mardi 15 novembre 2022

La maison vendue n'était pas raccordée à un réseau d'eau potable...

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 762 F-D

Pourvoi n° G 20-15.382




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2022

Mme [O] [G], domiciliée [Localité 7], a formé le pourvoi n° G 20-15.382 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Montpellier (3ème chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [H],

2°/ à Mme [K] [Z],

domiciliés tous deux [Adresse 4],

3°/ à M. [M] [L], domicilié [Adresse 3],

4°/ à M. [S] [R], domicilié [Adresse 1],

5°/ à M. [P] [N], domicilié [Adresse 9],

6°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Languedoc, dont le siège est [Adresse 5],

7°/ à la société SM immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [G], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [H] et de Mme [Z], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Languedoc, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [G] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [L], M. [R], M. [N] et la société SM immobilier.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 janvier 2020), par acte du 3 mars 2010, Mme [G] a vendu une maison d'habitation à M. [H] et Mme [Z].

3. Se plaignant de ce que Mme [G] leur avait dissimulé que la maison n'était pas alimentée en eau potable et ne disposait pas d'un réseau d'assainissement conforme, M. [H] et Mme [Z] l'ont assignée en nullité de la vente sur le fondement du dol et de la garantie des vices cachés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

5. Mme [G] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la vente et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors :

« 1°/ que seule la dissimulation volontaire d'une information peut constituer une réticence dolosive ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la venderesse avait dissimulé intentionnellement à ses acquéreurs les informations dont elle ne pouvait ignorer le caractère déterminant pour ces derniers, concernant le réseau d'eau potable, partant prononcer la nullité du contrat de vente, que les acquéreurs n'avaient pas été informés, préalablement à la vente, de l'absence de raccordement à l'eau potable de la maison, quand ce seul constat était insuffisant à caractériser l'élément intentionnel du dol, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au litige ;

2°/ que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il est déterminant du consentement du cocontractant ; que le caractère déterminant du dol s'apprécie in concreto, en la personne du cocontractant et au regard du contrat en cause et des conditions dans lesquelles il a été conclu ; qu'en se bornant, pour prononcer la nullité du contrat de vente, à affirmer, par pure pétition, que le raccordement au réseau d'eau potable constituait une condition substantielle pour tout acquéreur d'une maison d'habitation, sans rechercher si, pour les acquéreurs, l'absence de raccordement à l'eau potable de la maison était ou non déterminant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au litige ;

3°/ que Mme [G] faisait valoir, dans ses conclusions, que toutes les habitations hors du centre du village étaient alimentées par la Compagnie Bas-Rhône et qu'il suffisait de rajouter, pour un coût de 2 000 ou 3 000 €, une installation de filtrage pour rendre l'eau potable, ce dont les acquéreurs, habitant jusqu'alors dans le voisinage, étaient parfaitement au courant ; qu'elle produisait, à l'appui de ses dires, les attestations de deux voisins confirmant leur alimentation par la Compagnie Bas-Rhône et l'installation d'un système de filtrage rendant potable l'eau distribuée ; qu'en se bornant, pour retenir le caractère déterminant du dol, partant prononcer la nullité du contrat de vente, à affirmer, par pure pétition, que le raccordement au réseau d'eau potable constituait une condition substantielle pour tout acquéreur d'une maison d'habitation, sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que l'alimentation en eau potable pouvait être assurée par un simple système de filtration, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en retenant l'existence d'une réticence dolosive, faute pour la venderesse de démontrer avoir expressément donné aux acquéreurs avant la réitération de la vente, l'information relative à l'absence d'eau potable de l'habitation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1116 et 1315 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

