mercredi 16 novembre 2022

Proportionnalité de la démolition d’une construction édifiée en contravention aux stipulations du cahier des charges d’un lotissement

Note H. Périnet- Marquet, SJ G 2022, p. 1311. 

Lu sur le site de la Cour de cassation :

Proportionnalité de la démolition d’une construction édifiée en contravention aux stipulations du cahier des charges d’un lotissement

3E CIV., 13 JUILLET 2022, POURVOI N° 21-16.407, PUBLIÉ AU BULLETIN

En cas de violation du cahier des charges d’un lotissement, la jurisprudence, se fondant sur la règle selon laquelle l’exécution forcée en nature du contrat constitue un droit pour le créancier, juge que le propriétaire a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l’engagement résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l’existence ou de l’importance du préjudice, dès lors que, l’infraction aux clauses du cahier des charges étant établie, aucune impossibilité d’exécution de la démolition n’est invoquée ou caractérisée.

Au visa de l’article 1143 ancien du code civil, la jurisprudence excluait donc tout contrôle de proportionnalité en la matière et considérait qu’il y avait lieu d’accueillir la demande de démolition, quelles que fussent la gravité du défaut constaté et les conséquences de la mise en conformité.

Toutefois, la réalisation d’un bilan coût/avantages en cas de demande d’exécution en nature d’une obligation contractuelle est désormais imposée par l'article 1221 du code civil qui, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, et modifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 portant ratification de cette ordonnance, dispose que « le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

Ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats antérieurs au 1er octobre 2016 mais, dès avant la réforme, la Cour de cassation avait infléchi sa jurisprudence en admettant que certaines demandes pussent se heurter au principe de proportionnalité, même en dehors d'une atteinte à un droit fondamental. Elle en avait jugé ainsi pour les demandes de démolition consécutives à une annulation du contrat de construction de maison individuelle, ou les demandes de démolition et de reconstruction d'ouvrages affectés de vices.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir recherché si la demande de démolition d'un ouvrage ne respectant pas certaines stipulations du cahier des charges du lotissement était proportionnée, au regard de son coût pour le maître de l'ouvrage et du préjudice subi par les colotis. Les juges, qui avaient fait ressortir le caractère manifestement disproportionné de la démolition, pouvaient retenir une autre sanction de la violation de l'obligation contractuelle. On voit ainsi que l'exigence de proportionnalité est un principe de portée générale, aujourd'hui consacré par l'article 1221 nouveau du code civil, mais qui lui préexistait.

Par le même arrêt, la Cour de cassation précise qu'une société civile immobilière ne peut être considérée comme une professionnelle de la construction du seul fait que son objet social est d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer. La qualité de professionnelle de la construction suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques dans ce domaine. Il est, ainsi, de nouveau rappelé que les qualités de professionnel de l'immobilier et professionnel de la construction ne se confondent pas et que pour se voir attribuer la seconde, il ne suffit pas de faire construire des immeubles à titre professionnel.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.