lundi 7 février 2022

Modalités de mise en oeuvre de la responsabilité du syndic de copropriété

 Note C. Coutant-Lapalus, Loy.et copr., 2022-2, p. 23.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 novembre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 844 F-D

Pourvoi n° J 20-14.003




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021

1°/ Mme [T] [G], domiciliée [Adresse 9],

2°/ Mme [E] [O], épouse [W],

3°/ M. [M] [W],

domiciliés tous deux [Adresse 6],

4°/ Mme [L] [X], épouse [Y], domiciliée [Adresse 9],

5°/ la société AP, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ la société [L], société civile immobilière,

7°/ la société Agoi, société civile immobilière,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 9],
ont formé le pourvoi n° J 20-14.003 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :

1°/ à la société d'administration et de gestion (SAG), dont le siège est [Adresse 8],

2°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [D] [B],

4°/ à Mme [C] [B],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

5°/ à Mme [S] [K], veuve [A], domiciliée [Adresse 1],

6°/ à M. [N] [K], domicilié [Adresse 7],

7°/ à Mme [J] [P], épouse [K], domiciliée [Adresse 5], venant aux droits de [I] [K] décédé le 12 juin 2015,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes [G], [O], de M. [W], de Mme [X], de la société AP, de la société [L] et de la société Agoi, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société d'administration et de gestion, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 2019), se prévalant de ce que la société d'administration et de gestion (la SAG), syndic de la copropriété, avait irrégulièrement dispensé les lots, propriété de la société civile immobilière Renoir (la SCI Renoir), de contribuer aux frais de nettoyage des escaliers de l'immeuble, et ordonné des travaux excédant ceux votés lors de l'assemblée générale du 15 décembre 2010, Mme [G] et douze autres copropriétaires (les consorts [G]) l'ont assignée en indemnisation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y] et les sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts, formées contre la SAG, pour avoir exonéré la SCI Renoir de sa quote-part relative aux frais d'entretien de parties communes, alors :

« 1°/ que l'action engagée par les copropriétaires tendait à engager la responsabilité de la SAG à titre personnel et à obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts ; qu'elle était recevable, dès lors que la SAG était en cause, sans qu'il soit besoin d'appeler à la procédure la SCI RENOIR ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 14, 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ que les demandeurs n'avaient pas à mettre en cause la SCI RENOIR, peu important qu'au titre des moyens invoqués, et pour mettre en évidence la faute de la SAG, il y avait lieu de débattre sur le point de savoir si l'exclusion de la SCI RENOIR était légalement justifiée ou non ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a également été rendu en violation des articles 14, 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 du code de procédure civile et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

3. Aux termes du premier de ces textes, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, et du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

4. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les consorts [G] n'ont pas attrait la SCI Renoir à l'instance, alors que le procès est de nature à aggraver sa situation au regard des charges de copropriété qui devraient dorénavant lui être réclamées, sans qu'elle soit en mesure de faire valoir ses explications en défense, de sorte que le tribunal ne pouvait examiner la demande des copropriétaires et rechercher la responsabilité du syndic en l'absence de la SCI Renoir qui, n'ayant pas été mise en mesure de se défendre et de prouver qu'elle ne devait pas participer aux charges en cause, ne peut donc se voir appliquer une décision d'aggravation de sa quote-part des charges communes.

5. En statuant ainsi, alors que la SCI Renoir n'était pas liée par les effets de la décision à venir sur l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la SAG, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 14 du code de procédure civile et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

7. Aux termes du premier de ces textes, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, et du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

8. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre la SAG pour avoir exonéré la SCI Renoir de sa quote-part relative aux frais d'entretien de parties communes, l'arrêt retient, encore, que le syndicat des copropriétaires n'a pas été appelé en la cause, bien qu'il soit l'organe chargé de la conservation des parties communes, seul apte à représenter la copropriété en cas de litige concernant son fonctionnement interne, de sorte que le tribunal ne pouvait examiner la demande des copropriétaires et rechercher la responsabilité du syndic, qui prétend avoir respecté une décision s'imposant au syndicat des copropriétaires, en l'absence du syndicat.

9. En statuant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires n'était pas lié par les effets de la décision à venir sur l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la SAG, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y], et les sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts contre la SAG en raison de la mauvaise exécution de la décision de l'assemblée générale du 15 décembre 2010, alors « que le surcroît d'appel de charges lié à l'exécution défectueuse d'une délibération d'assemblée générale constitue un préjudice direct subi par chaque copropriétaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 17 et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

11. Selon le premier de ces textes, le syndic, seul responsable de sa gestion, est chargé d'assurer l'exécution des délibérations de l'assemblée générale.

12. Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

13. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les copropriétaires requérants ont reçu une contrepartie aux charges qu'ils ont payées puisque des travaux ont été faits dans la copropriété et que le tribunal a donc fait une erreur de droit en condamnant la SAG à réparer le dommage que les copropriétaires prétendent avoir individuellement subi par sa faute personnelle, en leur remboursant l'équivalent de la quote-part de charges qu'ils estiment avoir payées indûment mais que, pour autant, ils ont accepté d'acquitter, car ainsi ils bénéficient cumulativement de la plus-value apportée par les travaux réglés et de la restitution d'une partie du montant desdits travaux, de sorte que leur demande tend à obtenir une double indemnisation du même dommage.

14. En statuant ainsi, alors que l'appel par le syndic de charges irrégulières constitue un préjudice actuel et direct, la cour d'appel a violé les textes susvisés.




PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts formées par Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y] et les sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi contre la société d'administration et de gestion, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société d'administration et de gestion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'administration et de gestion et la condamne à payer à Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y] et aux sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi la somme globale de 3 000 euros ;

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