Note, A. Vignon-Barrault, SJ G 2022, p. 2145.
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-13.670
- ECLI:FR:CCASS:2022:C201001
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 15 septembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 09 février 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 septembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1001 F-B
Pourvoi n° T 21-13.670
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 SEPTEMBRE 2022
Mme [O] [P], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 21-13.670 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Banque populaire des Alpes,
2°/ à la société Allianz vie, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits des sociétés AGF vie et AGF Iart,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [P], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz vie, venant aux droits des sociétés AGF vie et AGF Iart, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, venant aux droits de la société Banque populaire des Alpes, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 février 2021), le 16 novembre 2006, la société Banque populaire des Alpes devenue Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la banque), a consenti à Mme [P] deux prêts immobiliers.
2. Afin de garantir le remboursement de ces prêts en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d'incapacité de travail, Mme [P] a adhéré à une assurance de groupe auprès de la société AGF, aux droits de laquelle est venue la société Allianz vie (l'assureur), et a déclaré dans le questionnaire de santé qu'elle suivait un traitement médical depuis 15 ans.
3. Le 31 août 2015, elle a été placée en arrêt de travail en raison de l'évolution défavorable de sa maladie et a sollicité le bénéfice de la garantie incapacité de travail.
4. Le 8 juin 2016, après avoir fait réaliser une expertise médicale, l'assureur a informé Mme [P] de son refus de prise en charge du sinistre, en raison d'une clause contractuelle excluant « les suites médicales ou conséquences d'antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d'adhésion ».
5. Le 12 juillet 2017, Mme [P] a assigné notamment l'assureur et la banque, aux fins de condamnation, à titre principal, de l'assureur au paiement de l'indemnité contractuelle en raison de l'inopposabilité à l'assurée de la clause d'exclusion, et à titre subsidiaire, de la banque au paiement d'une somme équivalente pour manquement à son obligation d'information et de conseil.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Recevabilité du moyen, contestée par la défense
7. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est contraire à l'argumentation développée par Mme [P] devant les juges du fond, dès lors qu'elle sollicitait l'allocation d'une somme correspondant à l'intégralité de l'indemnité d'assurance qu'elle aurait perçue si la garantie de l'assureur avait été applicable, ce qui correspondait à un gain manqué et non à une perte de chance.
8. Cependant, dans ses conclusions d'appel, Mme [P] ne remettait pas en cause le principe de l'indemnisation d'une perte de chance mais en discutait seulement le mode de calcul.
9. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Enoncé du moyen
10. Mme [P] fait grief à l'arrêt de la débouter de son action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir d'information et de conseil, alors « que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, d'où il résulte que toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ; que la cour d'appel qui a constaté que la banque avait manqué à son devoir d'information et de conseil envers l'assurée et ne l'avait pas éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, l'a néanmoins déboutée de toute demande de réparation, aux motifs que Mme [P] ne démontre pas que mieux informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre assureur la garantie exclue par le contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu l'article 1217 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147, devenu 1217, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
11. Il résulte de ce texte que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur.
12. Le préjudice résultant de ce manquement s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.
13. Pour débouter Mme [P] de ses prétentions contre la banque, l'arrêt, après avoir retenu la faute de la banque, énonce que le préjudice pouvant résulter de cette faute est une perte de chance dont la preuve incombe à celui qui s'en prévaut, que Mme [P] se contente d'invoquer l'existence de la convention Areas sans fournir d'éléments sur l'application éventuelle de cette convention à sa situation personnelle et ne démontre pas que, plus complètement informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre la garantie exclue par le contrat.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a exigé de l'emprunteuse la preuve d'une perte de chance raisonnable, a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déboute Mme [P] de ses prétentions contre la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, par la société Allianz vie et celle formée par Mme [P] en ce qu'elle est dirigée contre la société Allianz vie, et condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 septembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1001 F-B
Pourvoi n° T 21-13.670
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 SEPTEMBRE 2022
Mme [O] [P], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 21-13.670 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Banque populaire des Alpes,
2°/ à la société Allianz vie, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits des sociétés AGF vie et AGF Iart,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [P], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz vie, venant aux droits des sociétés AGF vie et AGF Iart, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, venant aux droits de la société Banque populaire des Alpes, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 février 2021), le 16 novembre 2006, la société Banque populaire des Alpes devenue Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la banque), a consenti à Mme [P] deux prêts immobiliers.
2. Afin de garantir le remboursement de ces prêts en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d'incapacité de travail, Mme [P] a adhéré à une assurance de groupe auprès de la société AGF, aux droits de laquelle est venue la société Allianz vie (l'assureur), et a déclaré dans le questionnaire de santé qu'elle suivait un traitement médical depuis 15 ans.
3. Le 31 août 2015, elle a été placée en arrêt de travail en raison de l'évolution défavorable de sa maladie et a sollicité le bénéfice de la garantie incapacité de travail.
4. Le 8 juin 2016, après avoir fait réaliser une expertise médicale, l'assureur a informé Mme [P] de son refus de prise en charge du sinistre, en raison d'une clause contractuelle excluant « les suites médicales ou conséquences d'antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d'adhésion ».
5. Le 12 juillet 2017, Mme [P] a assigné notamment l'assureur et la banque, aux fins de condamnation, à titre principal, de l'assureur au paiement de l'indemnité contractuelle en raison de l'inopposabilité à l'assurée de la clause d'exclusion, et à titre subsidiaire, de la banque au paiement d'une somme équivalente pour manquement à son obligation d'information et de conseil.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Recevabilité du moyen, contestée par la défense
7. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est contraire à l'argumentation développée par Mme [P] devant les juges du fond, dès lors qu'elle sollicitait l'allocation d'une somme correspondant à l'intégralité de l'indemnité d'assurance qu'elle aurait perçue si la garantie de l'assureur avait été applicable, ce qui correspondait à un gain manqué et non à une perte de chance.
8. Cependant, dans ses conclusions d'appel, Mme [P] ne remettait pas en cause le principe de l'indemnisation d'une perte de chance mais en discutait seulement le mode de calcul.
9. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Enoncé du moyen
10. Mme [P] fait grief à l'arrêt de la débouter de son action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir d'information et de conseil, alors « que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, d'où il résulte que toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ; que la cour d'appel qui a constaté que la banque avait manqué à son devoir d'information et de conseil envers l'assurée et ne l'avait pas éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, l'a néanmoins déboutée de toute demande de réparation, aux motifs que Mme [P] ne démontre pas que mieux informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre assureur la garantie exclue par le contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu l'article 1217 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147, devenu 1217, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
11. Il résulte de ce texte que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur.
12. Le préjudice résultant de ce manquement s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.
13. Pour débouter Mme [P] de ses prétentions contre la banque, l'arrêt, après avoir retenu la faute de la banque, énonce que le préjudice pouvant résulter de cette faute est une perte de chance dont la preuve incombe à celui qui s'en prévaut, que Mme [P] se contente d'invoquer l'existence de la convention Areas sans fournir d'éléments sur l'application éventuelle de cette convention à sa situation personnelle et ne démontre pas que, plus complètement informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre la garantie exclue par le contrat.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a exigé de l'emprunteuse la preuve d'une perte de chance raisonnable, a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déboute Mme [P] de ses prétentions contre la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, par la société Allianz vie et celle formée par Mme [P] en ce qu'elle est dirigée contre la société Allianz vie, et condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.