mercredi 9 novembre 2022

Bâtiment dont la ruine a causé un dommage en raison d'un vice de construction ou du défaut d'entretien (article 1386, devenu 1244, du code civil)

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1109 F-D

Pourvoi n° C 21-16.692




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022

La société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.692 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [B] [Z], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la commune de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], représentée par son maire en exercice,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 mars 2021), M. [Z], assuré auprès de la société Pacifica, est propriétaire d'un ensemble immobilier sis à [Localité 4], en Isère.

2. Le mur de soutènement entourant cette propriété s'est effondré en causant un important glissement de terrain sur une voie communale, qui a dû être fermée à la circulation. Une expertise judiciaire a été ordonnée à la demande de la commune.

3. Celle-ci a ensuite saisi un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Pacifica fait grief à l'arrêt de condamner M. [Z] à faire réaliser à ses frais les travaux préconisés et décrits par l'expert judiciaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard, alors « que le propriétaire d'un ouvrage dont la ruine résultant d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien cause à autrui un dommage est exonéré s'il prouve que la ruine de l'ouvrage provient d'un événement de force majeure ; que dès lors que le vice de construction ou le défaut d'entretien provient d'un tiers, les juges du fond doivent rechercher si ce vice de construction ou ce défaut d'entretien présentait les caractère de la force majeure, et ainsi, pour exclure l'imprévisibilité, si le propriétaire en avait connaissance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la ruine du mur de soutènement résultait exclusivement de sa faiblesse structurelle, de la concentration en pied de mur des eaux de toiture et de surface et d'un défaut d'entretien et qu'il était
indifférent que les travaux qui avaient fortement contribué à la fragilisation du mur, à savoir la création d'un puits d'infiltration et le remblaiement au-dessus du mur, aient été réalisés par le précédent propriétaire, et que la cause du sinistre n'était ni imprévisible ni insurmontable en l'état d'ouvrages apparents concentrant les eaux de toiture et de surface en direction du mur de soutènement non pourvu de barbacanes dans sa partie effondrée ; qu'en se fondant ainsi, pour écarter la cause d'exonération tirée de la force majeure, sur le caractère apparent des ouvrages, sans rechercher si M. [Z] connaissait l'existence du vice de construction les affectant ou leur défaut d'entretien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ».

Réponse de la Cour

6. Le propriétaire d'un bâtiment dont la ruine a causé un dommage en raison d'un vice de construction ou du défaut d'entretien ne peut s'exonérer de la responsabilité de plein droit par lui encourue en vertu de l'article 1386, devenu 1244, du code civil que s'il prouve que ce dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

7. Pour retenir que la responsabilité de M. [Z] est engagée sur le fondement de cet article, l'arrêt expose que l'effondrement du mur soutenant les terres de celui-ci a pour origine exclusive la faiblesse structurelle de l'ouvrage, la concentration en pied de mur des eaux de toiture et de surface et un défaut d'entretien.

8. Il ajoute qu'il est indifférent que les travaux qui ont fortement contribué à la fragilisation du mur aient été réalisés par le précédent propriétaire de l'immeuble, dès lors que la responsabilité de plein droit de l'article 1386 du code civil est attachée à la propriété de l'ouvrage et n'exige pas la preuve rapportée d'une faute du propriétaire actuel, et que M. [Z] n'est pas fondé à invoquer l'existence d'un cas de force majeure exonératoire, dès lors que la cause du sinistre n'était ni imprévisible ni insurmontable en l'état d'ouvrages apparents concentrant les eaux de toiture et de surface en direction du mur de soutènement.

9. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Pacifica aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Pacifica et M. [Z] et condamne la société Pacifica à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000 euros ;

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