contractuellement soumis à ce DTU, et a critiqué ainsi le rapport de l'expert [J] qui avait retenu des « désordres de manque d'épaisseur du plâtre » alors que ce manque d'épaisseur n'avait en réalité causé aucun désordre ; que pour retenir la responsabilité de M. [S], la cour a estimé que les DTU étant considérés comme partie intégrante des règles de l'art, leur non-respect pouvait engager la responsabilité de l'entrepreneur même s'ils ne sont pas mentionnés dans les documents contractuels ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour a retenu l'existence d'un désordre résultant du manque d'épaisseur du plâtre mise en oeuvre par M. [S] et l'a condamné à payer aux époux [C] une indemnité correspondant au coût de la démolition et de reprise des travaux qu'il avait réalisés, en affirmant qu'il résultait du rapport d'expertise judiciaire qu'eu égard à l'importance du manque d'épaisseur et à sa généralisation à l'ensemble des plafonds et des cloisons de doublage, le plâtre ne remplissait pas sa fonction de régulation thermique et que cette appréciation était corroborée par les observations techniques de M. [L], expert sollicité par M. et Mme [C] rappelant que le plâtre était utilisé pour améliorer les qualités acoustiques, l'isolation thermique et la régulation hygrométrique de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, quand l'expert judiciaire avait seulement indiqué, en réponse à un dire, que « l'intérêt du plâtre est son volant de régulation hygrométrique. Sous une faïence. Cette fonction est de moindre utilité, et l'intérêt d'une mise en conformité serait ici d'un coût trop important », mais n'avait constaté en l'espèce aucun problème de régulation thermique qui aurait été causé par l'insuffisante épaisseur du plâtre, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

3°/ qu'à supposer qu'elle ait déduit l'existence d'un désordre des termes du rapport de M. [L], qui s'était borné à relever une insuffisante épaisseur du plâtre et à rappeler, par des considérations générales, les conséquences d'une épaisseur réduite, à savoir la diminution des qualités thermiques, acoustiques et hygrométriques des parois, sans pour autant constater l'existence d'un désordre affectant l'ouvrage de M. et Mme [C], la cour d'appel aurait également dénaturé cet écrit. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que M. et Mme [C] reprochaient deux types de malfaçons à M. [S], des défauts de planéité, des striures et des ondulations sur les murs et l'ensemble des plafonds provenant de fautes d'exécution de l'entrepreneur, et un manque d'épaisseur du plâtre sur les cloisons de doublage et les plafonds.

6. Elle a retenu que l'épaisseur insuffisante du plâtre sur les cloisons de doublage et les plafonds, inférieure aux normes du document technique unifié, constituait un manquement aux règles de l'art et que ce défaut empêchait le plâtre de remplir ses fonctions de régulation hygrométrique et d'isolation thermique et acoustique.

7. Elle a pu retenir, sans dénaturation des rapports de l'expert judiciaire et de l'expert amiable, qu'en présence d'un tel désordre, le non-respect des normes caractérisait un manquement aux règles de l'art, engageant la responsabilité contractuelle de l'entreprise.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à M. et Mme [C] la somme de 3 000 euros ;

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