6°/ que Mme [G] faisait valoir dans ses conclusions que les acquéreurs s'étaient installés dans la maison à compter du 1er janvier 2010, soit avant la signature de l'acte de vente, le 3 mars suivant, de sorte qu'ils ne pouvaient avoir ignoré que la maison n'était pas reliée au réseau communal d'eau potable mais seulement alimentée en eau non potable par la compagnie Bas-Rhône ; qu'elle a produit, à l'appui de ses dires, le contrat conclu par Mme [Z], édité le 29 mars 2010, avec la Compagnie Bas-Rhône, qui mentionnait expressément une date d'effet de prise du contrat au 1er janvier 2010 ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'une réticence dolosive, partant prononcer l'annulation de la vente, qu'aucun élément n'établissait que les acquéreurs aient occupé les lieux dès la première semaine de janvier 2010, soit avant la signature de l'acte authentique, sans rechercher s'il ne ressortait pas de la date de prise d'effet du contrat d'approvisionnement en eau la preuve de l'installation des acquéreurs dans l'immeuble avant la signature de l'acte d'acquisition, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Il est jugé que l'acquéreur d'une maison d'habitation, même située en zone rurale, est en droit de s'attendre à ce que celle-ci soit alimentée en eau potable (3e Civ., 10 février 1999, pourvoi n° 97-18.430).

7. La cour d'appel a constaté que l'acte de vente ne contenait aucune information quant à l'absence de raccordement à un réseau d'eau potable, alors que la maison n'était pas desservie par ce réseau, et que le certificat d'urbanisme ne permettait pas aux acquéreurs de déduire que la maison était dépourvue de toute eau potable.

8. Elle a souverainement retenu, d'une part, que la venderesse ne démontrait pas que les acquéreurs avaient pris possession du bien avant la signature de l'acte de vente ni qu'elle avait accompagné Mme [Z] à la compagnie du Bas-Rhône pour faire mettre le compteur à son nom, d'autre part, que le contrat en alimentation en eau brute destinée à l'irrigation, souscrit postérieurement, ne démontrait pas que les acquéreurs avaient été informés avant la vente et leur entrée dans l'immeuble de l'absence de raccordement à un réseau d'eau potable.

9. Elle a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve ni être tenue de procéder à une recherche ou de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que le défaut d'information des acquéreurs, au moment de la formation du contrat, sur l'absence d'alimentation du bien en eau potable s'analysait en une réticence dolosive.

10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. Mme [G] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que l'acte de vente mentionne expressément que l'assainissement « a fait l'objet d'un contrôle par le service d'assainissement par le service d'assainissement compétent (SPANC) en date du 3 septembre 2009 dont le rapport est demeuré ci-annexé après mention avec sa lettre d'accompagnement. Ce contrôle a conclu à un avis favorable. L'acquéreur déclare prendre acte de ce rapport » ; qu'en affirmant cependant, pour retenir l'existence d'une réticence dolosive, que Mme [G] n'avait pas informé les acquéreurs « de l'avis favorable partiel qui avait été rendu par le SPANC », la cour d'appel a encore dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente, en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3°/ que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il est déterminant du consentement du cocontractant ; que le caractère déterminant du dol s'apprécie in concreto, en la personne du cocontractant et au regard du contrat en cause et des conditions dans lesquelles il a été conclu ; qu'en se bornant à affirmer, pour prononcer la nullité du contrat de vente, que Madame [G] avait « dissimulé intentionnellement à ses acquéreurs des informations dont elle ne pouvait ignorer le caractère déterminant pour ces derniers, concernant (..) le système d'assainissement non collectif », sans rechercher ni constater que la conformité du système d'assainissement était une condition déterminante du consentement des acquéreurs, la cour d'appel a également privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au litige. »


Réponse de la Cour

12. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes de la lettre du SPANC du 8 septembre 2009, émettant un avis favorable partiel pour la partie non remblayée des travaux d'assainissement exigés à la suite d'un premier avis défavorable et l'exécution de travaux par Mme [G], que la cour d'appel a pu retenir que celle-ci, en n'informant pas ses acquéreurs d'une reprise partielle du système d'assainissement individuel ni de l'avis favorable partiel rendu par le SPANC, avait dissimulé une information déterminante du consentement des acquéreurs.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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