mercredi 9 novembre 2022

Incendie - responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2


LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1106 F-D

Pourvoi n° J 21-14.559








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022


1°/ la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société MMA Iard, société anonyme,

3°/ la société MMA Iard assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° J 21-14.559 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Douai (troisième chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est (Groupama Nord-Est), dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [L] et de la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est (Groupama Nord-Est), et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 janvier 2021), le 4 octobre 2008, un incendie est survenu dans un immeuble situé à Berck-sur-Mer, dont la gestion était confiée à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction (la société Sergic). L'immeuble n'était pas assuré au titre de la responsabilité incendie.

2. Une mesure d'expertise judiciaire sollicitée par le syndicat des copropriétaires et un certain nombre de copropriétaires a mis en évidence le rôle joué par le tube inox de l'insert installé par l'un des copropriétaires, M. [L].

3. M. [N] et Mme [C], copropriétaires et leur assureur, la société BPCE, ont assigné la société Sergic et ses assureurs, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles (les sociétés MMA), ainsi que M. [L] et son assureur, la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est Groupama Nord-Est (la société Crama du Nord-Est), devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Sergic et les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner M. [L] et la société Crama du Nord-Est à les garantir des condamnations mises à leur charge et à leur payer la somme de 29 322,46 euros et de les condamner solidairement à payer à cette société la somme de 199 652 euros de dommages-intérêts et à M. [L] la somme de 6 081 euros de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, alors « que seul s'applique l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, lorsqu'une chose provoque directement un incendie dans l'immeuble d'un tiers, l'article 1242, alinéa 2, ne s'appliquant que lorsque l'incendie est né dans un immeuble ou une chose avant de se communiquer à l'immeuble d'un tiers ; qu'en jugeant, après avoir exclu l'application de l'article 1384, devenu 1242, alinéa 2, du code civil, en retenant que l'incendie ne s'était pas propagé depuis l'appartement de M. [D] [L] mais avait pris naissance directement dans la muralière bois reposant sur les lambourdes constituant le plancher du grenier de l'immeuble, partie commune, que l'article 1384, devenu 1242, alinéa 1er, n'était pas non plus applicable, motif pris qu'il ne « régi[rait] pas les dommages nés d'un incendie », la cour d'appel a violé ce texte, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :

5. Aux termes de ce texte, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

6. L'arrêt constate qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'incendie n'a pas pris naissance dans l'appartement de M. [L], donné en location à Mme [M], qui avait allumé un feu dans l'insert installé par M. [L] en 1990, mais à hauteur de la muralière bois sur laquelle reposaient les lambourdes constituant la structure du plancher des combles, ceci par insuffisance de la garde au feu de 12 cm du fait de la disposition particulière intéressant les parties communes de l'immeuble à savoir la configuration de la cheminée maçonnée et de la charpente bois constituant le plancher des combles, et par dégradation de l'appareil maçonné de la cheminée qui, bien que tubée, a permis la transmission de la chaleur à plus de 200° C du tubinox, température suffisante pour favoriser la combustion du bois sec, que le feu a couvé pendant plusieurs heures et qu'il s'est généralisé à la totalité de la toiture à partir de l'inflammation des gaz chauds de pyrolyse dégagés dans les combles.

7. L'arrêt retient, qu'au vu de l'état descriptif de division, la muralière n'apparaît pas constituer une partie privative de l'appartement de M. [L] réservé à son usage exclusif et que l'article 1384, alinéa 2, ancien du code civil ne peut trouver application, non plus que l'article 1384, alinéa 1, du même code, qui avait été retenu à tort par le premier juge, alors qu'il ne régit pas les dommages nés d'un incendie.

8. En statuant ainsi, alors que l'article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2, du code civil n'exclut pas l'application de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er , du même code, en cas d'incendie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. [L] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est et M. [L] et les condamne à payer à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, la somme globale de 3 000 euros ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.