Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-20.148
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300154
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 09 février 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 09 juillet 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 février 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 154 F-D
Pourvoi n° P 20-20.148
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022
1°/ l'entreprise de la Faveille, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [T] [K], domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 20-20.148 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige les opposant à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) Hauts-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La Safer Hauts-de-France a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de l'EARL de la Faveille et de M. [K], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la Safer Hauts-de-France, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 juillet 2020), par acte du 9 juillet 2004, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Flandres-Artois, aux droits de laquelle vient la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Hauts-de-France (la SAFER), a acquis diverses parcelles incluses dans un périmètre d'aménagement rural.
2. Par acte du 1er novembre 2005, la SAFER a consenti à l'EARL de la Faveille (l'EARL) une convention d'occupation provisoire d'une parcelle pour une durée d'un an. Cette convention, prévue afin de maintenir le bien en production pendant la période transitoire entre son acquisition et sa rétrocession, a été renouvelée chaque année pour une durée identique.
3. En 2008, cette parcelle a été mise en réserve foncière par la SAFER.
4. Par lettre du 26 juin 2017, la SAFER a notifié à l'EARL que la convention d'occupation provisoire conclue le 2 novembre 2016 prendrait fin à son échéance, le 31 octobre 2017.
5. Par requête du 4 août 2017, l'EARL a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d'un bail à ferme portant sur la parcelle mise à sa disposition et en indemnisation. M. [K], associé exploitant, est intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
6. La SAFER fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de l'EARL et de M. [K], alors « que l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui sanctionne une incompatibilité entre les prétentions successives d'une même partie ; qu'il ne saurait y avoir de contradiction entre une fin de non-recevoir proposée à titre principal et une défense au fond formulée à titre subsidiaire ; qu'en reprochant à la SAFER Hauts-de-France de s'être contredite en opposant, à titre principal, la prescription de l'action en requalification du bail au motif que le délai pour agir en requalification courait à compter de l'expiration de la période transitoire de cinq ans, avant de soutenir, à titre subsidiaire, que cette action était mal fondée dans la mesure où la SAFER avait obtenu une prorogation de la période transitoire, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui :
7. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification formée par les exploitants de la parcelle, l'arrêt retient que la SAFER ne pouvait, sans contrevenir à la bonne foi nécessaire à la conduite de toute procédure, soutenir, sur le fond, qu'elle était autorisée du fait d'une première prolongation du délai de cinq ans pour la période 2011-2016, puis d'une seconde prolongation pour la période 2016-2020, à consentir un bail dérogatoire au-delà du 17 octobre 2010, et opposer au preneur la prescription de l'action en requalification à compter de cette date.
8. En statuant ainsi, alors que les conclusions de la SAFER invoquaient, en premier lieu, une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et, à titre subsidiaire, son mal fondé au fond, et que la fin de non-recevoir et la défense au fond ont une nature différente, exclusive de toute contradiction entre elles, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation à intervenir sur le pourvoi incident entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif critiqués par le moyen du pourvoi principal se rapportant au mal fondé de la demande en requalification, au rejet de l'indemnisation des exploitants et à la libération de la parcelle.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne l'EARL de la Faveille et M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 février 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 154 F-D
Pourvoi n° P 20-20.148
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022
1°/ l'entreprise de la Faveille, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [T] [K], domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 20-20.148 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige les opposant à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) Hauts-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La Safer Hauts-de-France a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de l'EARL de la Faveille et de M. [K], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la Safer Hauts-de-France, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 juillet 2020), par acte du 9 juillet 2004, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Flandres-Artois, aux droits de laquelle vient la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Hauts-de-France (la SAFER), a acquis diverses parcelles incluses dans un périmètre d'aménagement rural.
2. Par acte du 1er novembre 2005, la SAFER a consenti à l'EARL de la Faveille (l'EARL) une convention d'occupation provisoire d'une parcelle pour une durée d'un an. Cette convention, prévue afin de maintenir le bien en production pendant la période transitoire entre son acquisition et sa rétrocession, a été renouvelée chaque année pour une durée identique.
3. En 2008, cette parcelle a été mise en réserve foncière par la SAFER.
4. Par lettre du 26 juin 2017, la SAFER a notifié à l'EARL que la convention d'occupation provisoire conclue le 2 novembre 2016 prendrait fin à son échéance, le 31 octobre 2017.
5. Par requête du 4 août 2017, l'EARL a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d'un bail à ferme portant sur la parcelle mise à sa disposition et en indemnisation. M. [K], associé exploitant, est intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
6. La SAFER fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de l'EARL et de M. [K], alors « que l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui sanctionne une incompatibilité entre les prétentions successives d'une même partie ; qu'il ne saurait y avoir de contradiction entre une fin de non-recevoir proposée à titre principal et une défense au fond formulée à titre subsidiaire ; qu'en reprochant à la SAFER Hauts-de-France de s'être contredite en opposant, à titre principal, la prescription de l'action en requalification du bail au motif que le délai pour agir en requalification courait à compter de l'expiration de la période transitoire de cinq ans, avant de soutenir, à titre subsidiaire, que cette action était mal fondée dans la mesure où la SAFER avait obtenu une prorogation de la période transitoire, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui :
7. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification formée par les exploitants de la parcelle, l'arrêt retient que la SAFER ne pouvait, sans contrevenir à la bonne foi nécessaire à la conduite de toute procédure, soutenir, sur le fond, qu'elle était autorisée du fait d'une première prolongation du délai de cinq ans pour la période 2011-2016, puis d'une seconde prolongation pour la période 2016-2020, à consentir un bail dérogatoire au-delà du 17 octobre 2010, et opposer au preneur la prescription de l'action en requalification à compter de cette date.
8. En statuant ainsi, alors que les conclusions de la SAFER invoquaient, en premier lieu, une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et, à titre subsidiaire, son mal fondé au fond, et que la fin de non-recevoir et la défense au fond ont une nature différente, exclusive de toute contradiction entre elles, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation à intervenir sur le pourvoi incident entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif critiqués par le moyen du pourvoi principal se rapportant au mal fondé de la demande en requalification, au rejet de l'indemnisation des exploitants et à la libération de la parcelle.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne l'EARL de la Faveille et M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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