mercredi 9 novembre 2022

Obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1103 F-D

Pourvoi n° F 20-20.808






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022

La société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-20.808 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Liatech, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Liatech, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 mai 2020) rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-16.528) et les productions, la société Decojus, se plaignant de dysfonctionnements affectant une ligne de conditionnement qui lui avait été fournie par la société Liatech, a assigné cette dernière le 16 juin 2014 en réparation de ses préjudices, ainsi que la société Allianz, son assureur au titre de la garantie « responsabilité civile » (l'assureur).

2.L'assureur a soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie exercée par la société Liatech.

Examen des moyens

Examen du premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il devra garantir son assurée, de le condamner à payer à cette dernière la somme de 144 253,98 euros et de débouter les parties de leurs autres demandes alors « que, d'une part, le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé qu'il ressort des conclusions rédigées par l'assureur le 14 juin 2016, produites par la société Liatech sous le numéro 22, que la société Liatech avait effectivement notifié à l'assureur le 23 mai 2016 des conclusions tendant à obtenir sa garantie dans l'hypothèse où elle serait condamnée ; qu'en statuant de la sorte, tandis que dans ses conclusions du 14 juin 2016, l'assureur faisait valoir que dans ses conclusions de première instance du 23 mai 2016, la société Liatech ne formait aucune demande à son encontre, la cour a dénaturé les conclusions de l'assureur du 14 juin 2016 et méconnu le principe précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

4. Pour déclarer non prescrite la demande de garantie formée par la société Liatech contre son assureur, après avoir relevé que, cette action ayant pour cause le recours d'un tiers, la société Decojus, les parties s'accordent sur le point de départ de la prescription biennale qui est l'assignation du 16 juin 2014, l'arrêt énonce que si la lecture du jugement du tribunal de commerce du 31 octobre 2016 ne permet pas de connaître de manière certaine la date des premières conclusions formulant cette demande de garantie, il ressort en revanche des conclusions rédigées en première instance par l'assureur le 14 juin 2016 que la société Liatech lui a, ainsi qu'elle le soutient, notifié le 23 mai 2016 des conclusions tendant à obtenir sa garantie, dans l'hypothèse où elle serait condamnée.

5. L'arrêt en déduit que la prescription biennale a été interrompue par ces conclusions.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des conclusions du 14 juin 2016 que l'assureur y faisait valoir que la société Liatech ne formait aucune demande à son encontre, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Liatech aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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