lundi 21 novembre 2022

Clarification de l'opposition des obligations de moyens et de résultat

 Etude P. Stoffel-Munk, SJ G 2022, p. 1310, à propos de cass. n° 20-18.867, 20-19.439 et 20-18.732.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 365 FS-B

Pourvoi n° M 20-19.732



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

Mme [C] [U], domiciliée [Adresse 4],[Localité 1]x, a formé le pourvoi n° M 20-19.732 contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société Bayern Landes Pays Basque, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [U], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 février 2020), Mme [U] (le client), ayant acquis de M. [O] (le vendeur) un véhicule d'occasion présentant des pannes récurrentes, l'a confié à plusieurs reprises à la société Bayern Landes Pays Basque (le garagiste).

2. En raison de la persistance de dysfonctionnements et après la réalisation d'expertises, le vendeur a versé une indemnisation au client qui a ensuite assigné le garagiste en responsabilité et indemnisation.

3. Le garagiste a été condamné à payer au client différentes sommes au titre des travaux facturés, du préjudice de jouissance et des frais d'expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le client fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation du coût de la remise en état du véhicule, alors « que l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en déboutant Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état du véhicule, tout en constatant que les interventions de la société Bayern Landes Pays Basque n'ont pas été suffisantes pour diagnostiquer la cause exacte des pannes, puis pour en tirer les conséquences en procédant aux réparations adéquates, ce qui a causé des dépenses inutiles, sans remédier aux défauts, quand, si la réparation réalisée ne permet pas un emploi normal du véhicule, le garagiste doit supporter le coût de la remise en état du véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :

5. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

6. S'il a été précédemment mis à la charge du garagiste une obligation de résultat (1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 ; 1re Civ., 8 décembre 1998 , pourvoi n° 94-11.848, Bull.1998, I, n° 343) et une responsabilité de plein droit (1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-18.350, Bull. 2008, I, n° 94 ; 1re Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.324, Bull. 2012, I, n° 227) et jugé que c'est l'obligation de résultat auquel le garagiste est tenu qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (1re Civ., 8 décembre 1998, précité ; 1re Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.717, Bull. 1197, I, n° 279), la référence à une telle obligation et un tel régime de responsabilité n'est pas justifiée dès lors qu'il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n'a pas été atteint, en prouvant qu'il n'a pas commis de faute (1re Civ., 2 février 1994, précité ; 1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 15-14.012). Il y a donc lieu d'opérer une telle clarification.

7. Pour rejeter la demande formée par le client au titre du coût de la remise en état du véhicule, l'arrêt retient que les désordres sont dus à un défaut d'entretien du vendeur, que les interventions du garagiste n'ont pas permis d'y mettre fin, ce qui a causé des dépenses inutiles, que le vendeur du véhicule a indemnisé l'acquéreur en concluant une transaction avec lui et que les défauts ne sont pas imputables aux défaillances du garagiste qui n'a manqué à ses obligations qu'en ce qu'il n'a pas su déceler le vice pour fournir les solutions adéquates.

8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [U] formée contre la société Bayern Landes Pays Basque au titre du coût de la remise en état du véhicule et renvoie les parties à procéder aux rétablissements de comptes résultant de l'infirmation partielle qui vaut titre de restitution, l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Bayern Landes Pays Basque aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bayern Landes Pays Basque à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme [U].

Madame [C] [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a imputé à la société Bayern Landes Pays Basque le préjudice de remise en état du moteur et, en conséquence, d'AVOIR renvoyé les parties à procéder aux rétablissements de comptes résultant de l'infirmation partielle qui vaut titre de restitution ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en déboutant Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état du véhicule, tout en constatant que les interventions de la société Bayern Landes Pays Basque n'ont pas été suffisantes pour diagnostiquer la cause exacte des pannes, puis pour en tirer les conséquences en procédant aux réparations adéquates, ce qui a causé des dépenses inutiles, sans remédier aux défauts, quand, si la réparation réalisée ne permet pas un emploi normal du véhicule, le garagiste doit supporter le coût de la remise en état du véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS DE SECONDE PART QUE les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en déboutant Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état du véhicule, au motif inopérant que Mme [U] avait déjà été indemnisée de ce chef de préjudice par son vendeur à un niveau qu'elle avait accepté dans le cadre d'une transaction conclue le 9 avril 2013, quand cette transaction ne peut pas lui être opposée par le garagiste, tiers à cette convention, pour s'exonérer de sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. ECLI:FR:CCASS:2022:C100365

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